Algérie - RELIGION

Les inscriptions funéraires au cimetière d’Aïn El-Beida (Oran) : état des lieux



Les inscriptions funéraires au cimetière d’Aïn El-Beida (Oran) : état des lieux
Funerary inscriptions in the cemetery of Ain El-Beida, Oran: Inventory of fixtures
Inscripciones funerarias en el cementerio de Ain El-Beida : Estado de la cuestión
الكتابات الجنائزية في مقبرة عين البيضاء (وهران) : الوضعية الحالية

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Ce papier résulte d’un projet établissement inscrit au CRASC (2009-2013) intitulé : « les inscriptions sur les stèles funéraires dans l’ouest algérien : permanence et évolution ». La problématique de ce projet est la suivante : qu’écrivent les algériens sur les tombes de leurs proches et comment expliquer la divergence ou la ressemblance des contenus épigraphiques des stèles funéraires ? La première partie de la question s’intéresse à l’état des lieux de l’épigraphie au cimetière d’Aïn El-Beida à Oran. Pour l’aborder, nous avons opté pour une approche qualitative en menant des observations directes de plusieurs espaces funéraires. Nous avons par la suite mené des entretiens avec les marbriers, les familles des défunts et les visiteurs du cimetière. Quant à l’analyse du contenu, il a fallu en premier lieu re-transcrire et classées les épitaphes selon leurs contenus. À propos de la deuxième partie de la question, elle est en rapport avec le sens même des pratiques. La permanence du "formulaire" et la divergence des textes funéraires ouvre le champ à la réflexion philosophique dont la quête de sens est primordiale. D’ailleurs, ce mode de pensée dépasse largement le local, c’est-à-dire l’Ouest algérien, par l’usage de « méga-concepts ».

Mots-clés : Algérie, Aïn El-Beida (Oran), épitaphes, stèles, mort, nécrologie
Keywords : Algeria, Aïn El-Beida (Oran), epitaphs, steles, death, obituary
Palabras clave : Argelia, Ain El-Beida (Oran), epitafios, lápidas, muerte, necrología
‫فهرس الكلمات المفتاحية : الجزائر, عين البيضاء (وهران), الكتابات, الشواهد, الموت, النعي
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Plan
Introduction
1. Le cimetière d’Aïn El-Beida : état des lieux
2. Stèles funéraires « chouahâd » : significations et usages
3. L’usage du troisième élément (le livre / « el-k’teb ») : multiplication des supports et réduction du contenu !
4. Evolution de l’épitaphe occidentale : l’épanouissement autour de cinq éléments
5. La presse écrite : rattrapage et modes de contournement !
Conclusion
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Introduction
1 Thomas, L.-V. (1979), Civilisations et divagations. Mort, fantasmes, science-fiction, Paris, Payot, (...)
2 Thomas, L.-V. (1978), Mort et pouvoir, Paris, Payot, p. 39-42.
1Les travaux consacrés à l’anthropologie de la mort s’intéressent au thanatos, qui est auprès du logos et l’éros, un composant majeur de la civilisation. Tout être humain est destiné à mourir, sauf que les pratiques relevant du domaine du paraître sont distinctes d’une société à une autre. Louis-Vincent Thomas, un des fondateurs de la thanatologie, révèle que : « chaque société a ses propres rituels funéraires pour conjurer le désarroi de la mort ».1 Mais d’une manière générale, l’humanité partage inconsciemment les mêmes fantasmes et illusions, liées, premièrement, au foisonnement des morts ; deuxièmement, à leurs volontés de nous entraîner dans leur sillage, et, troisièmement, à la peur de leur éventuel retour.2 Dès lors, nous pouvons dire que les rituels funéraires sont des stratagèmes pour éviter tous dangers fantasmés ou refoulés. Désormais, les sociétés partagent trois grandes convictions vis-à-vis de la mort car :

3 Ibid., p. 10-12.
« toute société se voudrait immortelle et ce qu’on appelle culture n’est rien d’autre qu’un ensemble organisé de croyances et de rites, afin de mieux lutter contre le pouvoir dissolvant de la mort individuelle et collective [...] La société, plus encore que l’individu, n’existe que dans et par la mort [...] La mort, du moins l’usage social qui en est fait, devient l’un des révélateurs des sociétés et des civilisations, donc le moyen de leur questionnement et de leur critique ».3

4 Brohm, J.-M., « Ontologie de la mort : Esquisses épistémologiques pour une thanatologie qui se voud (...)
2De prime abord, il n’est pas dans notre intention de connaître la mort en elle-même, puisque « la connaissance de l’au-delà de la mort, de l’autre-monde, de l’intemporel, se réduit non pas à presque rien, mais à rien du tout ».4 Notre objet d’étude est en rapport avec les pratiques, liées aux inscriptions et à l’épigraphie funéraire. De ce fait, nous nous plaçons non pas à l’intérieur de la mort, mais en dehors, « en la prenant comme objet de discours ». Le discours, les pratiques, les représentations ainsi que les stratégies des acteurs sont au cœur de nos questionnements.

5 Nous entendons par un « texte émotif », celui par lequel les membres de la famille expriment des re (...)
3Nous avons mené des recherches exploratoires, dans plusieurs cimetières de l’ouest algérien, afin de relever les inscriptions les plus répandues, sans que cela nous empêche de nous ouvrir sur les rituels de l’autre rive de la méditerranée, pour élucider l’expérience de l’Universalité. Les textes funéraires appelés « épitaphes » partagent avec d’autres textes de type nécrologique la même essence. Cela, nous a poussés à faire le rapprochement entre les deux. Par la suite, nous avons émis deux hypothèses : 1. L’épitaphe, en tant que texte écrit, est liée à un support matériel, ce qui fait qu’elle est dépendante de l’édification de la tombe ou tout autre obélisque individuel soit-il ou collectif. L’épitaphe a, aujourd’hui, un support et un contenu qui est en rapport avec la religion. L’usage de versets coraniques et de formules pieuses, a pour but d’introduire un témoignage sur la supériorité de Dieu, la foi du défunt et le salut de ce dernier. 2. Il y aurait, en parallèle, des « textes émotifs »,5 car la disparition du « pair » cause effectivement du chagrin, et fait ressortir les émotions, exprimées sous diverses formes littéraires, tant orales qu’écrites.

