Les Ibadites (ou Mozabites, relatif au nom de la vallée), maîtres cependant de tous les raffinements de l'art islamique de l'époque, élevèrent leur nouvelles villes avec une volonté évidente de simplicité. Ils atteignirent ainsi l'essence même de la beauté.
El Atteuf (Le Tournant)
Bou Noura (La Lumineuse)
Beni Izguen (La Sainte)
Melika et Ghardaïa,
les murs ne sont pas tirés en cordeau, mais ils vivent, et sur l'enduit de plâtre, la trace des doigts ou des outils de l'artisan maçon accroche la lumière et la fait jour différemment selon les heures du jour.
Dans les ruelles étroites et fraîches, hommes et femmes circulent, silencieux et sereins. La nuit, sur les terasses, on est envahi d'un sentiment de sécurité et de plénitude : le temps s'est arrété et tout est en ordre immuable ...
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Organisation sociale
Les cités du M'Zab sont organisées en une structure lignagère : le lignage ou Tacchirt ou Taddart selon la taxinomie locale est un groupe de descendance dont les membres revendique un ancêtre commun. La descendance se trace à travers les hommes, on est donc dans le cas d'une société patrilinéaire.
Le Saff ou la ligue est constitué de plusieurs lignages ; c'est une sorte d'alliance qui n'a pas d'existence institutionnelle, qui peut d'un moment à l'autre changer de configuration. Le choix de quitter ou de demeurer au sein du Saff revient ou lignage ; il se fait en fonction de ses intérêts de conjoncture. Il est à remarquer que le Saff ne se constitue pas sur des bases ethniques, par exemple Arabes / Berbères ; il ne reflète pas non plus une opposition nomades / sédentaires. Tout au contraire, il traverse tous ces clivages, parce que appartenir à une ligue est une nécessité qui ne dépend pas de la nature du groupe ni de son origine ni de son affiliation religieuse.
Aujourd'hui, le sentiment d'appartenir au Saff a quasiment disparu. On se définit par rapport à une telle ou telle famille et on appartient à un tel ou tel lignage. Cette dernière structure joue d'avantage un rôle d'œuvre social et de solidarité. Les mutations que connaît la région, à l'image de ce qui se passe en Algérie, ont eu un impact considérable sur les mœurs et les comportements. On assiste à l'émergence de nouvelles formes de conscience individuelle ; et des attitudes propres aux sociétés de type différencié prennent de plus en plus d'ampleur.
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Peuplement antique
Des sites préhistoriques datant du Paléolithique ont été repérés ici et là dans la région, et des signes décrivent la présence des communautés primaires Troglodytes dont l'habitat est creusé à même la roche calcaire des collines environnantes.
Cependant un énorme travail de repérage, de collecte et de déchiffrement reste à faire pour en connaître la teneur.
Si les vingt cinq cités mortes du M'Zab témoignent d'une présence berbère antérieure à l'avènement de l'ibadisme. Doctrine qui s'était propagée dans la région, il y a mil ans. Il en demeure pas moins que nos connaissances portant sur les premières peuplades qui s'étaient établi dans cette région avant son islamisation, demeurent encore limitées.
La fondation des cités actuelles "Agherm, plu. Igherman" s'était étalée dans le temps. Elles se distinguent par leur architecture spécifique et une organisation de l'espace qui s'articule autour du sacré et du profane (mosquée et cimetière, marché et habitations) et un dedans et un dehors qui caractérisent aussi bien la demeure familiale que la cité.
Ces cités ont préservé pendant longtemps leur aspect architectural. Mais, malheureusement, on assiste depuis quelques années à la dégradation de ce patrimoine sans que cela suscite la réaction des pouvoirs publics. Au contraire, tout porte à croire que ces pouvoirs ont contribué à ce dépérissement par leur aveuglement et par une gestion anarchique du patrimoine foncier.
