Algérie

LES ISLAMISTES PRIS AU… MOT



Hormis le dérapage très vulgaire de la présence d'un ancien ministre français très ami de l'ex-couple présidentiel de Tunisie, la manifestation, lundi, des Tunisiennes - et des Tunisiens - pour le respect des droits de la femme et de l'égalité est à saluer. Organisée à l'occasion de l'anniversaire de la promulgation du code de statut personnel (CSP) le 13 août 1956, cette manifestation était utile et nécessaire. Ces femmes et ces hommes, pour beaucoup par conviction pas «moins musulmans» que les dirigeants d'Ennahdha, ont refusé qu'un article du projet de nouvelle loi fondamentale substitue la notion d'égalité entre les femmes et les hommes par la formule, léonine et sujette à interprétation, de «complémentarité».
Les femmes tunisiennes ne coupent pas les cheveux en quatre. Elles ont lu le projet d'article qui indique que l'Etat «assure la protection des droits de la femme, de ses acquis, sous le principe de complémentarité avec l'homme au sein de la famille et en tant qu'associée de l'homme dans le développement de la patrie». Ennahdha se défend de vouloir remettre en cause les progrès reconnus dans le statut de la femme en Tunisie et parle de «confusion, voire même de provocation et d'exagération». Il existe bien des courants politiques en Tunisie qui n'ont pas admis la victoire électorale d'Ennahdha et sont bien décidés de faire feu de tout bois. Cela n'explique pas pourquoi le mot «égalité» gêne les islamistes. S'ils ne veulent pas remettre en cause les acquis des femmes en Tunisie, ils doivent, comme ils l'ont promis d'ailleurs, s'abstenir de tout ce qui pourrait aller dans un sens régressif.
La notion d'égalité en droit pose un problème pour les islamistes, mais les dirigeants d'Ennahdha ont tellement insisté sur leur bonne foi, sur leur volonté d'aller de l'avant et non de revenir en arrière, qu'on les prend au… mot. Ils ne doivent pas jouer sur les mots. S'ils ont des problèmes avec leurs troupes ou avec la surenchère de salafistes, ils ne doivent pas les résoudre en usant d'artifices. Les femmes tunisiennes qui ont manifesté savent qu'il y a un décalage entre l'ordre légal et le vécu social. Et elles sont d'autant plus attachées à ce que le principe de l'égalité des sexes soit préservé au niveau des lois que les mouvements régressifs travaillent désormais ouvertement le corps social. Ennahdha a voulu se distinguer de ces mouvements en s'engageant à ne pas remettre en cause le code du statut personnel (CSP). Il doit assumer sans tergiverser. Il lui revient d'éduquer sa propre base au lieu d'essayer de la satisfaire par des man'uvres lexicales aux conséquences dangereuses.
LES TUNISIENNES QUI ONT MANIFESTE A CETTE OCCASION HISTORIQUE SAVENT PERTINEMMENT QUE CE QUI EST «COMPLEMENTAIRE» N'EST PAS NECESSAIREMENT EGAL ET QUE L'INTRODUCTION DE CETTE FORMULE, AU-DELA DES INTENTIONS, EST DE NATURE A MINER LE PRINCIPE D'EGALITE JURIDIQUE CONSACRE PAR LE STATUT DU PERSONNEL. ELLES ONT RAISON DE DEFENDRE L'EGALITE EN PREMIER. LA COMPLEMENTARITE SUIT NECESSAIREMENT, ELLE NE DOIT PAS S'Y SUBSTITUER. LES MOTS SONT IMPORTANTS. A PLUS FORTE RAISON QUAND ILS SONT CEUX DE LA LOI FONDAMENTALE.


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