1. Le cimetière d’Aïn El-Beida : état des lieux
6 Benkada, S. (2008), Oran 1732-1912. Essai d’analyse de la transition d’une ville algérienne vers la (...)
7 Idem.
8 Idem.
9 Idem.
4La vérification de ces hypothèses, nous a mené à explorer le cimetière d’Aïn El-Beida situé au sud-ouest de la ville d’Oran. Ce choix se justifie par le fait qu’il s’agit du grand cimetière d’Oran, en perpétuelle extension depuis1956, il s’entend sur une terre agricole plate de plus de 500 Hectares. Il existait auparavant d’autres cimetières plus anciens. Saddek Benkada précise que « les nécropoles crées [à Oran] après 1792, étaient situées dans les marges de la ville, en zone extra-muros ».6 Et parmi les cimetières de la ville, l’auteur cite les cimetières de la rive gauche du ravin Ras-el-Aïn (le cimetière d’Yfri : Sidi el Ghrib), les cimetières du plateau d’Oran (le cimetière de Sidi el Bachir), et le cimetière de la Mederça de Khang En-Netah. À l’issu de cette topographie, il signale le clivage socio-ethniques au sein de population de cette époque, car « les noirs et les mozabites […] avaient chacun son propre cimetière ».7 Malheureusement, « tous ces cimetières ont été en même temps que le cimetière de Sidi el Bachir, désaffectés en 1868 par la commune ».8 Dans la même année, fus crée le cimetière de Moule ed-Douma, dont « la plupart des anciennes familles oranais se réclamant d’une vieille citadinité […] ont chacune son propre carré clôt par une murette ».9 À partir de cet historique, nous pouvons relever quatre idées importantes :

Premièrement, le rapport d’extériorité entreles cimetières et la ville.

Deuxièmement, l’influence socio-ethnique sur la création et le positionnement à l’intérieur ou à l’extérieur des espaces funéraires.

Troisièmement, le rôle des Saints (Sidi, Moulay…) dans le système de nomination et de création des cimetières.

Quatrièmement, l’impact de la colonisation sur la disparition des anciens cimetières et la création des nouveaux.

10 Il existe un nombre d’employés qui veillent sur l’organisation du cimetière, parmi eux : le conserv (...)
11 Les infrastructures se constituent d’une mosquée, ateliers des artisans marbriers, atelier des fabr (...)
12 L’organisation et la gestion des cimetières en Algérie est du ressort du Président de l’Assemblé Co (...)
13 La Régie Communale Autonome des Pompes Funèbres.
14 La gratuité concerne le transport, la parcelle de terrain (2.50m / 1.50m), la préparation de la fos (...)
5Aujourd’hui, Aïn El-Beida autant qu’édifice crée durant lacolonisation se détache destroispremières conditions. Elle se distingue par l’organisation10 et l’infrastructure11 qu’on ne trouve pas dans les autres cimetières.12 Les inhumations sont coordonnées par le conservateur disposant d’un bureau très modeste, situé à l’entrée principale. Dans ce bureau, il reçoit les gens, réceptionne les autorisations d’inhumations, établit les fiches de renseignements de chaque tombe, et dirige une équipe d’une dizaine d’agents. Beaucoup de services proposés par la RCAPF13 aux citoyens sont gratuits, car la municipalité couvre les frais des travaux effectués par cette dernière.14

15 Des carrés, des rangées, des zones A, B, C et des chemins qui laissent passer les visiteurs et les (...)
6L’espace funéraire est notamment organisé selon une méthode géométrique, reprenant en général l’organisation des espaces d’habitation.15 Les tombes sont toutes orientées dans la même direction, c’est-à-dire vers la Mecque en conformité avec les prescriptions de la religion musulmane. Ces dispositifs aident les familles à s’orienter facilement dans ce très vaste espace, et à trouver rapidement les tombes de leurs proches. Sinon, il est toujours possible de demander au conservateur l’emplacement de la sépulture en lui précisant le nom, le prénom et la date de l’inhumation. Le conservateur est aussi habilité à délivrer des attestations de décès, exactement comme le font les services de l’état civil.

16 الآية 169 من سورة آل عمران : "لا تحسبن الذين قتلوا في سبيل الله أمواتا بل أحياء عند ربهم يرزقون".
So (...)
17 Voir l’index : photo 01.
18 Voir l’index : photo 02.
19 Voir l’index : photo 03.
7Dans le cimetière existe un espace réservé aux martyres de la révolution. Un monument commémoratif rappel leurs sacrifices par l’usage du verset coranique16qu’on trouve dans tous les cimetières qui leurs sont consacrés.17 Par contre, les tombes des martyres sont laissées au bon vouloir des familles, soit au niveau de la forme, soit au niveau du contenu.18 Nous avons observé d’autres cimetières du même genre et nous avons constaté que les tombes ont la même forme et les mêmes inscriptions, comme c’est le cas pour le cimetière des martyres de Tizi-Ouzou.19 En ce dernier, la tombe n’a qu’une seule stèle (stèle de tête) dont les inscriptions se composent du nom et prénom en arabe et en français, la date de naissance et la date de décès.

8D’un point de vue organisationnel, on peut considérer qu’Aïn El-Beida se caractérise par une gestion "moderne", surtout si on prend en compte les considérations suivantes :

20 Le mausolée est le tombeau d’un saint homme appelé, « walli-salih ».
9Avant tout, le cimetière n’est pas érigé à partir ou autour d’un mausolée comme c’est le cas pour les anciens cimetières.20

21 Voir le site de cette entreprise : pompesfunebres-oran-dz.com/
10Ensuite, l’organisation de l’espace funéraire est du ressort de l’administration dépendante de « la Régie Communale Autonome des Pompes Funèbres » (RCAPF).21 L’organisation de l’espace n’est pas laissée, de la sorte, au bon vouloir des individus. La présence de l’administration donne une certaine rationalité aux lieux et aide de la sorte à préserver la mémoire des lieux.

11Enfin, et à la différence des anciens cimetières, la maçonnerie, les stèles et les inscriptions sont beaucoup plus fréquentes, et peu de tombes restent sans ornements.

22 La purification se fait par la plupart du temps des connaisseurs (femmes ou hommes) des règles perm (...)
23 La modernisation est prise au sens de la laïcisation des espaces funéraires par l’intervention de l (...)
12Cependant, ces particularités n’enlèvent en rien à l’ensemble des rituels funéraires leurs aspects « traditionnels », comme c’est le cas pour le « bain mortuaire »22, la réception des condoléances, la récitation du Coran et la permanence de certains textes funéraires. Autrement dit, les acteurs tiennent à préserver leurs traditions et résistent, ainsi, à la « modernisation »,23 quelles que soient les nouvelles dispositions adoptées par la communauté, l’État ou l’administration.

24 Renard, M. (2006), Histoire de l’Islam et des musulmans en France : du Moyen Age à nos jours. Ouvra (...)
13À titre d’exemple, les Français se sont rendus compte durant la Première guerre mondiale (1914-1918), que les soldats de confession musulmane s’inquiétaient énormément des conditions de leurs enterrements. En vue de garantir une bonne combativité de ces derniers, l’État-major avait reconnu et accepté d’appliquer les conditions d’inhumation exigées par la religion musulmane, tels que : « l’enveloppement du corps dans un linceul, la cérémonie dirigée par un musulman, l’orientation de la tombe de sorte que le visage soit placé en direction de la Mecque ».24

25 En langue arabe on dit : "هذا قبر المرحوم"
26 Voir l’index : photo 04
27 Ibid., p. 751
28 Ces inscriptions se positionnent dans la continuité des usages déjà observés tout au long de l’Hist (...)
14De même, il y a eu une réflexion à propos de la forme et le contenu des « chouahâd » / stèles. Après s’y être penchés sur la question, les responsables ont opté pour deux stèles : la première comportait la gravure de l’étoile et du croissant, suivi d’une formule pieuse : « ceci est la tombe du rappelé à Dieu »,25 et de l’inscription du nom et du prénom du soldat. La deuxième stèle devait rester sans inscription, sauf de la gravure en haut du croissant et de l’étoile. Nous avons constaté la disparition de cette deuxième stèle dans le cimetière militaire de Petit Lac à Oran.26 Quant à la forme de la stèle, elle, était « constituée d’une planche verticale d’environ 60 cm de largeur, couronnée d’une découpe en forme d’arc outrepassé (en fer à cheval) ».27 En conséquence, les rituels et les inscriptions, cités en haut, constituent aujourd’hui l’essence des pratiques funéraires.28 Néanmoins, de nouveaux éléments sont survenus au fur et à mesure de l’évolution de la société algérienne et son ouverture de plus en plus sur le monde.