Cependant, on doit souligner les rares expériences novatrices en matière de l'habitat qui respectent le caché architecturale de la région, menées par des personnes soucieuses de ce capital telles que celles réalisées par Omar BAKLI et Slimane TIZOUGHAGHINE...
Par ailleurs, l'ibadisme et le berbère comme langue et culture constituent la double cohésion qui fait qu'aujourd'hui, il est difficile de décerner entre le mozabite et l'ibadite. Ils constituent actuellement 60 % des habitants de la vallée qui connut également, depuis au moins un siècle, un afflux progressif de populations arabes, nomades de confessions "malekites" dont les béni-merzoug et les M'dabih installés à Ghardaïa, les Chaâmba venus de la proche Metlili pour s'implanter à Melika à la suite de l'accord de (1317) conclu avec les gens de Mélika, et, enfin, les Mekhadma qui vivent en groupe restreints à Bounoura et Al-Atteuf. La communauté juive dont les origines nord-africaines ne font aucun doute, s'installa également à Ghardaïa avant de quitter la région en 1962 avec la communauté européenne.
L'établissement de la communauté noire et métisse, dans la région, est en grande partie le fruit du commerce transsaharien, autrefois florissant mais dont le coup d'arrêt a été amorcé en 1848, date à laquelle la loi interdisant la traite des esclaves a été promulguée.
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Le droit coutumier
A l'échelle confédérale, c'est-à-dire, au niveau de la région, il y a deux assemblées, l'une qui s'appelle Ammi Said et l'autre al-Kourthi. La première a une vocation religieuse, elle est l'instance suprême qui a l'habilité de statuer sur les questions d'ordre religieux que lui sont transmises des cité du M'Zab. Il regroupe l'élite religieuse de la région ainsi que un représentant des ibadites de Ouargla. La seconde a pour tâche de prendre des décisions politiques qui déterminent et engagent l'avenir de la communauté. On y trouve donc des personnalités représentant l'ensemble des cités.
Ce schéma organisationnel qui, en partie, perdure encore a connu de grands chambardements depuis la conquête coloniale.
C'est en jouant sur les rivalités interSaff qu'une colonne de l'armée française (ait) pu facilement conquérir la région, en 1882. Elle avait par la suite entrepris des changements dans l'organisation politique qui régissait la vie des cités. Elle installa un Caïd, à la tête de chaque cité, ce dernier faisait office de lien entre l'administration coloniale et la population.
Les pouvoirs du chef de la Djemaâ lui (ont) été attribués et avait pour tâche d'exécuter les ordres de ladite administration. Il était secondé dans cette mission par les (Dhummân) les représentants des Saff. Le Caïd et ses lieutenants, les dhummân, avaient accaparé l'essentiel du pouvoir décisionnel de l'assemblée des laïcs. Ainsi le rôle des représentants des lignages s'était vu relégué à l'arrière-plan.
Après l'indépendance, un coup d'arrêt a été asséné au rôle de cette assemblée et à celui des Lawmna. Théoriquement, ce sont les municipalités, les services de la Préfecture (Wilaya) et le bureau de la restauration de la vallée - chacun dans son champ d'action- qui ont repris le relais. Mais, l'expérience des décennies d'après indépendance a montré les limites de ce choix.
Durant les premières années de l'indépendance, les relations entre les institutions officielles et traditionnelles ont été marquées par une tension et un climat malsain. En effet, les représentants de l'Etat, notamment ceux du parti F.L.N n'ont pas vu du bon oeil le rôle joué par les institutions traditionnelles. Pour eux, il s'agissait d'une force politique et d'un pouvoir parallèle qui leur échappent. On a souvent évoqué la sacro-sainte unité nationale pour discréditer ces institutions. On parlait de État dans l'Etat pour désigner ces institutions ; considérées pour longtemps comme une volonté de repli sur soi-même et de rejet du pouvoir étatique central.
Parmi ces institutions seule l'institution religieuse a pu continué à fonctionner en dépit d'un environnement hostile et dans un moindre degré la structure lignagère.
