«Il faut agir en homme de pensée et penser en homme d'action» H. Bergson
Tous les Algériens concernés par les évolutions politiques et économiques de leur pays suivent, à la veille d'une élection majeure, toutes les déclarations des candidats à la présidentielles et celles de leurs alliés et amis. Après les validations opérées par le Conseil constitutionnel et les propos de ceux qui ont été déboutés, les Algériens sont restés sur leur faim quant aux projets des adversaires de M. Bouteflika, qui engageraient l'avenir immédiat et pour au moins la décennie prochaine. Se présenter pour la magistrature suprême, dans un pays caractérisé par de sérieux dysfonctionnements, un passif lourd d'une décennie rouge dont les stigmates sont encore à l'ouvrage, où les réformes sont perturbées, dévoyées sinon bloquées, suppose des qualités d'homme d'Etat avec tout ce que cela veut signifier dans le monde d'aujourd'hui. Cela suppose aussi d'avoir une vision stratégique sur la place de l'Algérie sur l'échiquier international qui ne laisse d'espace que pour les pays performants aux plans de la science, du savoir, de l'innovation, qui ont des élites compétentes et conquérantes.
Aller à une élection présidentielle surtout en Algérie avec les fermetures dénoncées régulièrement par l'opposition n'est pas une partie de plaisir ou une rencontre de pétanque annoncées et finalisées par des communiqués ou des conférences de presse. Le scrutin impose de mouiller le maillot des années durant, de militer, d'écrire des livres, d'animer des cercles et des fondations, de sillonner le pays des années durant et se faire connaître à l'étranger, de nouer des liens avec les mondes économique, culturel, scientifique et universitaire, d'intervenir régulièrement dans la presse dans son pays et à l'étranger, d'enseigner, d'avoir un métier exposé, etc. Cela demande énormément de moyens, de réseaux nationaux et des soutiens partout ailleurs, sur la base d'un cursus, d'écrits économiques, historiques ou littérraires etc. Passer tous les jours à l'ENTV, à condition d'avoir du nouveau à chaque apparition, est loin, très loin de suffire. Les anciens dirigeants des pays communistes qui avaient la seule et haute main sur les médias lourds n'ont pas empêché la réunification des deux Berlin. Le pouvoir, en Algérie a toutes les tares que l'on veut et plus encore, mais on ne peut se tailler un costume de président en un trimestre ou une année avant un scrutin, à moins de prendre El Mouradia par la force. Et même dans ce cas, il faut pouvoir. Alors pourquoi y a t-il autant de candidats? La seule réponse acceptable serait d'avoir leur engagement qu'ils ne quitteront plus la scène nationale et internationale pour justement, se tailler un costume, pas à pas, dans le pays profond pour y arriver dans cinq, dix, quinze ans. Certains dans le monde ont mis plus de vingt et trente années de vie politique pour présider. Mais il est vai qu'ils ont commencé jeunes.
Mais revenons au réel, celui de 2009, en ce mois durant lequel tout et tous bougent dans tous les sens, même si beaucoup font semblant pour tenter «d'en être», faire croire qu'ils «savent déjà» et avancent des noms de femmes et d'hommes adoubés et prêts au départ après le vote. L'administration poursuit son train-train avec des poussées de fièvre, après avoir laissé, encore une fois, les importateurs de pétards réguler le repos et le sommeil des gens, pour soudain retrouver sa léthargie jusqu'au grand savoir. Des amis ont été même, incorrigibles rêveurs, jusqu'à imaginer que des ministres, des parlementaires, allaient enfin se mettre à écrire des livres, des essais, des dizaines d'études et d'articles dans la presse. Ce serait un héritage qu'ils laisseront à leur famille politique, à la jeunesse. Un héritage sur des expériences vécues dans l'exécutif, dans le législatif, dans les services publics et la haute administration. Ce serait un lien, une continuité, la constitution d'un patrimoine fort utile pour évaluer et comprendre le cheminement d'un pays. Ces femmes et ses hommes se feraient aider par des «nègres», ce qui est une pratique légale et aussi vieille que le pouvoir... Il faudra sans doute attendre une autre génération et se contenter de lire et de suivre sur les chaines de TV les productions d'autres élites politiques qui font de la politique et conceptualisent leur métier, et écrivent sur la vie, sur les arts ou sur l'histoire, sur la politique ou la poésie.
Mais revenons au réel du monde politique algérien à qui nous ressemblons, qui nous ressemble, qui a la grande responsabiité de gouverner, d'éduquer, de semer des comportements, une éthique, une manière de gérer les hommes, les événements, l'économie et de dégager le meilleur avenir possible. Pour mériter de l'histoire et éventuellement la Posterité. Dans sa récente sortie, largement répercutée par la presse, et forcément analysée par les observateurs et analyste étrangers, M.Ouyahia a frappé fort. Aimé ou détesté, l'homme tranche dans sa formation politique, au sein de l'alliance présidentielle par l'aspect rugueux et parfois agressif de ses interventions politiques. On peut lui reprocher des choses mais pas d'avoir la langue dans sa poche et de désigner le ou les chats noirs quand il estime, selon lui, qu'il faut les montrer du doigt aux Algériens et, par la même, à la terre entière. Faire de la politique, c'est aussi s'exposer.
Homme politique, le Premier ministre s'est exprimé comme tel sur la stratégie industrielle qui n'est pas, apprend-il aux citoyens, passée en Conseil. Bigre que passa? Il fait des incursions salutaires en politique extérieure car il est dans son rôle et tous les Premiers ministres du monde le font. L'UPM dit-il, à juste raison, nous concerne mais pas avec Israël comme panache de ralliement, sachant que l'état juif a déjà presque enterré le bébé à Ghaza. A bon ententeur (M. Sarkozy) salut, ainsi qu'a certains dirigeants arabes si prompts à avaler des couleuvres. Sans les genuflexions d'usage, en donnant du punch à son parti, M.Ouyahia a directement visé un ministre dans le gouvernement dont il est le premier des ministres. Celui-ci doit aux électeurs d'avril prochain une explication. Et si M. Ouyahia a raison de dire que la stratégie industrielle, agricole, culturelle, sportive ou autre ne s'improvise pas en dehoirs du conseil. Dans tous les cas, les responsablkes dans l'exécutif sont face aux Algériens à qui ils doivent des explications sur la cacophonie au sommet. Ils ont aussi un chef qui repète à satiété l'importance accordée aux biens publics et à leur juste prix (banques, terrains, hotels, hydrocarbures, entreprises) qui n'appartiennent à tel ou tel ministre.
Durant la campagne électorale, les candidats ne pourront pas évacuer ces problèmes et ceux relatifs à l'OPEP et au prix du baril. Ils doivent aussi nous donner un cours, dans une mondialisation sans pitié, sur des nations comme «pays frères» et «pays amis». Ce jargon abscon ne veut rien dire. Le Maroc et l'Algérie ont des frontières communes, la Syrie et le Liban aussi. Ghaza est à côté de l'Egypte. L'Arabie Séoudite a une vision américaine sur le baril et sa production etc.etc. La fratrie relève de l'état civil et de l'ADN alors que les intérêts des états et des pays ne sont pas frères. Tous les candidats, comme l'a fait M. Ouyahia, devront impérativement mettre les i sous les points et laisser à la diplomatie sa langue de bois.
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Posté Le : 19/03/2009
Posté par : sofiane
Ecrit par : Abdou B
Source : www.lequotidien-oran.com