2. Stèles funéraires « chouahâd » : significations et usages
29 Chahâd = témoin.
30 Devoulx, A. (1872), « Epigraphie indigène du musée archéologique d`Alger », in Revue Africaine, Alg (...)
15À ce propos, l’appellation la plus fréquente des stèles funéraires est « chouahâd » au pluriel, et « chahâd »29 au singulier. Sur ce point l’étymologie du mot est en rapport avec la « chahâda », celle-ci signifie le témoignage par lequel le musulman atteste de sa foi. Quoiqu’il en soit, elle est formulée de la sorte : « il n’y a de Dieu qu’Allah, Seigneur d’une Justice évidente, Mohamed est l’Envoyé d’Allah, le Juste et l’Honnête ». En 1872, Albert Devoulx s’intéresse à une autre prononciation du mot, qui est peut utiliser aujourd’hui. Il s’agit des "mechahad" en plurielle et « mechehed » en singulier.30 Et, même si la prononciation change, la signification est identique.

31 Répertoire chronologique d’épigraphie arabe (par nombreux collaborateurs), (dir). Etienne Combe., S (...)
16En premier lieu, la transcription du témoignage sur les stèles funéraires était une pratique très courante aux premiers siècles de l’Islam.31 D’une façon générale, elle était introduite sur la stèle par la formule suivante : « au nom de Dieu Clément et Miséricordieux, ceci est la tombe de [nom et prénom de la personne] qui témoigne qu’il n’y a de Dieu qu’Allah ». Dans ce cas, le témoignage à connotation religieuse est l’une des dernières paroles du mourant. Il est la preuve de sa foi, et en cas d’incapacité du mourant de le prononcer, la famille prend la relève et l’énonce à sa place. Ces moments douloureux suscitent la compassion et la solidarité des proches. Ces derniers font en sorte que l’agonisant ne succombe pas aux tentations du diable qui peut profiter de ses faiblesses pour le déstabiliser provoquant ainsi sadéfaillance. Pour cette raison, des stratagèmes sont élaborés par le procédé du « talqîn ». Cet acte se résume dans le fait de faire répéter au mourant les réponses qu’il doit donner après son enterrement, lors de son interrogatoire par les Anges. Selon les usages, et pour contrecarrer toute action diabolique, les proches ne laissent pas le mourant quitter ce bas monde assoiffé, c’est alors, qu’une petite gorgée d’eau est introduite dans sa bouche. Cela, lui évite de succomber aux tentations, car le diable peut saisir l’opportunité, en lui fournissant de l’eau à condition que l’existence de Dieu soit réfutée.

17Par ailleurs, les dernières volontés du mourant en Occident, sont rédigées dans un testament et, à travers ce dernier, apparaissent les enjeux matériels et spirituels que l’Église a imposés à la société. Philippe Ariès, a souligné le fondement religieux du testament :

32 L’expression ad pias causas signifie les dons destinés aux œuvres religieuses.
33 Ariès, Ph (1977), L’homme devant la mort, Paris, le Seuil, p. 188.
« C’était d’abord un acte religieux, imposé par l’Église, même au plus démunis [...] celui qui mourait intestat [sans testament] ne pouvait être en principe enterré à l’Église ni au cimetière. Le rédacteur, le conservateur des testaments était aussi bien le curé que le notaire. C’est seulement au 16ème siècle que le notaire l’a définitivement emporté [...] Donc à la fin de sa vie, le fidèle confesse sa foi, reconnaît ses péchés et les rachète par un acte public, écrit ad pias causas32[ !]. Réciproquement l’Église, par l’obligation du testament, contrôle la réconciliation du pécheur, et prélève sur son héritage une dîme de la mort, qui alimente à la fois sa richesse matérielle et son trésor spirituel ».33

34 « L’imâm » est un chef spirituel qui dirige la prière. Il est aussi à l’écoute de ses coreligionnai (...)
35 La « fréda », établie par le notaire répartit l’héritage entre les enfants et les proches du défunt (...)
18Et, jusqu’au 18ème siècle au moins, le testament était constitué de deux parties : la première comprenait les clauses pies (ad pias causas), et la deuxième était réservée à la répartition de l’héritage. Or, dans le contexte musulman, les choses diffèrent sensiblement, car si on fait quelque fois appel à « l’imâm »34 pour être témoin de la foi ou pour rappeler ou même énoncer la « chahâda » à la place du mourant, il n’est pas nécessaire de faire immédiatement appel au notaire, parce que la répartition des biens du mourant, se faisait et se fait selon des règles préétablies d’avance par le Coran, le Hadith, la jurisprudence musulmane et approfondis plus tard par les lois positivistes.35

36 Clémence H.-M. (2010), Comprendre l’Islam et construire une humanité fraternelle et spécifique, Par (...)
19La « chahâda » a un rôle religieux, permettant au musulman d’avoir une sépulture dans un cimetière musulman en espérant y accéder au paradis. D’autre part, la « chahâda » avait aussi un rôle social (économique et financier) ; à cet effet, elle affranchissait le musulman des impôts imposés dans une société multiconfessionnelle, englobant à la fois les musulmans et les non-musulmans. Auparavant, les "infidèles" appartenant à la communauté d’« ahl al-dhimmah » devaient verser à l’État un tribut annuel, appelé la « jizia » et par ce fait, leur protection était assurée.36 Dans ce contexte socio-historique, les frontières entre les communautés n’étaient pas figées, et les personnes converties à l’Islam étaient obligées de confesser oralement et ouvertement leur foi, d’une part à la société et d’autre part à l’État, de même, leurs familles inscrivaient cette confession sur les stèles funéraires, afin d’éviter le prélèvement de la « jizia » de l’héritage.

20Le présent exemple démontre que la conversion n’est pas simplement un acte de foi, mais au contraire, elle a des conséquences socio-économiques, ce qui suscite l’enregistrement par écrit d’un « nouveau statut social ». Cela se fait dans un tribunal présidé par un juge musulman (le cadi) en présence de deux témoins. Le formulaire est souvent rédigé de la manière suivante :

« Louange à Dieu.

