Algérie

Les joueurs de l'EN 1980 étaient-ils des cobayes '



Les joueurs de l'EN 1980 étaient-ils des cobayes '
C'est un dossier qui refuse de vieillir et pour se persuader qu'il ne vieillit pas, rien de plus facile : il suffit de le feuilleter souvent pour confirmer que les inquiétudes et les interrogations de plusieurs joueurs de l'Equipe nationale de football des années 80 sont toujours d'actualité et qu'elles se gonflent comme une baudruche surtout avec le décès de la deuxième fille de l'ex-international Mohamed Chaïb.Le J.A a tenté de répondre à quelques une des interrogations et ce, dans l'une de ses dernières éditions, tout comme de nombreux médias algériens. Mais obtenir des réponses à toutes les questions posées est quasiment impossible lorsque portes et fenêtres sont fermées ! Nous avons, nous aussi voulu feuilleter ce dossier que nous enrichissons avec des interviews que nous avons réalisé avec Rachid Hanifi, médecin de la sélection des années 80 et Maitre Mourad Boutadjine qui défend les dossiers des joueurs. «Dans les années 1980, ils ont fait les beaux jours de l'équipe nationale de football. Aujourd'hui, pas moins de neuf de ces anciens Fennecs ont des enfants handicapés et les comprimes qui leur ont été administrés ont seraient la cause '», relève J.A. Il évoque justement dans le dossier, ces fameux comprimés aux différentes couleurs, censés améliorer les performances. Aujourd'hui encore, la question reste toujours suspendue dans l'attente d'une réponse qui ferait dégonfler cette boule nerveuse qui étouffe tant de familles. Qui dit vrai ' Qui dit faux ' Les avis s'entremêlent, s'entredéchirent et souvent se froissent. Chacun y va de sa cuillère d'infos sans pourtant démontrer la véracité des faits. Nous avons rencontré des ex-joueurs internationaux, lesquels eux-mêmes s'interrogent et n'arrivent toujours pas à comprendre ce qui s'est réellement passé. Chacun en parle mais avec prudence. Mustapha Kouici préfère ne pas commenter et souhaite qu'un travail sérieux soit mené par les professionnels de la médecine... Il est clair, devait-il ajouter, qu'il n'est pas question de laisser ce dossier traîner encore des années. Pour Kamel Berroudji, ex-joueur international, il y a faute. Il affirme «j'ai consommé mais je n'ai pas décelé en moi ou chez mes enfants des symptômes dont on en parle. Toutefois, je reste concerné, je veux aussi connaître la vérité sur ce traitement, se taire, c'est être complice». La somme des réponses récoltées ne suffit pas à dégager une parfaite conclusion. D'abord, selon eux, 1980 n'aurait pas secoué l'ensemble des joueurs. Un autre joueur qui préfère garder l'anonymat dira «J'ai pris ces comprimés mais je ne soupçonne aucun symptôme qui puisse me permettre de dénoncer ou de condamner cet acte», nous dira cet ex-joueur. Un autre intervient pour nous dire pourquoi seulement quelques uns et pas tout le monde... «Enfin, je ne suis pas expert mais laissons le temps aux professionnels de déterminer la réalité, ensuite aux autorités compétentes de prendre le relais...» En attendant, le temps qui passe n'efface rien, au contraire. La colère des ex-joueurs ne s'estompe pas. Ils ont dénoncé et continuent à le faire, sans pour autant obtenir de réponse des autorités concernées, et ce, après, plusieurs années de combat. Le journal J.A se réfère à la colère de Mohamed Kaci-Saïd, 55 ans, qui évoque son calvaire, lui qui a participé en 1986 au Mondial au Mexique. Il est le père de Madina, 27 ans, née handicapée physique et