Algérie

Les gros sabots contre la raison



Les gros sabots contre la raison
A bien lire les missions officielles attribuées à l'Autorité de régulation de l'audiovisuel, on s'aperçoit très vite qu'il y a violation flagrante de celles-ci par le ministère de la Communication à travers la dernière mise en demeure qu'il a adressée aux chaînes de télévision privées exerçant, selon lui, «en infraction des dispositions législatives et réglementaires applicables en la matière».Se référant à des textes juridiques complètement dépassés depuis la promulgation de la loi organique relative à l'information et à la loi sur l'audiovisuel, et notamment la révision de la Constitution, le ministre s'arroge ainsi le droit de venir piétiner les plates-bandes toutes fraîches d'une institution, dont les attributions ont été pourtant dûment clarifiées : l'ARAV, qui est, rappelons-le, un organe de décision et non de consultation, est notamment chargée d'instruire les demandes de création de services de communication audiovisuelle et de se prononcer sur leur recevabilité, d'octroyer les fréquences mises à sa disposition par l'organisme chargé de la télédiffusion, d'une part, et d'autre part, de formuler des avis sur la stratégie nationale de développement de la concurrence dans le domaine des activités audiovisuelles.Elle arbitre toujours selon les textes les litiges opposant les personnes morales exploitant un service de communication audiovisuelle soit entre elles, soit avec les usagers, et instruit les plaintes émanant des partis politiques, des organisations syndicales et/ou des associations et toute autre personne physique ou morale faisant état de violation de la loi par une personne morale exploitant un service de communication audiovisuelle. En résumé, tous les litiges qui existent actuellement dans l'univers de la télévision, qu'ils soient d'ordre juridique, administratif ou professionnel, se mettent théoriquement sous la coupe de l'Autorité de régulation et devraient trouver leur solution à l'intérieur de cet organisme qui, d'ailleurs, comme a tenu à le souligner le Premier ministre, a été créé pour mettre de l'ordre dans le secteur et circonscrire le phénomène d'anarchie qui le caractérise.C'est donc à l'ARAV et à elle seule que revient en principe le droit d'intervenir pour «normaliser» une situation de désordre provoquée par l'état de semi-clandestinité dans lequel se trouve la multitude de télés off shore qui attendent une régularisation de leurs activités, la plus importante étant celle qui a trait à l'obtention d'un agrément officiel donnant lui même accès aux prestations de la TDA pour une diffusion à partir du territoire national. Lors de sa prise de fonction, le nouveau président de cette structure avait été on ne peut plus précis sur les tâches qui lui sont confiées dans la gestion de ce secteur, en disant qu'il n'allait pas laisser l'anarchie perdurer et que lui et son équipe accompagneront le champ audiovisueloù il n'y a ni adversaires ni ennemis pour lui permettre de trouver son équilibre. A cette déclaration à vif s'ajoute celle d'un autre membre du collectif, en l'occurrence Mme Aïcha Kassoul, qui avait tenu à préciser la difficulté de la mission, affirmant que «face au constat de dérives, nous allons essayer de rétablir les choses tranquillement».Point de doute donc sur la marge de man?uvre d'une institution qui avait à c?ur d'entrer dans le débat, sauf qu'elle n'a pas compté sur l'interventionnisme d'un ministre en mal de crédibilité et d'autorité, qui vient ainsi avec ses gros sabots éclabousser les principes de la légalité qu'il ne cesse lui-même de vanter en toutes circonstances. En se prononçant à la place de l'ARAV pour inciter les chaînes privées à respecter les dispositions de la loi, en agitant la menace de la répression, son arme préférée, pour régler les conflits, il porte un rude coup au bon fonctionnement institutionnel sur lequel reste pourtant très intransigeant le Premier ministre.On a, à ce propos, la nette impression que le premier responsable du département de la communication est davantage habité par la tentation de régler des comptes que par le souci de trouver les compromis nécessaires au règlement des problèmes. Depuis sa venue à la tête du secteur, détruire les quelques ilots médiatiques qui défendent la liberté d'expression consacrée par la Constitution a été son unique obsession. Il le prouve encore une fois en mettant en péril personnellement, mais sous couvert d'une prétention d'utilité publique, les télés privées, alors que le sort de ces dernières dépend directement de l'Autorité de régulation nouvellement installée.Pourquoi cet acharnement à vouloir désarticuler un secteur vital pour l'équilibre institutionnel du pays sinon l'existence d'un esprit maladif, suicidaire qui va laisser de profondes meurtrissures. Le chantre du cercle vertueux est pris dans son propre jeu de la mégalomanie en voulant se faire plus royaliste que le roi. Mais ce qui reste quand même incompréhensible, c'est l'attitude évasive, pour ne pas dire ambiguë du président de l'ARAV, qui prend seulement acte sans réagir de l'usurpation de fonction dont il a fait l'objet. Celui-ci a, en effet, reconnu qu' «il n'a pas été consulté» par le ministre de la Ccommunication en rendant publique sa mise en demeure, ce qui constitue en soi une grave entorse au travail relationnel qui doit présider entre les différentes strates du Pouvoir. Il se montre encore plus déroutant lorsqu'il affirme en même temps que «l'Etat est dans son rôle et souverain dans sa prise de décision». Des deux choses l'une : ou le nouveau patron de l'Autorité de régulation a été pris de court et devrait par conséquent réagir pour montrer sa fermeté à défendre son territoire dans le cadre d'attributions claires qu'il s'est engagé à mettre en pratique sans tomber dans la confrontation bête et méchante. Où bien il montre déjà les premiers signes d'uns impuissance à faire front aux pressions du sérail qui ont tendance à conditionner sa partition, lui qui s'est forgé une réputation de responsable intègre acquis aux vertus de la démocratie et à l'indépendance de l'esprit. Si c'est vraiment le cas, ce serait vraiment dommage pour un secteur qui peut apporter beaucoup à la construction démocratique s'il était prémuni de la politique politicienne.


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