37 Bresnier, L.-J. (1863), » Formulaire d`abjuration Selon la loi musulmane », in Revue Africaine, Alg (...)
Dans le tribunal hanafi de la ville d’Alger (que le Dieu très haut le protège !), en présence du seigneur cadi, dont le seau estapposé ci-dessus,
Le Chrétien Yarkof, russe, déclare devant les deux assesseurs assistant le cadi au présent acte, qu’il quitte la religion des chrétiens, et entre dans celle de l’Islam. Il confesse qu’il n’y a pas d`autre dieu que Dieu, et que notre Seigneur Mohammed est l’envoyée de Dieu.
Le seigneur cadi le donne le nom d’Abd Allah.
Fait en présence du Spahi Hassan ben Sliman, à la date du dernier tiers de Djoumada 2éme de l’an 1252 (1er jours d’octobre 1836)
Et aussi en présence d’Abd Er ­Rahman ben Ahmed (que Dieu l’assiste !)
(En encre rouge :)
Egalement, il a confessé devant nous que Dieu est unique et que tous les envoyés (prophètes) étaient vrais. ».37

21Ce formulaire, indique l’acte de conversion par la prononciation de la « chahâda » Ainsi un nouveau nom musulman est donné par le cadi au converti. Ceci-dit, les droits de successions sont ajustés à la jurisprudence musulmane, ce qui fait que les proches non converti à l’Islam, ne peuvent hériter du défunt.

22On enregistre actuellement que la plupart des stèles funéraires à Aïn El-Beida contiennent rarement la » chahâda » car d’autres formules viennent la remplacer (versets coraniques, nom de Dieu, nom du prophète…), et le fait d’enterrer la personne dans un cimetière musulman atteste de sa foi et de son appartenance religieuse. On constate aussi unebaisse considérable du recours aux objets personnalisésconstants (objets-symboles), en faveur d’un usage constant de symboles gravés (étoile, croisant et motifs floraux). D’une façon ou d’une autre, la stèle joue aussi le rôle d’indicateur ; les informations qu’elle contient, permettent à la famille du défunt d’identifier son emplacement, permettant ainsi le recueillement. Lors des entretiens que nous avons menés, une question en relation avec la fonction des inscriptions funéraires était posée. Beaucoup de nos interviewés considéraient que : « ces inscriptions sont là pour indiquer l’emplacement de la tombe, particulièrement dans les grandes cimetières ». Nous avons même recueilli un autre témoignage qui disait : « on n’arrive pas maintenant à retrouver les tombes de nos proches malgré qu’elles sont "marquées" par des inscriptions à cause du nombre important d’inhumations chaque jour ». Au cours de nos recherches, le conservateur, nous a informés que le nombre des inhumations est en moyenne de 13 par jour. Si on enterre une personne aujourd’hui, il aurait après 40 jours 520 tombes autour, toutes en phase de non construction ; chose qui rend leurapparence extérieure similaire. Le recours en ce cas à l’utilisation provisoire d’inscriptions ou de symboles devient une pratique très répandue.

23Le recours à l’usage d’objets personnalisés en guise de « balise provisoire » sur la tombe n’est pas seulement l’apanage des illettrés, mais aussi des lettrés. Ces objets se constituent la plupart du temps des ustensiles de cuisine (bouteilles, tasses et assiettes) ou de branches d’arbres, morceaux de bois et de pierres, dont le but est l’identification de l’emplacement de la sépulture. Donc, cet usage ancestral est doublement justifié :

L’usage de l’écriture sur les stèles funéraires était peu répandu dans les cimetières « musulmans », pour cela l’usage « permanent » d’objets était l’unique façon d’identifier une tombe.

La tradition veut que l’édification de la tombe, la pose des stèles et autres éléments décoratifs soit entamée quarante jours après l’enterrement. Entre-temps, et pour que les acteurs puissent se recueillir sur une tombe (un amas de terre) non édifiée, ils sont contraints de recourir à l’usage « provisoire » d’objets personnalisés, reconnaissables seulement par ceux qui les ont posés.

38 Voir l’index : photo 05.
24En ce qui concerne l’utilisation des stèles, les observations effectuées ont montré que la majorité des tombes comportaient deux stèles d’une dimension de 50cm x 70cm chacune avec de divers contours38. Une, indiquant la tête (stèle de tète), l’autre les pieds (stèle de pieds). La première, est réservée à l’inscription de l’identité du défunt, elle est généralement organisée du haut en bas, de la manière suivante :

Tout en haut de la stèle, apparaît le plus souvent la gravure du croissant et de l’étoile.

39 Le terme « marhoum » est extrait de la racine « rahma », et sa signifie la Miséricorde et la Clémen (...)
40 La traduction d’« el-Marhoum » par le défunt existe dans l’ouvrage collectif intitulé : Répertoire (...)
41 Cette explication se trouve dans l’article de Renard, M. : « Les débuts de la présence musulmane en (...)
Suivie généralement par la formule : « ceci est la tombe d’« el-marhoum »39/ le défunt »,40 c’est-à-dire, celui qui bénéficie de la miséricorde de Dieu. Le terme « el-marhoum » peut tout simplement signifier « le rappelé à Dieu ».41

Viennent après, le nom et prénom du défunt (généralement en arabe et parfois, en français).

En dernier lieu, l’inscription de la date de naissance et du décès (les dates suivent dans la plupart des cas étudié le calendrier grégorien « el-miladi » et parfois, c’est « el-miladi » et l’hégire à la fois).

42 Verset coranique, la sourate « El-Rahman », verset 26 - 27.
43 Verset coranique, la sourate « El-Bakara », verset 154 - 155.
25En revanche, la deuxième comporte la plupart du temps des formules pieuses, et des versets coraniques. Le plus répandu d’entre eux est : « tout ce qui vit sur terre est voué à l’évanescence [el-fanaa], (seule) subsistera la face [wajh] de ton Seigneur, plein de Majesté et de Noblesse ».42 Ainsi que ce verset : « à Dieu nous appartenons et a Lui nous retournerons ».43 Les invocations pieuses et les prières visent à garantir le salut, et elles se distinguent par l’usage de la formule suivante :

44 Le mot « wakif » ne signifie pas une personne en position debout, mais un visiteur qui se tient prè (...)
"يا واقفا على قبرنا أدع لنا بالرحمة والمغفرة".44

« Oh, toi visiteur, invoque Allah pour qu’il nous accorde sa Miséricorde/Son Merci et Son Pardon ».

45 « El-hassanat(s) » sont de bonnes œuvres ou sorte de « bonus » par lequel il est possible selon les (...)
26D’autre part, cette formule, sous la forme d’appel « oh/Ô », est aussi très fréquente, dans la plupart des cimetières de l’ouest algérien et précisément à Tlemcen, comme c’est le cas pour le grand cimetière de Sidi Senouci. La raison en, est que les vivants, et plus particulièrement la famille du défunt se soucient énormément du devenir (le salut) de leurs proches. À première vue les invocations de la famille sont nécessaires mais à bien considérer les choses, elles sont insuffisantes. Voilà pourquoi les croyances et les traditions stipulent que chaque invocation fait gagner au défunt, des points appelés, « hassanat(s) » ;45 et plus il y a d’invocations, plus il est possible de profiter de la Miséricorde.

