Algérie

Les huit jours qui ébranlèrent l'ordre colonial



Tandis que dans les maquis d'Algérie la guerre contre l'armée coloniale faisait rage avec notamment l'offensive du Nord-constantinois dirigée par Zihout Youcef, en France la communauté algérienne allait entrer de plain-pied dans la bataille pour l'indépendance nationale.En effet, frapper l'ennemi en son c?ur allait montrer toute la pertinence de ce choix à portée stratégique. La grève générale de 8 jours (28 janvier-5 février 1957) décidée par le CCE, issu du Congrès de la Soummam (20 août 1956) allait produire un électrochoc dans l'ordre colonial et c'est la panique dans les rangs des tenants de l'Algérie française. Des horreurs, voire des crimes contre l'humanité seront ainsi commis à Alger par le général Massu, qui lance «l'opération crevettes» qui consiste en la noyade des Algériens au large de nos côtes maritimes. Le préfet de police de Paris, le sinistre Maurice Papon, lors des manifestations pacifiques du 17 Octobre 1961, a eu recours au même procédé : des centaines de morts seront noyés dans la Seine et les canaux de la capitale française, tandis que d'autres compatriotes seront pendus, brûlés vifs dans les caves parisiennes, fusillés et torturés. Et c'est peu dire car l'Histoire est appelée pour nous révéler des témoignages tout aussi terrifiants ! Ce 28 janvier 2021 marque le 64e anniversaire de la grève des 8 jours. Dans son livre Bataille d'Alger ou bataille d'Algérie - Gallimard 1972, Mohamed Lebdjaoui soulignera que cet événement de portée nationale l'est aussi au plan international, puisqu'il coïncide avec les débats à l'Assemblée générale de l'ONU sur la question algérienne. «Cette grève générale marque donc l'un des plus grands moments de l'histoire de l'Algérie depuis le début de l'occupation coloniale», selon l'auteur. Ce dernier, qui fut arrêté par la police française en février 1957, est le témoin oculaire et acteur de la grève des huit jours qui lui vaut de nous faire parvenir des réalités de cet événement majeur des témoignages révélateurs pour le grand public. D'abord que cette grève-événement fut massivement suivie, aussi bien en France qu'en Algérie. Les mots d'ordre lancés par le CCE de la Fédération de France étaient : «Fermez vos magasins ; restez chez vous, cessez le travail, les cours du primaire à l'université ; évitez tout geste qui pourrait donner lieu à une provocation.» Nos aînés se souviendront toujours des descentes de la soldatesque française dans les rues algériennes, fracassant échoppes et magasins pour forcer à rouvrir les commerces. 300 000 Algériens en France ont paralysé entreprises, usines, chantiers et administrations. L'auteur rapporte un fait inédit de collègues français, des usines Renault, Peugeot, Citroën, exigeant à leurs collègues algériens la reprise du travail, criant : «Voilà les fellagas sont de retour !» Mais l'action des travailleurs algériens va se poursuivre sur un plan syndical puisqu'ils réclameront le paiement du retrait des 8 jours de salaires pour cause de grève. Fin février, ils obtiendront gain de cause et feront don du montant de cette somme au FLN. Les conséquences de la grève des huit jours sont nombreuses. D'abord, il s'ensuivra en France une mobilisation générale pour l'indépendance de l'Algérie. L'opinion publique française prendra plus conscience de ce combat, des injustices et des ratonnades subies par les Algériens et les échos de la guerre ne viennent plus des lointains djebels d'Algérie. La même année, à la Casbah d'Alger (octobre 1957), une autre bataille mettra aux prises le groupe de militants de la Zone autonome avec les paras du général Massu. Ce dernier l'appellera : «La bataille d'Alger», appellation que refuse Mohamed Lebdjaoui, parce qu'elle a impliqué tout le pays en arme contre l'occupant. «Pour ma part, parler de cet événement historique en le focalisant sur Alger uniquement, c'est minimiser sa portée et l'impact de cet événement qui constitue la 3e étape importante de la lutte de libération déclenchée le 1er Novembre 1954.» «La grève des huit jours, par la grâce de Lacoste et de Massu, apparaît, aujourd'hui, avec le recul, comme une date capitale dans l'histoire de la Révolution algérienne», conclut Mohamed Lebdjaoui.
Brahim Taouchichet


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