mentale. Il confie au journal «J'étais si choqué à sa naissance que j'ai refusé durant quatre ans d'avoir d'autres enfants, soupire-t-il. Entre les soins, la prise en charge et les médicaments au quotidien, nous n'avons plus de vie. C'est tellement pénible que ma fille me dit parfois : «Papa, j'ai envie de mourir parce que je ne supporte pas de vous voir souffrir, toi et maman...». Ce joueur international a aussi perdu un bébé dix jours après sa naissance. Il écarte «les déficiences mentales de Madina». Pour lui, ils ne sont ni une «volonté de Dieu» ni la conséquence d'une maladie héréditaire. Kabyle, marié (depuis 1983) à une femme d'origine turque - ce qui écarte tout soupçon de consanguinité - sa fille souffrirait donc, selon lui, des conséquences des comprimés qu'il prenait quand il jouait en équipe nationale. «Des médecins russes nous gavaient de pilules pour nous permettre - expliquaient-ils - de récupérer de nos efforts, affirme-t-il à Jeune Afrique. Aujourd'hui, je suis convaincu que nous étions des cobayes... nous voudrons savoir si nous avons été dopés et pourquoi nos enfants sont malades.» Mohamed Kaci-Saïd n'est pas le seul. Huit autres joueurs dont les Djamel Menad et Tedj Bensaoula, le défenseurs Mohamed Chaïb (qui vient tout récemment de perdre sa deuxième fille) Mustapha Kouici, le milieu de terrain Salah Larbès ou le gardien de but Mehdi Cerbah sont concernés). Pire encore, outre les joueurs de football d'autres athlètes seraient soupçonnés d'avoir avalé ces comprimés notamment les handballeurs, etc.) Or, nous avons appris que les autres athlètes ne sont pas aussi nombreux. «Certes, rien ne permet d'établir un lien entre les handicaps des enfants et les substances administrées à leurs parents, tout comme il est difficile pour la science de statuer sur les soupçons de dopage trente ans après les faits», souligne le rédacteur de ce dossier qui met en évidence les déclarations contradictoires de l'un des médecins incriminés, «le nombre élevé (près d'une quinzaine) d'enfants déficients ainsi que les ressemblances frappantes avec des cas de dopage avérés dans les anciennes Républiques d'Europe de l'Est laissent perplexe.» À l'époque, l'équipe nationale est dirigée par le Yougoslave Zdravko Rajkov, trois mois après sa nomination, s'ouvre au service du Russe Sacha Tourdiev, professeur de biochimie à l'ISTS de Ben Aknoun. Kaci-Saïd raconte : «Tourdiev nous donnait des comprimés de différentes couleurs. Nous les prenions uniquement lors de nos stages [avec la sélection], jamais en club. Le matin, tout le monde y avait droit. Il nous expliquait que ces pilules étaient sans danger, destinées à améliorer nos performances....» Rapidement, Tourdiev met à l'écart Rachid Hanifi, médecin de l'équipe nationale algérienne entre 1979 et 1981, en lui dissimulant les dossiers médicaux des joueurs. Des réactions qui restent encore vivantes à l'image de celle de Mohamed Chaïb. La prescription des pilules disparaît en mars 1982, dès l'arrivée à la tête de l'équipe de Mahieddine Khalef. «Avec lui, plus aucun comprimé n'a été délivré aux joueurs, mis à part les médicaments habituels», soutient Mohamed Chaïb. Kaci-Saïd acquiesce : «Les pilules ont disparu avec le départ du Russe. Comme par enchantement.» Tourdiev dopait-il les joueurs à l'insu du staff algérien ' Menait-il des expérimentations clandestines ' Mahieddine Khalef est catégorique : «Le dopage existait dans les pays de l'Est, mais pas en Algérie, affirmait-il en novembre 2011. Tout était strictement