46 Philippe, A., op.cit., p. 218.
27De là, le passant est interpellé,46 ainsi la coutume veut que chaque visiteur prie Dieu en lui demandant de pardonner à tous les défunts. Il y a même un panneau, érigé à l’entrée principale de quelques cimetières à l’intention du visiteur, où on explique l’éthique et les règles à respecter, et parmi ces recommandations, on retrouve inscrit une prière à caractère publique et universelle qu’on doit réciter pour le salut des âmes.

47 « El-Fâtiha » est la première sourate du Coran.
48 Bacqué-Grammont, J.-L., » Cimetières et traditions funéraires dans le monde islamique », Tome 1, (d (...)
28Pour toutes ces raisons, le regard du passant ou du visiteur est largement convoité. Du reste, la stratégie des acteurs consiste à embellir la tombe pour attirer l’attention. Il faut aussi choisir un bon emplacement, là où il y a beaucoup de visiteurs, c’est-à-dire le plus près des mausolées, à l’intérieur des mosquées, ou à côté des passages, là où le visiteur doit circuler pour accéder à un endroit précis du cimetière. Dans cet ordre d’idées, nous avons constaté que l’épitaphe dans la tradition ottomane, consistait en une demande adressée au lecteur et au visiteur pour qu’il récite la sourate « El-Fâtiha »47 dont bénéficie le défunt.48

49 Cela est très courant, surtout pour les tombes qui sont au bord du cimetière ou qui donnent sur un (...)
29Encore faut-il préciser que dans les cimetières musulmans en
Turquie, les stèles peuvent pivoter de 180° pour se tenir face au visiteur, lui facilitant ainsi la lecture de leurs contenus.49 Par conséquent, les usages ont surpassés de la sorte la position juxtaposée des stèles, en favorisant la position "vitrine". L’interpellation du passant n’est pas basée seulement sur la bonne foi des acteurs qui espèrent récolter le maximum de prières pour leurs défunts. Au contraire l’agir communicationnel concorde avec l’agir organisationnel, chose que nous n’avons pas constaté soit dans les cimetières en Algérie. De toute manière, l’usage des stèles, demeure fidèle à la juxtaposition ; et il est même très rare d’inscrire des textes funéraires dans le dos de la stèle. Ainsi, les mauvaises herbes et les plantes qui poussent entre les deux stèles rendent dans plusieurs cas leurs lectures difficiles. Nous nous sommes rendu compte de cette réalité, lorsque nous avons essayé dans le cadre de nos recherches de transcrire les contenus de ces stèles.

50 Cela va à l’encontre de la thèse de Norbert Elias dont il montre l’individualisation de la mort, la (...)
30Quant aux contenus des inscriptions, la répartition des textes sur les deux stèles et l’interpellation du passant,50 ils sont en règle général semblables à ceux existant en Occident jusqu’au 14ème siècle, sauf que l’Occident se démarque par l’usage d’une seule stèle, car dans le contexte occidental et :

51 Ariès, Ph., op.cit., p. 216.
« Jusqu’au 14ème siècle, l’épitaphe commune se compose donc de deux parties, l’une la plus ancienne, est une notice d’identité donnant le nom, la fonction, avec parfois un très bref mot d’éloge, la date de la mort [...] la seconde partie, fréquente au 14ème siècle, est une prière à Dieu pour l’âme du défunt [...] elle est destinée à être dite par quelqu’un ; elle sollicite un dialogue entre le scripteur défunt et celui qui la lit. En réalité, une communication s’est établie dans les deux sens, vers le mort pour le repos de son âme, et à partir du mort pour l’édification des vivants. L’inscription devient alors une leçon et un appel ».51

31Quoi qu’il en soit, l’Occident est resté en principe fidèle à l’usage d’une seule stèle, tandis que les pratiques musulmanes affichent une incertitude quant au nombre de stèles.

3. L’usage du troisième élément (le livre / « el-k’teb »52) : multiplication des supports et réduction du contenu !
52 Dans la langue arabe « el-kiteb" signifie aussi le message/ « el-rissala », et ça peut bien signifi (...)
32De ce point de vue, les acteurs ne se contentent pas d’une seule stèle ni de deux. Du fait que presque le quart (1/4) des tombes se compose de trois stèles et même de plusieurs. Les deux stèles traditionnelles sont entreposées verticalement sur les emplacements indiqués précédemment, la troisième généralement en marbre est surnommée le « livre », vu sa ressemblance avec un livre ouvert. D’une dimension particulière (30 cm/30 cm), cet élément est posée horizontalement (allongé) sur la tombe, à quelque 20 cm du sol. Parfois il est posé dans une position verticale légèrement inclinée vers l’arrière, sans aucune fixation solide et au-dessus du cœur du défunt. En ce qui concerne les inscriptions relevées sur le troisième élément, elles diffèrent d’une tombe à une autre, et les exemples que nous avons choisis démontrent qu’il n’y a pas de corrélation entre l’étendu de la surface réservée aux inscriptions et l’étendu ou l’importance de l’épitaphe.

53 Voir l’index : photo 06.
54 Dans le cadre des entretiens menés, nous avons demandé aux marbriers de nous préciser la significat (...)
1èr stèle53
La gravure du croissant et de l’étoile en haut.54
En bas on trouve l’inscription suivante : « ma chère grand-mère, je prie pour ta miséricorde ».

55 Voir l’index : photo 07.
56 Ce verset se trouve dans plusieurs sourate : « Aal- Omran », verset : 185 / « El-Anbiaa » (les Prop (...)
57 Sourate « El-Rahman » (le Miséricordieux), verset : 26 et 27.
2ème stèle55
De haut en bas
Premièrement : « au nom de Dieu le Clément et le Miséricordieux ».
Deuxièmement : verset coranique numéro 1 : « toute âme goûte à la mort ».56
Troisièmement : verset coranique numéro 2 : « tout ce qui vit sur terre est voué à l’évanescence […] ».57

58 Voir l’index : photo 08.
59 "يا واقفا على قبرنا أدع لنا الله بالرحمة والمغفرة."
3ème stèle58
De haut en bas
Premièrement : la gravure du croissant et de l’étoile.
Deuxièmement : l’interpellation du passant par la formule habituelle.59

60 Voir l’index : photo 09.
61 Sourate « El-Fajr » (l’Aube), verset : 27-28-29-30.
4ème stèle60
De haut en bas
Premièrement : la gravure du croissant et de l’étoile.
Deuxièmement : verset coranique : « Ô toi, âme apaisée retourne vers ton Seigneur, satisfaite et agréée entre donc parmi Mes serviteurs et entre dans Mon Paradis ».61

62 Voir l’index : photo 10.
5ème stèle62
De haut en bas
Premièrement : nom et prénom : Z.-M.
Deuxièmement : l’interpellation du passant par la formule habituelle.

