Algérie

Les intellectuels s'expriment «Lève ta tête ya ba !»



Monsieur le président Boutefllika,
Si vous tenez à votre candidature pour un 5e mandat, vous trahissez les enfants de ce peuple qui ont fait de vous leur Président durant 20 ans.
Ce peuple qui vous a tant donné, la gloire, l'amour, la reconnaissance et l'estime. Vous serez gravé dans les mémoires de nos enfants et de nos petits-enfants, mais vous ne serez jamais notre prophète, comme le prétendent certains. Vous êtes présent dans notre esprit et c'est déjà fait depuis 1964. Mes grands-parents et mes parents sont partis avec votre image. L'Algérie, le drapeau, les chouhada vous demandent de ne pas vous présenter à un autre mandat.
Vous êtes malade et souffrant, et à travers cet abattement, de plus en plus les institutions et les hommes s'affaiblissent, ils manquent à leur devoir et votre entourage profite pour faire profit. Et sans doute ils vont être bientôt présents dans la rue pour tourner la veste. Il faut savoir quitter la table, monsieur le Président.
Vous connaissez la manière d'être autour d'une table. Dans ce monde moderne, les enfants de l'Algérie, comme ceux des autres pays, exigent de céder votre place au même titre que les Bush, Clinton, Obama, Sarkozy, Lula, Hollande, Mandela, Mbeki et bientôt Macron, Trump et Sissi, lorsque vous étiez la seule personnalité arabe connue mondialement grâce à l'Algérie et à sa lutte. Votre exemple est enseigné dans les grandes universités du monde. Votre engagement était une plateforme des mouvements de libération en Afrique et dans le reste du monde. Beaucoup d'Occidentaux, intellectuels, politiques, idéologues? étaient dans l'étonnement et à l'écoute attentivement de vos discours.
C'est la vie, La terre tourne
Aujourd'hui, maintenant sur ce sol des martyrs, c'est l'époque de mon enfant, je ne veux pas qu'on lui dise : vous êtes gouvernés par une monarchie totalitaire, une monoculture et un pouvoir assassin.
Pour ma génération, par la force du destin de mon pays, j'ai admis, mais je refuse que mon enfant grandisse sous ce régime. Il suffit de voir le classement sur le plan international de notre université, de notre école, de notre équipe de foot, de nos produits, rejetés même par les Libyens, les comptes bancaires de nos dirigeants successifs et de leurs proches, les biens acquis par leurs familles à l'étranger et au pays, voir l'état de nos sociétés, comme Sonatrach, Air Algérie et la TV nationale?
A cause des usurpateurs, ces sociétés publiques sont devenues des propriétés privées. Durant vos années de gouvernance, j'ai assumé des critiques amères lors de mes multiples voyages à travers le monde, avec un passeport vert, concernant la corruption, les passe-droits, le piston, le vol, l'injustice, l'enrichissement illicite en Algérie. Lors d'une conférence à Paris, j'ai pris position pour les peuples palestinien et sahraoui devant une délégation israélienne, j'ai eu comme réponse : «Monsieur, changez votre pouvoir avant de vous occuper à changer le monde et défendre des causes.»
A partir du moment présent, je ne veux pas que mon enfant entende cela et vive cette humiliation, c'est la vie. La Terre tourne. Les enfants de ce peuple sont d'accord pour qu'un autre Algérien soit leur Président, pourquoi pas ' Vos supporters disent que c'est impossible et surfent sur la peur et le terrorisme. Pourquoi, nos femmes ont-elles pondu des poules ou sont-elles stériles, pour qu'on n'ait pas un homme ou une femme qui pourrait nous gouverner '
Dans nos rues, dans nos lycées, dans nos universités, dans nos crèches, dans les ventres de nos femmes, dans nos foyers, dans nos casernes, dans nos campagnes, dans notre Sahara, en haut de nos montagnes, dans nos bureaux et sous nos couettes, dans les rues de New York, de Montréal, de Paris, de Khartoum, nous vous demandons de ne pas vous présenter. Nous voulons un autre Algérien comme Président. Si la Constitution n'avait pas été amendée d'une manière arbitraire, sans consultation des vivants, elle vous aurait interdit d'être encore président de la République. Vous avez changé le règlement, mais pas le peuple.
Malgré cette erreur historique, le peuple vous pardonnera, mais pas aux gens qui vous imposent aujourd'hui. Ils seront les premiers à allumer la mèche et à verser de l'huile sur le feu pour que ce peuple plonge dans la violence et l'enfer. Eux, ils ont déjà assuré l'avenir de leurs enfants. Ils n'ont plus besoin de ce pays, mais moi, Monsieur le Président, je contribue encore à ma retraite et je fais grandir mon garçon sur les principes de ses grands-parents chaouis.
Nous ne méritons pas le mépris, le manque de respect des larbins. Comme intellectuel, je n'oublierai pas ces phrases grossières : «Maudis les gens qui ne nous aiment pas?» «Il faut se contenter de manger du yaourt?» «Le peuple algérien ne sait pas manifester pacifiquement» «Il faut voter oui pour prétendre à un logement.» Et dernièrement, la sortie du patron de l'Assemblée nationale par un hold-up du Fln, par procuration. Celui-ci, il est de quelle fabrication, de quel moule ' C'est une calamité. En votre nom, il insulte le peuple comme il respire, alors qu'il est aux pieds du parti de mes parents, il ose nous injurier. Dommage pour notre vieux front et notre chère patrie.
