Algérie

Les intouchables



Chiche ! C'est ce que tous les citoyens honnêtes qui vivent exclusivement du fruit de leur labeur sont tentés de répondre au premier ministre Ouyahia qui avait promis devant le Parlement, sur un ton guerrier, de tordre le cou à la corruption. Le président Bouteflika avait pris le même engagement, dès son arrivée aux affaires en 1999, en jurant la main sur le Coran qu'il allait déclarer la guerre à la corruption, semant le doute et la suspicion dans le sérail en révélant l'existence d'une quinzaine de barons de l'import-import qui régentent l'économie nationale et alimentent le marché informel. On s'attendait dans le sillage de cette révélation fracassante à voir se dresser un bûcher qui ferait date dans l'histoire, à l'ouverture de dossiers de corruption de grosses légumes, qui allait faire recouvrer à l'Etat son autorité et débarrasser l'économie des pratiques mafieuses qui ont causé un incommensurable préjudice à l'économie.Il n'en fut rien. Simple profession de foi qui n'a pas résisté à l'épreuve de ce mal profond qui gangrène le pays ! Un mal que l'on dénonce officiellement pour les besoins de la consommation extérieure, pour donner au pouvoir une image avenante de respectabilité et de transparence, mais que l'on entretient tacitement par un jeu d'équilibre et de connexion au sein du pouvoir entre les milieux politiques et les milieux d'affaires ; les deux se confondant parfois pour n'en faire qu'une seule et même entité. Ceci pour dire que la corruption n'est pas un corps étranger créé ex nihilo. Elle se confond avec le système en place qui l'a enfantée, entretenue et encouragée à travers un arsenal de loi sur la passation des marchés publics, les pratiques anti-économiques ' aussi vieilles que le système ' des interventions et des pressions, venues d'en haut, sur les gestionnaires pour faire bénéficier un proche, un ami d'un crédit, d'un marché public.Des lois qui légalisent d'une certaine manière la corruption et assurent aux corrompus et aux corrupteurs de tous poils l'impunité totale. Surtout les gros requins qui écument l'économie nationale lesquels ont les épaules larges et jouissent des protections nécessaires pour se remplir indûment les poches. Les chiffres sur les affaires de détournement et de dilapidation des deniers publics ainsi que du foncier annoncés par le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, jeudi devant les députés, ne sont pas seulement inquiétants au regard de l'ampleur du mal, mais interpellent aussi les consciences quant à la banalisation de ce phénomène. S'il faut louer le courage politique de Ouyahia d'avoir, pour la première fois, cité des chiffres, à défaut de citer des noms d'intouchables et d'évoquer des dossiers lourds et dérangeants, il y a lieu de s'interroger, en revanche, comment on en est arrivé, sans crier gare, à ce stade de déliquescence.La réponse réside dans l'absence de contre-pouvoirs réels et d'organes efficaces et indépendants de contrôle de la gestion des deniers publics. Tant qu'on n'aura pas réhabilité ces outils dans leur vocation de gardiens de la moralisation de la gestion des deniers de l'Etat, la corruption continuera toujours à sévir avec autant de férocité.




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