63 Sourate « Al-Faleq » (L’Aube naissante, 113 du Coran).
33L’usage de l’étoile à cinq pointes est très fréquent, elle représente les cinq dangers primaires qui guettent les vivants et les morts : ces dangers, sont inventoriés dans la sourate « Al-Faleq » constituée de cinq versets : « Dis : je cherche protection auprès de l’aube naissante. Contre le mal des êtres qu’il a créés. Contre le mal de l’obscurité quand elle s’approfondit. Contre le mal de celles qui soufflent [les sorcières] sur les nœuds. Et contre le mal de l’envieux quand il envie ».63 Dans ce cas, la peur est concentrée autour de la nuit (l’obscurité), de l’enfer (les châtiments), du démon (la tentation), des sorcières (la collaboration avec le démon) et de l’envie (la disparition des biens accumulés). Le défunt est invulnérable, il est dans une situation qui l’expose plus qu’aucune autre personne vivante à ces dangers. Pour cette raison, il est souhaitable que tout le monde à travers une solidarité totale et parfaite prie pour le salut de son âme et le protège par des procédés "magiques"et l’usage d’un certain nombre de symboles et de cérémonies.

34Toutefois, l’usage du nom et du prénom sur le troisième élément est très rare. L’identité du défunt se trouve généralement sur l’un des deux éléments essentiels ou même sur les deux à la fois, en arabe d’un côté et en français de l’autre. Le fait de réécrire le nom sur cet élément est une pratique récente, liée au risque de déplacer le "livre" non fixé pour le poser sur une autre tombe. Alors, le nom et le prénom servent d’identificateurs et de fixateurs, aidant à démasquer les "voleurs" ou à les empêcher de s’en servir, car il serait inconcevable d’utiliser un "livre" personnalisé sur une autre tombe.

64 La concurrence est liée à la divergence des désirs, on peut même parler de la divergence qui est li (...)
65 L’initiateur est la personne qui a érigé/construit la sépulture.
66 Voir l’index : photo 11.
35En ce qui nous concerne, le recours à l’utilisation du troisième élément, s’explique par la "concurrence" entre les membres de la famille, car, il se peut que plusieurs d’entre eux souhaitent apporter leurs contributions dans la commémoration du défunt.64 Donc, le troisième élément permet d’élargir les angles communicationnels et donne à ceux qui le veulent, la possibilité de s’exprimer. À cela, s’ajoute que l’initiateur pourra, après un certain temps, avoir le désir d’ajouter une nouvelle épitaphe.65 Ainsi, le troisième élément accompagne l’évolution des sentiments, et permet au même temps de parvenir à un "compromis" au sein de la famille. À l’encontre de ce qui vient d’être dit, le "livre" n’est pas un support destiné à promouvoir les sentiments et il n’est pas au service de « l’intime ». Dans la plupart du temps il reprend les contenus qui peuvent exister dans les « chouahâd ». Néanmoins, il est un élément décoratif esthétiquement beau, sa forme et son emplacement sont significatifs. Il est un élément important dans le système de captation du regard. Dans quelques cas observés, la tombe n’est constituée que du « livre », ce dernier est agrandi (45cm/45cm), puis il est posé horizontalement au-dessus la tête du défunt. À lui seul, il peut contenir l’ensemble des éléments épigraphiques.66

4. Evolution de l’épitaphe occidentale : l’épanouissement autour de cinq éléments
67 Ariès, Ph. op.cit., p. 220.
36En réalité, l’épitaphe a connu en Occident son apogée, à l’instant même où elle a exprimé non seulement ce qui se rapporte au défunt, mais aussi les sentiments des proches. Conséquemment, l’évolution de l’épitaphe a permis de réunir plusieurs éléments ; embrassant, de la sorte, la totalité de l’Être, et rendant le deuil possible et tolérable. Dès lors, « tous les éléments formels de la littérature épigraphique sont désormais réunis : la fiche d’identité, l’interpellation du passant, la formule pieuse, puis le développement rhétorique et l’inclusion de la famille. Ces éléments vont désormais se développer complètement au 16ème et 17ème siècle ».67

37Par contre, on constate que les inscriptions au cimetière d’Aïn El-Beida se contentent la plupart du temps de quelques éléments, tels que l’identité du défunt, les formules pieuses et quelques versets coraniques en relation avec la mort, la suprématie de Dieu et l’évanescence. La rhétorique reste à notre sens à un niveau faible, sans aucun style personnel ou poétique, ce qui donne à la plupart des inscriptions un aspect répétitif, malgré la variation des identités, des dates de naissance, de décès et le choix des versets coraniques. Ajoutons à tout cela les variations au niveau de la maçonnerie (couleurs, formes, matières, dimensions…).

68 Guillot, C. (1996), Chambert-Loir, H. « Cimetières et traditions funéraires dans le monde islamique (...)
38Pour ce qui est du processus de laïcisation ; cette dernière n’a fait qu’effleurer nos cimetières, en apportant des évolutions au niveau du « paraître » (structures, organisation, maçonnerie…) ne permettant pas à l’Être dans sa totalité de s’y retrouver. La laïcisation des rituels funéraires n’a pu se faire en Occident qu’à travers une gestion médicale (institutionnelle) et non familiale ou personnelle du corps du défunt. Tandis que dans notre société cette gestion reste toujours une affaire de famille, elle s’effectue par une relation corporelle. En Indonésie, et précisément à Java par exemple, et au moment du bain mortuaire ou des ablutions, il y a « trois personnes assises qui vont porter le cadavre sur leurs genoux pendant qu’on le lave […] Cinq personnes versent lentement l’eau qui doit couler de façon ininterrompue pendant que les trois autres nettoient le mort à l’aide de savons enveloppés dans un tissu blanc ».68

69 Cette période varie selon les saisons, c’est-à-dire selon la température environnante.
39En Algérie, et à Oran précisément, le corps du défunt reste à la disposition de la famille, entre 08 heures et 16 heures.69 C’est dans le foyer familial que le corps du défunt reçoit sa toilette, et c’est là où il est enveloppé dans des draps blancs appelé « kfen » (sicaire), puis exposé durant ce laps de temps dans une pièce. Le corps du défunt, devient à la fois objet de "curiosité" et de crainte, et un contact physique par le toucher est réservé aux proches. Il est aussi permis de dévoiler son visage pour y jeter un dernier regard. De plus, les proches s’assoient près de lui ou autour, afin d’exprimer ouvertement leurs chagrins et procède par l’occasion à la réconciliation (« el-m’semha »). D’ailleurs, presque les mêmes pratiques ont existé en Occident.

