Les insu-portables
Choisir le métier de comédien, de cinéaste, de chanteur ou de musicien relève d?un courage inouï dans une société où déjà le travail le plus sobre ? mettons comptable ?paraît presque honteux. En plus d?une certaine témérité et de sacrifices certains, que faut-il pour envisager une carrière dans le spectacle ? Peut-être un grain de folie ? Mais bon ! Certains diront, à raison, qu?il est nécessaire à l?exercice de l?art. Les mêmes citeront quelques brillantes réussites. Ils ajouteront que dans le monde entier, la scène est une arène où le toréador ne peut jouir de la gloire qu?au péril de sa vie. Mais ne dramatisons pas. Restons-en aux hantises immédiates de ceux qui se destinent au bon plaisir des auditoires. Jusque là, principalement deux étaient connues : celle du navet et celle de la tomate. En effet, le navet vide les salles de leurs spectateurs tandis que la tomate vide la colère des spectateurs sur les artistes. Voilà que de nos jours, un nouveau fléau est apparu : les portables dont les sonneries, toutes plus incongrues et tonitruantes les unes que les autres, viennent troubler sans vergogne les représentations de films, de pièces ou de concerts. Les organisateurs et les artistes ont beau demander clairement, gentiment, obséquieusement, à la limite de la supplication, à « l?honorable assistance » de « bien vouloir avoir l?obligeance d?éteindre? », rien n?y fait ! Il en est toujours ? pas un, mais plusieurs ?, pour infliger aux autres spectateurs et aux artistes leur boucan électronique. Une étude anthropologique de ces énergumènes a permis de déterminer leur répartition en plusieurs sous-espèces. Il y a ceux et celles qui laissent longtemps sonner leur engin, se donnant un air de pénétration absolue du spectacle avant de découvrir, bien après le reste de la salle, la source du bruit. Il y a ceux qui répondent sur place pour dire à haute voix qu?ils sont à tel spectacle ou que le plombier n?a pas trouvé l?origine de la fuite (histoire authentique). Il y a ceux qui, la jouant bien élevés, vont répondre dehors, sans oublier de faire lever toute leur rangée ni de commencer à répondre à leur correspondant en danger de mort. Les spectacles ne seraient-ils fréquentés que par des directeurs techniques de centrales nucléaires ou des chirurgiens spécialistes de greffes du c?ur ? Idem pour les réunions, conférences, séminaires, etc. Mais finalement, pourquoi parler de ça quand, même lors des enterrements, les portables viennent troubler le silence funéraire ? Allez, parlons de choses plus amusantes comme cette recette de « gâteau de pomme de terre surprise » publiée par un confrère. Si les navets et les tomates ont à voir avec l?art, pourquoi donc ces chères patates n?entreraient-elles pas en pâtisserie ?
Posté Le : 04/10/2007
Posté par : sofiane
Ecrit par : Ameziane Ferhani
Source : www.elwatan.com