Algérie

Les inédits, un filon inexploité



S'ils lisent peu, dit-on, les Algériens redécouvrent de plus en plus le goût de l'écriture. Il suffit de jeter un simple coup d'?il à la liste des nouvelles parutions pour s'en rendre compte. Certes, les mémoires historiques tiennent encore une place prépondérante. Les nouveaux titres de Mohand Sebkhi « Souvenirs d'un rescapé de la wilaya III » chez Barzakh et « Les mémoires de Lamine Bechichi » publiées par l'ANEP s'inscrivent encore dans ce registre où prend place également le livre de Mourad Benachenhou « Les clairons de la destinée » édité, récemment, par Casbah Edition. De nouvelles voix se font également entendre sur le registre du roman, de la nouvelle ou de la poésie. Les auteurs consacrés comme Amine Zaoui ou Mohamed Magani éditent fort opportunément de nouveaux livres de fiction. Il est pourtant une caractéristique de la scène éditoriale qui se confirme d'année en année. Les éditeurs tournent le dos et manifestent un net désintérêt pour la découverte d'inédits qui, ailleurs, sont une véritable tradition et un filon rentable. Plus de quarante ans après sa disparition, on vient de retrouver le manuscrit de « L'énigme éternelle ». Une ?uvre jamais éditée de la grande romancière américaine, passionnée par la Chine, Pearl Buck.Archéologie des textesLes hommages, nombreux, certes, ne suffisent plus à entretenir le souvenir des intellectuels algériens disparus, ni à susciter davantage d'intérêt et de curiosité pour leurs écrits et recherches. La rareté des biographies qui éclairent pourtant la genèse d'une ?uvre, le cheminement d'une pensée, traduit le même déficit. Dans certaines universités d'Europe, une nouvelle discipline a fait son apparition. Il s'agit de la critique génétique qui est une sorte d'archéologie des textes. Retrouver des inédits, publier la correspondance de tel ou tel auteur peut donner une seconde vie à ses livres, servir à mieux comprendre l'évolution de sa pensée ou de ses quêtes esthétiques. Hormis quelques expériences qu'on doit à des personnes comme Tassadit Yacine qui a exhumé le journal de Jean Amrouche et au fils de Kateb Yacine, Amazigh, qui, après Jacqueline Arnaud, dépositaire de nombreux écrits de l'auteur de Nedjma, a réuni les articles journalistiques dispersés de son père dans « Minuit passé de douze heures », on compte peu de recherches similaires. Quand on a la chance d'avoir comme compagnon ou fils un amoureux des lettres, comme le furent Emmanuel Roblés et son fils Ali pour Feraoun, l'oubli est maintenu à distance. Cela explique qu'une partie de l'?uvre de l'auteur du « Fils du pauvre » soit posthume. « La cité de la rose » est parue plus de quarante ans après sa mort. Des proches de Tahar Djaout et de Mohamed Dorbhan, dont ont a publié des ?uvres posthumes, on connaît peu d'écrits d'auteurs comme Dib, Benhadouga, Nourredine Abba ou Rabah Belamri. N'ont-ils rien laissé ' Que sont devenus les manuscrits de Yamina Mechakra, de Rachid Mimouni ' Quelle instance s'occupe de leur préservation ' La Bibliothèque nationale a-t-elle songé à la création d'un lieu d'entreposage des manuscrits accessibles aux chercheurs ' Est-ce la faute aux proches ou ayants-droit des disparus qui, souvent, se montrent frileux, répugnent à livrer à la curiosité publique et à celle des chercheurs des écrits de jeunesse, des lettres ' A propos de ces dernières, hormis celles « A ses amis » de Mouloud Feraoun » ou l'interpellation par Taleb Ibrahimi d'Albert Camus dans sa célèbre philippique insérée dans « Lettres de prison » et celles de Boudjedra dans « Lettres algériennes ». Les écrits épistoliers ne sont nullement un genre en vogue. On en trouve quelques unes au gré de la lecture de mémoires comme celles de Harbi, de Zohra Drif ou de Reda Malek. La correspondance de Bachir Hadj Ali et de sa femme Lucette constitue, toutefois, une heureuse et rare exception. Cela explique un peu cette facilité qu'ont beaucoup d'éditeurs à réimprimer des ?uvres tombées dans le domaine public ou à racheter des droits d'auteurs pour des livres parus ailleurs. N'est-il pas temps pour les éditeurs de s'y intéresser davantage '




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