70 Thomas, L.-V., op.cit., p. 120.
« Pendant le haut Moyen Age [...] le corps, après la mort, après les expressions du deuil et du regret, était étendu soit sur un linge précieux [...] soit plus simplement sur un linceul [...] puis le corps et le drap étaient placés sur une civière ou bière, exposé quelque temps devant la porte de la maison, et ensuite transporté au lieu de l’inhumation ».70

40Tout cela a, pour ainsi dire, disparu aujourd’hui, rendant l’accessibilité au corps du défunt restreint, et au départ c’était uniquement l’affaire de l’Église :

71 Ariès, Ph. op.cit., p. 168.
« Au 13ème siècle environ, en même temps que la veillée, le deuil et le convoi devinrent des cérémonies d’Église, organisées et dirigées par des hommes d’Église ; le corps mort, auparavant objet familier et figure du sommeil, possède désormais un pouvoir tel que sa vue devient insoutenable. Il est, et pour des siècles, enlevé aux regards, dissimulé dans une boîte, sous un monument, ou il n’est plus visible ».71

72 Thomas, L.-V. op.cit., p. 120.
73 Ibid., p. 124
74 Lemieux, R. (1982), « Pratique de la mort et production sociale. », in la Revue Anthropologie et So (...)
41Irrévocablement la gestion du corps mort est devenue plus tard une affaire de l’administration communale, et dès que la société a commencé à se laïciser et à se libéraliser, les institutions privées ou publiques, tels que les hôpitaux, les pompes funèbres et les thanatopraxistes, se sont emparés du corps du défunt.72 L’évolution des sociétés modernes consiste, donc, à occulter la mort au profit de la notion d’immortalité de l’être humain. V. Thomas le montre clairement, et cela conformément à la remarque humoristique de J. Baudrillard, quand ce dernier dit : « il s’agit de garder au mort un air de vie ; le naturel de la vie ; il nous sourit encore, les mêmes couleurs, la même peau, il se ressemble au-delà de la mort, il est même un peu plus frais que son vivant, il ne lui manque que la parole ».73 En fait, la mort a perdu de son élan spirituel, elle a été domestiquée par les rationalités scientifiques et techniques, permettant d’atteindre un niveau acceptable de performance sociale.74 Autant dire qu’aujourd’hui le champ reste ouvert à toutes les espérances laïques qui veulent imposer à l’espace funéraire un caractère non-religieux et cela :

75 Thomas, L.-V. op.cit., p. 129.
« Au risque de scandaliser les adversaires du modernisme, nous souscrivons sans réserve au projet de funérarium proposé par D. Rochette pour le diplôme d’architecture (1976) : une espèce de temple laïque, "lieu approprié investi de médiations et de symboles qui faciliteraient les conduites individuelles et sociales devant la mort [...], où il serait possible de lui parler, d’en parler, de s’interroger, de l’interpeller, de l’apostropher, de l’insulter" ».75

5. La presse écrite : rattrapage et modes de contournement !
76 La fondation de la presse en Algérie est en relation avec la colonisation française, ainsi la plupa (...)
42Relativement au cimetière que nous sommes en train d’étudier, nous pouvons dire à nouveau qu’il est à mi-chemin entre conservatisme et progression. Certes il manque encore à l’épitaphe le développement rhétorique, et l’inclusion de la famille reste à un niveau très faible. Mais il convient de signaler qu’il existe un autre espace et d’autres tribunes, en dehors du cimetière où il est possible de valoriser ces éléments et regagner le sens perdu ailleurs. Il s’agit là des œuvres littéraires, des faire-part ou de diffusion à grande échelle,76 comme c’est le cas pour la presse quotidienne. Partant de ce fait, nous partageons l’opinion d’Ariès, lorsqu’ il précise qu’ :

77 Ariès, Ph. op.cit., p. 225.
« Il n’y a pas d’inscriptions que sur les tombeaux de pierre ou de cuivre ; ou plutôt, il y a des tombeaux ailleurs que dans les églises et les cimetières, fait d’une autre manière, plus spirituelle, que les matières dures ; non plus gravés, mais imprimés ou simplement écrits pour soi, que l’on appelle aussi des "tombeaux". C’était une manière de méditer sur la mort, au 16ème siècle, que de composer son épitaphe. D’autres épitaphes étaient réservées à la publication, comme l’une des formes classiques de l’éloge posthume. Aussi les appelle-t-on les "tombeaux littéraires" ».77

78 Deise, Quintiliano. (2006), « Sartre. violence et éthique & Sartre, du mythe à l’histoire », (dir.) (...)
79 Ibid.,
80 Raymond Lemieux. op.cit., p. 25-44.
81 Ariès, Ph. op.cit., p. 227.
82 Ibid., p. 227.
43À ce sujet, Dièse Quintiliano démontre que l’œuvre entière de Sartre représente une auto-épitaphe, et lui-même a révélé cela, en disant : « je me croyais immortel. Je m’étais tué d’avance parce que les défunts sont seuls à jouir d’immortalité […] : pour ôter à la mort sa barbarie, j’en avais fait mon but et de ma vie l’unique moyen connu de mourir ».78 Ainsi, et selon l’idée de Derrida, » la parole et l’écriture funéraires ne viendraient pas après la mort, elles travaillent la vie dans ce qu’on appelle autobiographie ».79 En revanche, l’auto-épitaphe ou l’exercice auto-nécrographique n’est pas seulement l’œuvre du philosophe. Ce phénomène a pu être adopté par une catégorie de la société. Raymond Lemieux a mené une recherche au Québec, par laquelle il montre l’anticipation des jeunes dans les années quatre-vingt, qui commandaient leurs stèles et gravaient leurs épitaphes, laissant un espace vide pour la date de leurs décès.80 Du moins, malgré la teneur individuelle de l’épitaphe, il faut dire qu’un nombre important d’épitaphes sont conçues par les membres de la famille, et comme « au 17ème siècle, cette charge est de plus en plus fréquemment assurée par la piété familiale [...] c’est l’expression d’un sentiment nouveau, le sentiment de la famille ».81 La stèle funéraire est ainsi partagée en deux parties, l’une entièrement consacrée au défunt (éloge, récit, la notice biographique…), l’autre est réservée exclusivement à la famille. En fait, Il faut préciser, quand même, que l’anticipation de la mort et la conception a priori de l’épitaphe, ne datent pas d’aujourd’hui, maisremontent à une tradition du 15ème et au début du 17ème siècle, puisque « la rédaction des actes perpétuables de sa vie était commandée par le testateur seul. Il y avait longuement réfléchi, et avait parfois composé lui-même son épitaphe dans le silence de son cabinet ».82

83 Voir l’index : photo 12.
84 Le Soir d’Algérie, 17 mai 2010, p. 21-23.
44Par ailleurs, la multiplication des stèles dans le cimetière d’Aïn El-Beida et ailleurs83 n’a pas réellement laissé place à la famille. Les utilisateurs préfèrent laisser la deuxième stèle vide que d’y écrire leurs sentiments. Ils réécrivent parfois sur le troisième élément le même texte existant sur l’une des deux stèles. À l’opposé, les familles s’expriment librement dans un autre espace, elles procèdent alors par "déplacement" et "contournement".C’est dans la presse algérienne de tous les jours qu’on trouve l’épitaphe "complète" résultant d’une unification. Sous ce rapport, nous avons choisi deux d’entre elles, tirées du journal Le Soir d’Algérie*.84 Les épitaphes apparaissent dans les pages nécrologiques à côté des annonces, elles sont désignées par le terme « Pensées », dédiées à la mémoire des défunts. Il y a d’autres écrits similairesqui annoncent le décès et précisent le jour, l’heur et le lieu de l’enterrement (avis de décès). Le 40ème jour est aussi l’occasion pour faire une annonce, ainsi que les dates correspondant à la mort (anniversaire). Chaque type a une fonction précise, mais dans chacun, la famille profite pour glisser les éléments suivants : l’identité du défunt, sa date de naissance et de décès, la valorisation de sa personnalité, le sentiment familial et l’interpellation du lecteur afin de prier en faveur du défunt. Et pour se rendre compte du contenu de ces dédicaces, nous nous sommes penchés sur deux exemples :

85 Le Soir d’Algérie, 17 mai 2010, p. 23.
1er exemple : (avec la photo du défunt)85
« Pensée à [MD] dit "[R]".
Il y a des peines qui ne s’effacent pas. Le 17 mai 2008 à 8h 30, tu nous as quittés à jamais cher papa.
La douleur est toujours aussi intense. Un vide immense s’est installé que nul ne pourra combler.
Une pieuse pensée à [MD], qui a marqué son passage dans la vie par une grande gentillesse et générosité.

