Le 19 janvier prochain, la justice
française doit se prononcer sur la demande d'extradition par la Libye de Nouri
El Mismari, le chef du protocole du colonel Mouamar El Kadhafi. Ce proche du
leader libyen aurait demandé l'asile politique en France alors que son pays
l'accuse de «détournements de fonds publics». L'affaire, qui menace de miner
les relations franco-libyennes – notamment économiques – est gérée très
discrètement.
Des deux côtés, les officiels ne font pas
grand bruit de cette gênante affaire. Paris n'a émis aucun commentaire officiel
sur l'affaire qui a éclaté le 29 novembre dernier lorsque le dignitaire libyen
a été interpellé dans les Hauts-de- Seine (Paris) et placé sous écrou
extraditionnel. La procédure était enclenchée et l'on pouvait en déduire que le
sort de Nouri El Mismari allait être rapidement scellé, conformément aux vÅ“ux
de Tripoli. Les autorités libyennes accusent le chef du protocole du colonel
Kadhafi d'avoir détourné environ sept millions d'euros. Lui, clame son
innocence en soulignant qu'il ne gère pas de fonds publics. M. El-Mismari a été
libéré le 15 décembre après une décision de la chambre de l'instruction ayant
appuyé sa décision sur «le manque d'indépendance du parquet français dénoncé
par le droit européen». La Cour a estimé que cette détention était frappée
«d'irrégularité» au vu de la Convention européenne des droits de l'homme.
Dans la proximité du guide depuis 1969
Dans cette procédure d'extradition, la
chambre de l'instruction est chargée de rendre un avis. S'il est favorable, la
demande d'extradition fait l'objet d'un rapport du Garde des Sceaux, puis d'un
décret du Premier ministre, sinon la procédure est stoppée. Il a donc
provisoirement retrouvé la liberté puisque la question de son extradition a été
renvoyée au 19 janvier prochain par la chambre de l'instruction de la Cour
d'appel de Versailles. El-Mismari est aux côtés de Mouamar El Kadhafi depuis
1969. Ce sexagénaire polyglotte, qui a entre autres étudié à Paris, passe pour
être un pilier du régime libyen dont il connaît les moindres recoins. Outre le
protocole du chef de l'Etat libyen, il avait la haute main sur les nombreuses
résidences d'Etat, ainsi que les avions «VIP» destinés à tous les déplacements
officiels et officieux à travers le monde. Pour quelques observateurs, il ne
devrait pas sa disgrâce à une affaire de détournement mais plutôt à ses
présumées accointances avec le «clan» dit des «réformateurs» animé notamment
par Seif El-Islam Kadhafi, un des fils du colonel. Or, ce «clan» et surtout
Seif El-Islam serait en perte de vitesse fasse aux tenants du «clan des
conservateurs» qui aurait l'oreille attentive du vieux leader. Cette affaire
interne tombe mal pour la France. Paris a amorcé depuis quelques mois la mise
en Å“uvre d'une stratégie de diversification de ses échanges avec Tripoli qui
sont loin d'être aussi florissants qu'avec l'Italie de Silvio Berlusconi. Les
échanges sont caractérisés par un déficit commercial structurel. Les
importations de Libye (à 95% des hydrocarbures, soit 2,5% des approvisionnements
français) ont été estimées en 2007 à 2 165 millions d'euros. Paris n‘exporte
que pour l'équivalent de 521 millions d'euros, ce qui en fait tout de même le
cinquième fournisseur de la Libye.
Offensive économique française en cours
Le gouvernement Fillon veut conquérir des
parts de marché dans le secteur financier, l'industrie, la construction, l'eau,
les télécommunications et l'ingénierie. Le patronat français y est impliqué.
Pour le moment une quarantaine de filiales ou de représentations d'entreprises
françaises se sont installées pour Å“uvrer à cet objectif dans ce pays de 6
millions d'habitants dont le ratio PIB/habitant est le plus élevé d'Afrique. En
2009, il était estimé à 105 000 dollars. Tripoli est le deuxième exportateur de
pétrole du continent, avec plus de 60 ans de réserves estimées au rythme actuel
de production. Quant à ses réserves de gaz, elles tourneraient autour de 1500
milliards de m3, Les investissements français, principalement orientés vers le
secteur pétrolier, sont donc en cours de diversification dans ce pays.
Cette stratégie est soutenue
politiquement au plus haut niveau. Pour cela, et probablement pour d'autres
dossiers sensibles, le secrétaire général de l'Elysée Claude Guéant a effectué
pas moins de quatre visites en Libye depuis 2008, la dernière remonte à juillet
2010. L'affaire El-Mismari tombe comme un cheveu dans la soupe. Le silence
officiel observé de part et d'autre signifie que la diplomatie est en action.
Paris voudra préserver ses intérêts et éviter que cela ne dégénère en crise
diplomatique, comme ce fut le cas en 2008 entre Tripoli et Genève après les
frasques en Suisse de Hannibal, le fils cadet du leader libyen. Cela pourrait
prendre cette tournure si Paris accorde l'asile politique à El-Mismari dont
certaines sources excluent qu'il puisse se rabibocher avec Mouamar El Kadhafi.
D'autres sources notent que la famille de l'ex-chef du protocole présidentiel
n'a pu quitter le pays. Elle pourrait alors devenir un moyen de pression, voire
d'échange, pour un éventuel arrangement qui éviterait des déballages dont
Tripoli ne voudrait absolument pas.
Posté Le : 04/01/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Ali Bouazid
Source : www.lequotidien-oran.com