contrôlé par le Centre national de médecine du sport... Mais alors qui peut expliquer comment ces pilules reviennent dans le cavas du Russe Guennadi Rogov, nommé sélectionneur en octobre 1986. Cette fois-ci, Tourdiev cède la place à Aleksander Tabarchouk, dit Sacha. Professeur de biochimie à l'ISTS, il dispensait ses cours avec l'aide d'un interprète. Des étudiants se sont mêmes interrogés «nous ne comprenons pas comment un professeur de biochimie peut s'occuper de la santé des algériens '» La question lourde de sens est posée et le dossier est encore bien ouvert. Menad : «On pensait prendre des vitamines» Pour le joueur Djamel Menad «Sacha pouvait nous réveiller même à 6 heures du matin pour nous demander de les prendre. Je trouvais leur forme un peu bizarre, note-t-il, mais comme le médecin insistait sur le fait que c'était de simples vitamines, du magnésium, on les prenait.» Un jour, l'international Réda Abdouche en demande l'origine au Russe, gêné, celui-ci rétorque : «Ce sont des vitamines que j'ai ramenées à la hâte...» «Aujourd'hui âgé de 72 ans, installé dans son Oural natal, Aleksander Tabarchouk ne nie pas l'usage des comprimés mais soutient qu'il n'y avait que des vitamines - «des vitamines françaises», précise-t-il - et des «nutriments pour enfants». Où se procurait-il ces derniers ' En Hollande, confiait-il au site algérien DZ Foot en novembre 2011. «J'ai donné deux ou trois sortes de vitamines françaises, ajoutait-il, évasif, un mois plus tard sur la Chaîne de télévision France 2. J'ai aussi utilisé des vitamines suisses, du Supradyn et d'autres, toutes achetées par la fédération algérienne.» «J'aimerais bien que Sacha Tabarchouk vienne s'expliquer en Algérie, soupire Kaci-Saïd. Il dit que ce sont des médicaments pour nourrissons, mais nous n'étions pas des nourrissons, nous étions des athlètes de haut niveau. Et dire qu'à l'institut de Ben Aknoun ce médecin faisait des expériences sur les animaux ! Pour lui, nous étions des rats de laboratoire.» Mohamed Chaïb qui vient de perdre sa seconde fille, avait avec son épouse, effectué des analyses en France et consulté un spécialiste. Diagnostic de ce dernier : il n'y a aucune raison qu'ils engendrent des enfants handicapés. «Cherchez du côté de vos médecins russes.» Sous la pression des parents, certains des enfants affectés ont été admis dans un hôpital proche d'Alger pour une série d'examens. Résultats : les spécialistes ont conclu à l'impossibilité de lier leurs handicaps aux substances ingurgitées par leurs pères trente ans plus tôt.» Dans ce volumineux dossier qui est aussi un voyage pas très agréable, l'on trouve des déclarations qui peuvent étonner plus d'un. Après les médecins, voilà que l'ancien ministre de la jeunesse et des sports, Hachemi Djiar déclare à celui qui veut l'entendre ou lire : «Je ne veux pas entendre parler de ce dossier», aurait tranché, lapidaire, alors que l'actuel ministre, Mohamed Tahmi a reçu Menad et Kaci-Saïd, «mais aurait, selon Jeune Afrique recommandé à ces derniers de «ne plus ébruiter l'affaire», «s'engageant» à ce que les parents et les enfants soient pris en charge. Hanifi : «Ma démission est due à une mésentente avec Rogov» Le professeur Rachid Hanifi a voulu réagir aux dernières déclarations que Jeune Afrique lui avait attribué. En voici sa réponse : «Oui en effet, l'hebdomadaire international Jeune Afrique, dans son n°2746 du 25 au 31 août 2013, a publié un article intitulé : «Nous étions des cobayes» sous la plume de son correspondant.