Prions Dieu le Tout-Puissant de t’accueillir en son Vaste Paradis et de t’accorder Sa Sainte Miséricorde.
Repose en paix cher papa.
Ta femme et tes enfants ».

86 La notion de « colonisation » est utilisée par Philippe Ariès.
45Cette pensée est constituée d’une fiche d’identité (nom et prénom) dont la position familiale est déterminée par son rang de père de famille (Papa) ; ainsi que la date du décès d’une précision remarquable (le jour, le mois, l’année et l’heur). Et à la différence du cimetière, le journal ne s’adresse pas à un passant, mais il s’adresse au lecteur. Il est dans ce cas interpellé par la famille au biais de la formule suivante : « prions Dieu ». Quant à la formule pieuse, celle-ci est bien visible dans l’expression : « […] une pieuse pensée à [MD] ». La piété relevant du domaine de la religion est exhibée par la croyance en un Dieu Tout-Puissant, la croyance en l’au-delà (le paradis) et l’espérance de la Miséricorde. Nous remarquons aussi que la famille est incluse dans l’épitaphe, puisque c’est la femme et les enfants qui expriment ouvertement leurs chagrins à travers les phrases suivantes : « il y a des peines qui ne s’effacent pas », « la douleur est aussi intense […] ». Le plus important dans tout cela, c’est que la famille s’impose, elle sort de la sorte de l’anonymat et colonise l’épitaphe ;86 elle montre son affection et son amour envers le défunt désigné par le terme "cher". L’éloge qui lui est faite se centre autour d’un certain nombre de vertus (la gentillesse, la générosité). En plus, [MD] est présenté comme une personne irremplaçable, c’est-à-dire unique en son genre, c’est pourquoi nul ne peut combler l’immense vide qu’il a laissé. Enfin, si l’usage de la photo est très rare dans le cimetière d’Aïn El-Beida, son utilisation dans les journaux est très fréquente. La photo constitue un élément important d’identification, car elle nous révèle des informations précieuses sur le défunt (homme, femme, jeune, vieux, triste, heureux, en bonne santé…), plus que ne le font les mots.

87 Le Soir d’Algérie, 17 mai 2010, p. 21.
2ème exemple : (avec la photo de la défunte)87

« Triste fut et sera pour nous le 17 mai 2009 où disparaissait à jamais notre chère et regrettée mère.
Mme H née [Ch].
En ce triste et douloureux souvenir, ses frères, ses sœurs ainsi que la famille [Ch] demandent à tous ceux qui l’ont connue et aimée d’avoir une pieuse pensée à sa mémoire et que Dieu le Tout-Puissant l’accueille en son Vaste Paradis.
Tu étais, tu es et tu seras toujours dans nos cœurs malgré l’immense vide que tu as laissé.
A Dieu nous appartenons et à Lui nous retournons.
Repose en paix, Ou...
[H] qui ne cessera jamais de penser à toi ».

46La fiche d’identité de la défunte dit énormément de choses sur sa personnalité, elle comporte le prénom, le nom de jeune fille [Ch] et son nom d’épouse (L’hadj) ; la date du décès est aussi indiquée dans cette nécrologie. L’interpellation du lecteur est visible dans la phrase suivante : « demandent à tous ceux qui l’ont connue et aimée d’avoir une pieuse pensée à sa mémoire ». Ainsi la formule pieuse consiste à prier pour le salut de l’âme du défunt, de ce fait les lecteurs (les personnes qui ont connu et aimé [Ou]…) sont automatiquement interpellés. Les convictions religieuses sont multiples, elles convergent toutes vers l’Islam ; et quant à la famille constituée des sœurs, frères et du marie [H], elle exprime nettement sa tristesse et sa douleur à cause du vide lié à la disparition de leur bien-aimée. Le texte tout entier est un éloge à la mémoire de la défunte car cette dernière a laissé son empreinte dans le cœur de sa famille en général et précisément dans le cœur de son époux. Ce dernier s’est démarqué par rapport aux autres membres de la famille par la signature du texte nécrologique en son nom. La teneur de l’intime est sans équivoque, chose qui est très rare dans les espaces funéraires.

Conclusion
88 « Citez vos morts en bien » أذكروا موتاكم بالخير
47Dans les deux espaces (la presse écrite et le cimetière), le défunt est présenté d’une manière positive, c’est-à-dire qu’on ne peut dire du mal de lui, car la tradition musulmane (le « Hadith » du Prophète)88 exige cela, le salut de l’âme du défunt est l’objectif de toute épitaphe. La différence entre les deux types d’épitaphes se situe au niveau des sentiments de la famille. Certes ces sentiments sont refoulés et très peu affichés sur les « chouahâd », mais ils évoluent aujourd’hui librement dans les journaux et dans les nouvelles technologies d’information et de communication (TIC). Alors, il est possible d’utiliser des mots comme : cher, bien aimé, douleur, chagrin, papa, grand père…Ces mots sont très peu utilisés dans les cimetières.

48L’épitaphe, la stèle et le cimetière ont connu vraisemblablement des évolutions au niveau de la rhétorique, des matières et de l’architecture, c’est-à-dire au niveau de la forme. Mais réflexion faite, le contenu que ce soit celui du sentiment (la perte, la désolation…), celui du deuil ou celui des rituels, est resté toujours le même. La persistance ou la permanence de certains éléments est caractérisé au niveau de l’épitaphe épigraphique par :

Le rappel de l’identité du défunt et de sa la date de naissance et du décès.

L’interpellation du passant ou du lecteur, celle-ci étant, en fait, une interpellation de toute l’espèce et de tout le genre humain, comme une sorte de cri ou d’alerte générale, pour prêter secours à une personne se trouvant dans une situation périlleuse. Aussitôt l’évocation de « l’Être Suprême » est incontournable, ainsi c’est le Tout (l’Espèce humaine) qui fait appel au Tout-Puissant (Dieu).

La permanence du dialogue prédicatif entre les vivants et les morts.

49Les épitaphes écrites avant ou après la mort, se composent de plusieurs éléments et elles s’affichent dans plusieurs espaces. Elles sont destinées à reconstituer et à réconcilier l’Homme dans sa totalité avec lui-même par la trilogie suivante : premièrement la personne (l’identité) ; deuxièmement le monde (la société et la famille) ; troisièmement l’au-delà (la croyance et la religion). Donc, c’est l’Homme tel qu’il était, tel qu’il a vécu et tel qu’il espère devenir qui est présenté à travers le « discours » nécrologique.

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Bibliographie
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