Algérie

Les hurlements de certains détenus m'empêchent parfois de dormir



De retour du souk aux environs de 14h30, les paysans de Beni Fouda (ex-Sillègue) diffusent l'information qui se répand telle une traînée de poudre. La furie des Algériens qui ne répondent à  aucun mot d'ordre politique fait trois victimes françaises (le cantonnier, le garde-champêtre et son épouse). La réaction de l'armée coloniale, qui a confié la besogne aux Sénégalais, fut sanglante. Mechta Boutouil a reçu, selon les témoignages de nombreux survivants, une bonne quantité d'obus. A Mechta El Hassbia, les familles des frères Ouada Lamnaouar et Lakhdar, ainsi que leur bétail et leurs biens furent brûlés sur ordre du colon Barral. Alors que Nemir Abdelkader, Chachour Amar et Bouachra ont été condamnés par le tribunal de Constantine à  la peine capitale. Rassemblée, la population de Ouled Safsaf est sauvée de la potence par l'épouse du maire qui n'a pas admis et accepté la boucherie collective. Informée par un chauffeur de taxi qui se déplacera par la suite à  Ain El Kebira (ex-Périgoville) pour les mêmes motifs, la population des différentes mechtas et hameaux d'Amouchas réagissent instinctivement.
Torturé pendants 20 jours
La Poste est la première cible. Le postier qui se réfugie avec sa petite famille dans la cave, échappe de justesse au lynchage. Pour ce geste, l'armée exécutera Tichi Larbi et quarante-sept autres citoyens d'Amoucha. Ayant participé aux événements de Sétif, des paysans d'Ain Abassa, localité située à  19 km du lieu de l'«explosion», propagent la nouvelle. En début d'après-midi, l'effervescence est à  son comble. Des centaines d'habitants du village et des douars environnants se regroupent au centre du hameau. Criant vengeance, la foule assiège la caserne de la gendarmerie où se réfugient les colons qui alertent l'état-major à  Sétif. Appuyées par un half-track, deux sections d'infanterie sénégalaise, se rendent sur les lieux. L'assassinat de Charles Fabre est impitoyablement vengé. En plus des centaines de personnes torturées à  l'intérieur même du siège de la gendarmerie, transférées par la suite vers la caserne Napoléon de Sétif, où périssent d'autres prisonniers, 84 personnes sont exécutées sur place. «Je ne pardonnerai jamais à  ceux qui m'ont fait perdre dix-sept ans de ma vie et torturé à  mort mon vieux père pris en otage par l'armée française. Avant d'être transféré au tribunal militaire de Constantine qui me condamne avec sept autres citoyens d'Aït Tizi à  la peine de mort, on m'a torturé pendant vingt jours.
Isolement total
N'ayant pu obtenir des aveux à  propos de la mort de cinq colons tués entre Aokas et Tichy, mes geôliers qui m'ont fait subir des interrogatoires musclés et des brimades propres aux nazis, m'envoient à  Constantine, nous confie Aïssa Hamani, natif de Thanarine (village à  plus de 70 kms au nord de Sétif), seul rescapé des huit condamn    és à  mort de Aït Tizi, où les forces coloniales ont arrêté cent personnes dont bon nombre est à  jamais porté disparu. Je suis par la suite transféré vers la prison d'El Harrach où je dois croupir dans l'isolement total pendant dix-sept longues et pénibles années. En plus des blessures physiques, les mutilations morales me hantent encore. Il m'est impossible d'oublier la torture morale du commissariat de police de Sétif où des compagnons de cellule ont été tués sans aucune forme de procès. Les hurlements de certains détenus ne supportant ni l'électricité ni la baignoire m'empêchent de dormir de temps à  autre». Lamri Boukhalfa, un autre rescapé de la tragédie, raconte : «Sans raison aucune, onze nomades sont sauvagement tués à  Bellaa, un douar situé à  quelques encablures d'El Eulma. Avant de repartir, les bourreaux qui n'ont jamais été inquiétés, n'ont pas oublié de piller les tentes de leurs victimes…»
 


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