- Vous avez lancé un appel pour un rassemblement devant le ministère de la Solidarité demain, Journée nationale des handicapés. Le mot d'ordre 'Cela fait presque six mois que l'on prépare ce rassemblement. On veut interpeller les autorités ainsi que la société civile et toutes les personnes concernées pour qu'elles se tournent vers cette frange de la société délaissée et oubliée. Pour qu'elles se rendent compte qu'il y a des gens qui souffrent en silence et vivent un quotidien amer.- Justement, racontez-nous votre quotidien?Lorsqu'il s'agit d'un handicap lourd, la dépendance est complète. Au point où l'on est incapable d'assumer les tâches de la vie les plus basiques. La personne handicapée a tout le temps besoin d'être assistée. Et le plus grand défi est de trouver quelqu'un capable d'apporter cette assistance lorsque les parents sont décédés.Les enfants handicapés, quel que soit leur âge, sont souvent délaissés. Au sein de l'association Solidarité, nous avons très souvent été contactés par des handicapés qui appellent à l'aide à travers notre web radio. J'ai moi-même envoyé plusieurs fois des personnes, que je paye par la suite, pour qu'au moins les aider à faire leur toilette.Pour les handicapés légers, dont la motricité n'est pas totalement altérée, la situation n'est pas plus enviable. Mais lorsqu'ils arrivent à sortir, la ville est complètement inadaptée : les trottoirs sont trop hauts et les bâtiments avec ascenseur sont rares. En plus de la condamnation permanente d'être handicapé, notre société ne nous accueille pas comme personnes à part entière. On est très souvent considérés comme des pauvres ou des mendiants.Il m'est déjà arrivé qu'on me jette des pièces lorsque je me trouve dans un endroit à attendre. La plupart des handicapés vivent sur les réseaux sociaux, leur seule fenêtre de liberté ou même de vie. Et puis, il faut aussi parler de la cherté de la prise en charge. Tous ces problèmes poussent à la déprime. Je connais des cas de suicide ou de harga.- Puisque vous parlez du coût de la prise en charge, concrètement, quelles sont les dépenses de plus quand on est handicapé 'Quelles que soient les dépenses, elles restent toujours au-dessus des moyens des handicapés puisqu'ils ne travaillent pas et ne disposent d'aucune ressource à part la petite pension de 4000 DA que leur verse l'Etat. Il arrive même que ces pensions ne soient pas virées, ou soient versées avec six mois de retard.De manière générale, les frais dépendent du type de handicap. Je peux citer, à titre d'exemple, les fauteuils roulants, dont les prix commencent à partir de 10 000 DA. Pour un fauteuil de ville, il faut compter un minimum de 28 000 DA. Un prix d'achat auquel il faut ajouter le prix des pièces de rechange, pratiquement toutes importées et donc très chères. L'Etat offre des fauteuils roulants aux handicapés, mais ils sont de mauvaise qualité, on ne peut pas les utiliser en ville.La facture s'allonge encore avec le prix des médicaments non remboursables et très chers, parfois introuvables en Algérie. Il faut alors demander à une connaissance qui vit à l'étranger de les acheter en devises. On pourrait aussi parler des couches pour adultes, dont la moins chère coûte 70 DA l'unité ; faites le calcul, sachant qu'il en faut en moyenne trois par jour. Enfin, les handicapés moteur ont aussi besoin de sondes.Enfin, les handicapés moteur ont aussi besoin de sondes dont le prix d'un paquet standard pour homme est de 3000 DA. Tandis que pour les femmes on doit les ramener de l'étranger. La seule boutique qui vend des sondes pour femmes en Algérie se trouve à Oran à un prix qui dépasse la pension offerte par l'Etat.- Quelles sont vos revendications 'Nous demandons la création d'une protection générale du handicapé dans le milieu professionnel jusqu'au sein de la famille. Car certaines familles exploitent leur proche malade à mendier dans la rue. Nous demandons des moyens de vivre dans la dignité, qu'on arrête la politique des salons et des déclarations : que notre pension soit augmentée au moins jusqu'au Snmg. Nous demandons l'ouverture d'écoles pour les invalides.Car on ne peut pas scolariser des enfants handicapés avec des valides : ils ont besoin d'un traitement spécifique et d'infirmières. Nous demandons aussi de véritables emplois, car un handicapé peut travailler comme tout le monde. La preuve ' Notre président de la République est sur un fauteuil roulant et cela ne l'empêche pas de diriger le pays. L'Etat doit faire pression sur les entreprises pour qu'elles recrutent des handicapés. Le code de travail oblige les sociétés à employer 1% de handicapés, mais il n'est pas appliqué sur le terrain. On appelle aussi les opérateurs de téléphonie mobile à penser à nous avec des forfaits adaptés. Et puis, pourquoi pas créer un ministère des handicapés '- Vous avez lancé un appel au rassemblement en votre nom et non au nom de l'association Solidarité dont vous êtes le président. Pourquoi 'Parce que les handicapés ne font plus confiance aux associations de ce genre, ils sont fatigués de se faire instrumentaliser pour les intérêts de certaines associations et ONG étrangères sans résultat ni impact sur les personnes qui sont dans le besoin. Elles militent dans des festivités, des salons ou des fêtes, mais tout se fait en faveur des gérants et des présidents qui en profitent. En ce qui concerne le ministère de la Solidarité, je pense qu'il fait du folklore et de la mendicité sans résultat visible.Tous ceux avec lesquels je suis en contact à travers la web radio de l'association sont opposés à toute forme d'association. Voilà pourquoi j'ai choisi d'appeler à ce rassemblement en tant que citoyen handicapé et faire en sorte qu'il soit un mouvement social sans appartenance.
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Posté Le : 13/03/2015
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Hanane Semane
Source : www.elwatan.com