Après 1988, période qui coïncide avec l'ouverture démocratique et la libération du champ politique, la Djemaâ a repris le service notamment en période électorale. Les memebres de cette institution établissait les listes indépendantes et faisait leur promotion. Un travail qui se faisait en collaboration avec les structures lignagères et le mouvement associatif. Sans porter de jugement sur les modalités de fonctionnement de ces institutions. Il est claire que la légitimité de ces listes s'asseyait en grande partie sur l'appui des structures précités et sur la caution qui leur apportait les religieux.
Il n'empêche, pour comprendre les rapports de ces institutions à leur environnement, on ne saurait faire l'économie de l'analyse des relations intercommunautaires berbère ibadite / arabe malékite et le clivage réformiste / conservateur pour ce qui concerne l'institution religieuse et son influence sur la société mozabite.
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Vie Religieuse
Dans certaines société sans État, mais où se dessine une certaine spécificité politique, tel que le M'Zab pré-coloniale, les cités étaient administrées à la fois par une Djemaâ des laïcs et par des religieux.
 Institution laïque : la Djemaâ est composée de laïcs de sorte que chaque lignage soit représenté au sein de cette institution. On exige à celui qui y siège d'être marié, d'avoir des enfants et une certaine fortune. A la tête de cette assemblée un chef qui appartient à l'un des Saff qui gouverne la cité. C'est un poste éminemment politique, très convoité, à travers lequel s'exerce la domination de l'un des Saff.
 Institution religieuse : les religieux dont les membres sont appelés (Acazzab, plu. Icazzaben), se compose de douze membres recrutés par cooptation après que le postulant aura fait l'objet d'une enquête minutieuse qui peut durer une année. Les personnes sélectionnées doivent jouir d'une bonne réputation morale et doivent être prêtes à s'adonner corps et âme à la rude vie religieuse. A la tête de ces gestionnaires du sacré un Cheikh appelé le Cheikh de la mosquée, il est censé être le plus compétent et le plus érudit dans les sciences religieuses. Notons aussi que chaque membre de cet institution occupe une fonction bien spécifique.
 Les Lawmna, c'est un groupe d'individus qui maîtrisent bien le droit coutumier. Ils sont reconnus par leurs qualités de médiation. Ils ont pour rôle de veiller à ce que les habitants de chaque cité respectent les normes et les règlements de construction et interviennent pour aplanir les différends relatifs aux fonciers et aux partages des eaux…
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L'Agriculture
L'agriculture dans la vallée du M'Zab est restée à ce jour essentiellement phoénicole avec quatre grandes palmeraies liées aux cités de la pentapole. La loi portant sur la mise en valeur des terres sahariennes promulguée au début des années 80, a libéré de nombreuses initiatives dans ce domaine, en dépit d'énormes entraves bureaucratiques et juridiques liées entre autres à la propriété du foncier. Quinze ans après, il est nécessaire de procéder à l'évaluation de cette opération pour palier les difficultés qui freinent le développement de ce secteur.
Pour ce qui concerne l'environnement, il est le secteur le plus sinistré. Les travaux de l'assainissement de la vallée sont l'exemple le plus éloquent, ils ont commencé en 1974 et n'ont pas encore abouti. C'est un énorme ghachi. Des sommes colossales ont été engloutis sans que le projet soit opérationnel. Un bel exemple de l'incurie des pouvoirs publics.
Signalons aussi, le comportement condamnable de certains individus qui agissent contre le bon sens ; ils déversent les eaux usées dans la nappe phréatique en raccordant leurs conduites domestiques dans les puits créant ainsi une pollution qui risque d'être fatale à l'ensemble de la population.
©Tamurth.net Sources diverses.
Le M'zab : Manuelle Roche. Architecture Ibadite en Algérie. Arthaud.
Posté Le : 24/12/2006
Posté par : hichem
Source : www.tamurth.net