Algérie

Les intellectuels et les urnes!



Publié le 22.07.2024 dans le Quotidien l’Expression

Les intellectuels, les écrivains, les artistes, les musiciens, les peintres, les poètes, les dramaturges, les cinéastes font la politique autrement, à leur manière, en usant d'un autre discours. La culture est un soft power!
Ces jours-ci, les langues des politiciens se délient. Celles des intellectuels critiques se taisent, se font rares ou silencieuses. Dans ce brouhaha, le citoyen lambda espère entendre la voix de la raison qui n'est que celle de l'intellectuel sage et réfléchi, mais qui n'a pas la langue dans la poche.
Les quelques universitaires qui interviennent, à propos des élections sur des chaînes de télévision ou à la radio, ressemblent aux politiciens, épuisent du même lexique saisonnier. Le citoyen attend autre chose.
Les élections, philosophiquement parlant, sont avant tout une question culturelle et civilisationnelle. Elles sont le résultat d'une accumulation de la culture politique et autre.
Le choix dans un acte électoral, en lui-même, est une responsabilité. Le refus en est une autre. La liberté du choix est l'âme de la démocratie.
Il n'y a pas d'élection juste et positive en l'absence de la culture de la citoyenneté. L'électeur est un citoyen et non pas un chiffre, une voix et non pas un bulletin! Élire, c'est choisir en toute liberté, ou ne pas choisir en toute liberté. Mais il faut que ce choix ou ce non-choix se concrétise en toute conscience, en soutenant et en adhérant à un programme de société porté par un candidat ou par un parti ou par un groupe social, ou le contraire.
Dans les pays du tiers monde, parce qu'il n'y a pas de démocratie, pas de transparence politique et économique ou peu, les citoyens, de génération en génération, depuis les indépendances nationales, boudent les élections, quelle que soit l'importance de ces dernières.
Le cordon ombilical de la confiance entre la classe politique et le citoyen du Sud est inexistant ou fragile.
Seuls les intellectuels critiques, sages et visionnaires ont la capacité de réconcilier le citoyen avec les élections dans une vision de changement et de renouveau.
Dans les pays du Sud, toute élection, quel que soit le niveau de sa crédibilité, quel que soit le niveau de sa transparence, représente un chemin, aussi court soit-il, pour une prise de conscience historique, politique et sociétale. Quand les élections sont encadrées par un discours savant, crédible et sans faveur, la transparence comme la triche, la droiture comme la tartufferie, se transforment en un facteur qui réveille le citoyen impuissant de son somnambulisme politique.
Mais afin de faire changer la situation vers le positif, les intellectuels sont appelés, d'abord par leur conscience, à participer aux élections, mais à leur manière, par le mot fort et éveilleur avant le bulletin de vote.
Aux yeux de l'intellectuel des lumières, les élections ne se limitent pas à la magie des urnes.
Sans illusion aucune, les intellectuels démocrates, par leurs voix et par leur union variée, dans leur diversité, peuvent changer le sens de la philosophie des élections, faire bouger l'image terne et abîmée des élections dans l'imaginaire collectif et individuel. Ils peuvent réaliser cela par le débat, par les écrits, et ainsi bousculer les élections et les électeurs.
Aux yeux de l'intellectuel, les élections, ce ne sont pas une course pour le pouvoir seulement. Accéder au pouvoir est essentiel pour les candidats en lice mais, pour les intellectuels, c'est l'occasion d'appeler à la mobilisation pour une nouvelle société de citoyenneté, de démocratie et de justice.
Il est demandé aux intellectuels critiques, éveilleurs de conscience, de faire des élections un acte, un rendez-vous capital, pour élever le plafond de la liberté un peu plus haut!
La politique ne se fait pas sans la culture, ne se construit pas loin de la culture. La culture de la raison est le vrai ciment de la politique vraie! On ne bâtit pas l'avenir solide et rassurant d'une nation en l'absence, ou en la marginalisation, de la voix des intellectuels positifs et libres.
Toute élection politique qui n'écoute pas la voix de l'intellectuel libre, qui bannit la présence de la culture des lumières est condamnée à l'échec.
Il est demandé aux intellectuels démocrates de tous bords qui, malheureusement sont de plus en plus minoritaires, de saisir l'occasion des élections pour déclencher des débats responsables, traitant de la société menacée par l'extrémisme et le fanatisme.
Interpellés par leur conscience personnelle, les intellectuels critiques et positifs, quelle que soit leur appartenance philosophique, doivent signer leur acte de présence en toute liberté afin d'attirer l'attention des politiques qui s'apprêtent à prendre le pouvoir sur ce qui doit changer dans notre société, ce qui doit être fait, ce qui doit être évité.
Le rôle d'un intellectuel libre dans les élections ne s'arrête pas au geste de glisser, ou ne pas glisser, son bulletin dans l'urne mais, avant tout, de saisir cette occasion pour parler du cinéma, du livre, du théâtre, de peinture, de musique. Mais pour arriver aux débats sérieux, libres et responsables, il faut ouvrir les chaînes de télévision, les radios aux idées contradictoires et fécondes.
Amin Zaoui



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