Dans cet article, j'ai été cité suite à un entretien que j'avais eu préalablement avec l'auteur, sur cette malheureuse affaire. Afin d'éviter des confusions liées à une mauvaise interprétation, mais certainement involontaire, restitution de mes propos par l'auteur de l'article, j'aimerais apporter les corrections suivantes, à travers un quotidien national largement diffusé et consacrant une place importante au sport, et exprimer mon point de vue sur cette dramatique situation : ma démission en qualité de médecin de l'équipe nationale de football est survenue suite à une mésentente avec l'ex-entraîneur soviétique Guennadi Rogov, lequel préférait effectivement travailler avec son compatriote le Dr Sacha Tourdiev. L'auteur de l'article a fait malencontreusement un amalgame avec le yougoslave Zdravko Rajkov, à la mémoire duquel, je voudrais rendre un grand hommage, pour ce qu'il a apporté au football algérien (EN junior 1979 à Tokyo puis EN senior de 1979 à mai 1981 avec Mahieddine Khalef et Rabah Saâdane) et à la confiance qu'il faisait au médecin algérien. Cette démission ne traduisait pas à l'époque, une suspicion à l'égard du médecin russe, mais se voulait une question de principe, ne pouvant et ne voulant pas assumer la responsabilité d'actes dont je n'avais pas le contrôle. Il me semblait en outre difficile d'accuser le Dr Tourdiev d'éventuel dopage, car ce tandem soviétique n'était resté que quelques mois, avant d'être remplacé pour la participation au Mondial d'Espagne. La suspicion concernerait la période de reprise de l'équipe nationale par le staff constitué par l'entraîneur Guennadi Rogov et le Dr Sacha Tabartchouk, après le retour du mondial de Mexico 1986. A cette époque, je n'étais pas avec le staff de l'équipe nationale, ne pouvant donc pas juger du travail accompli par le confrère soviétique. Les doutes que je ne pouvais que partager sur les causes d'handicaps ayant touché des enfants de plusieurs ex-joueurs de l'équipe nationale de football, sont justifiés par les faits suivants : Le nombre relativement élevé d'ex-joueurs concernés par ce drame, appartenant à la même génération et ayant évolué dans la même équipe nationale, peut-il être le simple fruit du hasard ' Au plan statistique, la question mérite d'être posée Le Dr Tabartchouk exerçait préalablement en qualité d'enseignant de biochimie au niveau de l'ISTS de Ben Aknoun. La question que je me pose est de savoir ce que pouvait faire un médecin biochimiste au niveau de l'équipe nationale de football, d'autant plus qu'il n'était pas dans un staff médical, mais agissait seul Le médecin russe a affirmé, lors d'un entretien sur une chaîne de télévision française, qu'il donnait aux joueurs des produits vitaminiques importés et qu'il avait l'habitude de les prescrire pour aider les enfants dans leur croissance. Par quel canal habilité ces produits avaient-ils été importés, et y avait-il eu un contrôle préalable de ces médicaments avant de les prescrire aux joueurs ' Toutes ces questions, ainsi que les cas similaires relevés au niveau des ex-pays de l'Europe de l'Est poussent à des interrogations sur l'origine de ces handicaps ayant touché la progéniture d'anciens footballeurs internationaux. Les examens effectués, à la demande du ministère de la santé, par une commission de spécialistes dont j'ai fait partie, n'ont pas permis d'établir un lien éventuel, d'autant plus que la nature du handicap est parfois différente et que les faits soupçonnés remontent à une trentaine d'années. Cependant, l'inconnaissance des produits donnés aux joueurs de l'équipe nationale par le médecin russe d'une part, et la non maîtrise des effets à long terme des substances dopantes d'autre part ne permettent pas d'être affirmatif quant à l'existence ou non d'un lien entre l'absorption des médicaments administrés à l'époque et les handicaps survenus chez les enfants ultérieurement. En raison du doute légitime manifesté par ces anciens internationaux qui se sont sacrifiés pour défendre dignement les couleurs nationales et des difficultés auxquelles ils sont confrontées, particulièrement pour certains au plan social, une prise en charge de leurs doléances par les pouvoirs publics mérite d'être entreprise. Même si le lien de cause à effet n'a pas pu être établi, pour les raisons sus indiquées, le doute doit profiter aux victimes. Personnellement, ayant connu ces joueurs, en équipes nationales juniors et seniors, leurs sérieux et engagement pour les couleurs nationales, et ayant vu leurs enfants handicapés et compris la souffrance des parents, je ne pouvais que compatir à leur peine et me sens dans l'obligation morale de défendre leur situation. L'un d'eux, Mohamed Chaib vient de perdre sa deuxième fille, j'ai ressenti sa profonde douleur et l'assure de ma sincère solidarité en ces moments pénibles pour lui et sa famille.


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