Ce monsieur, s'il était sous d'autres cieux et à une autre époque, serait déjà condamné. Mon père, s'il était encore vivant en écoutant ses simulacres et ses impostures, aurait le même avis avec Monsieur le Président sortant. S'il n'y avait pas de rêve, il n'y aurait pas un pays qui s'appelle «Union des Etats-Unis d'Amérique». Et si ce pays est la première puissance mondiale, c'est grâce au rêve américain !
Monsieur le Président, vous méritez mieux en hommes, langages, discours et propos, mais voilà les conséquences de deux décennies d'un seul pouvoir. Certainement, l'Algérien que nous choisirons comme président de la République n'aura pas votre diplomatie, votre passé glorieux, mais il sera un autre comme est Macron pour les Français, Sanchez pour les Espagnols et Giuseppe Conte pour les Italiens. Et pour les Sud-Africains, Cyril Ramaphosa, notre futur dirigeant sera un Algérien comme vous. Un autre brillant, comme vous l'étiez à l'époque pour prendre les rênes du pays. Devant l'exigence populaire, notre pays a besoin d'un Président différent. Je suis convaincu qu'au fond de vous-même vous êtes d'accord, et pourtant vous l'avez promis.
C'est la vie, la terre tourne
Nous n'avons pas un autre pays comme une pièce de rechange pour changer la patrie. Par contre, nous n'avons pas aimé que vous vous soigniez à l'étranger depuis une décennie, alors que des millions d'Algériens sont entre les bonnes mains de nos professeurs algériens. Et ils guérissent. Mon enfant appréciera certainement vos grands projets, autoroute Est-Ouest, un million de logements, la conduite d'eau à Tamanarasset. Et une armée forte dans nos casernes et à nos frontières.
L'Algérie remerciera vos efforts. Pour ma génération, vous avez accompli votre devoir envers la nation et si elle est forte, c'est grâce aux luttes, au travail des patriotes comme vous. Comme l'étaient mon grand-père et mon père dans les montagnes des Aurès et d'El Djorf et ceux de beaucoup de nos compatriotes dans toute l'Algérie étaient aussi sans exception.
Aujourd'hui, des opportunistes, des non- voyants en plein jour se cachent derrière vous pour gangrener le pays afin de demeurer au pouvoir, et de surcroît ils manipulent les militants, opposent les jeunes entre eux, aveuglent les tendances de bon sens, y compris l'opposition à un 5e mandat. L'Algérie m'a donné bac + 6, votre passage comme Président a fait de moi un Algérien qui réfléchit, qui compare, qui anticipe, qui décide et qui dialogue.
C'est un acquis. Mon fils a déjà un iphone et grâce aux nouvelles technologies, il est ouvert sur le monde. Il est déjà à l'extérieur sans traverser la mer. Par mon non à votre candidature, je n'accepte pas qu'il soit victime d'une monoculture périmée et avare ni mort dans la mer pour la traverser.
Nous sommes en 2019 et je ne comprends pas les raisons de MM. Sidi Saïd, Sellal, Haddad, Salah, Benyounes, Ghoul et compagnie et leurs proches qui veulent vous imposer au peuple. Malgré tout, je respecte vos frères, ils ont raison sur le plan familial de vous soutenir et vous tenir en veille.
Nous disons non et nous ne comprenons pas l'imposition d'un 5e mandat et je ne veux pas que mon fils grandisse avec cette image. Etant père, je ferai tout mon possible pour m'opposer à votre candidature afin que l'intérêt et l'avenir de mon enfant soient préservés et assurés .
C'est la vie, la terre tourne
Nous n'avons rien à acheter ou à vendre pour vous dire non, car nous avons dit oui pour les précédents mandats sans attendre aucun intérêt et nous n'avons tiré aucun profit. Grâce à notre travail, nous sommes comme toutes les familles algériennes qui se lèvent tôt pour gagner leur croûte. Notre savoir-faire et nos compétences nous ont fait aligner avec nos concurrents sur le plan international. Mon fils sera fier de son père si je dis non, et il sera encore plus fier de vous si vous partez maintenant. Ma région chaouie était le premier territoire à voter pour vous en majorité pour 4 mandats.
Aujourd'hui, elle est la première à vous demander de partir avec amour, considération et honneur. Cette partie de notre pays n'a pas utilisé la marche arrière avec vous depuis la guerre d'Algérie. Elle vous a sauvé la vie lors d'une visite, mais dès lors elle n'accepte pas et n'adhère pas à ce mandat. Laissez tomber Monsieur le Président. En mon nom, vous serez le Président à vie de tous les Algériens, vous serez dans le c?ur, dans l'esprit de ses enfants, dont le mien, si vous ne vous présentez pas. Restez notre doyen par excellence, notre symbole et passez le flambeau à un autre Algérien. Dans ma région, nous avons toujours accueilli les gens par la porte, sortez par celle-ci, ne faites pas comme les Bachar, Ben Ali, Khadafi et Moubarak.
Grâce à ce peuple, vous avez un passé politique inéluctable, un présent fameux, mais pour mon enfant, vous êtes malade, vous ne parlez pas, vous ne marchez pas, vous n'écrivez pas et vous ne vous déplacez pas, vous ne souriez pas comme les autres présidents et cela depuis des années. Mes grands-parents comprenaient, mes parents ont eu pitié, moi, je contemple. Mais mon enfant ' Non . Il dit non, il lève sa tête pour dire non au 5e mandat.
Vive l'Algérie.

Par Djamel Azizi , Cinéaste


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