Algérie - Tigharghar

Les greniers de Belloul ou le génie de l’architecture berbère



Les greniers de Belloul ou le génie de l’architecture berbère
Greniers collectifs fortifiés datant de la préhistoire, les greniers de Belloul ont toujours été restaurés et entretenus grâce à un savoir-faire transmis de génération en génération.

Si les sites et vestiges architecturaux à travers le grand Aurès – qui se comptent par centaines voire par milliers – ne font pas l’objet d’une véritable prise en charge (protection, valorisation, classement, etc.), à cela s’ajoutent l’inconscience et l’insouciance du citoyen, qui ne se contente plus d’agresser ce patrimoine (pillage, démolition, inscription et graffitis sur pierre des sites mêmes). Des témoignages çà et là indiquent que des groupes de pilleurs effectuent des fouilles illégales nocturnes équipés de détecteurs de métaux mais aussi d’outillages (pelles, pioches). Les sites les plus visités par ces visiteurs de nuits sont M’daourouche (Souk Ahras), le site archéologique de Baghai – Kasr el Kahina – (Khenchela), ainsi que d’autres vestiges dans la wilaya de Tébessa. La proximité de ces villes avec les frontières les exposent un peu plus que les autres régions à l’intérieur du pays au pillage et vols systématique de tout ce qui peut se vendre. Les citoyens disent avoir entendu parler de brigades spéciales, et ce, depuis quelques années, mais sur le terrain, aucune présence. Les vestiges les plus éloignés, les moins en vue et les moins connus semblent êtres naturellement protégés car inaccessible à l’exemple des greniers de Belloul. Greniers collectif fortifiés datant de la préhistoire, qui ont été toujours restaurés et entretenus grâce à un savoir-faire transmis de génération en génération. Selon le docteur architecte ingénieur conseil, Agguerabi Bachir, auteur d’une thèse sur l’espace fragmenté de l’habitat des Aurès (Genève 2007), “ce genre de constructions était édifié par les Berbères des Aurès qui avaient une grande maîtrise et connaissance de la bâtisse et du savoir-construire qui existent jusqu'à nos jours”. M. Agguerabi tient cependant à souligner quelques particularités et singularités des habitants de la région de Balloul où se trouve présentement le grenier collectif : “Les Chaouis de cette région sont des propriétaires terriens ; ils font de la transhumance, souvent confondue avec le nomadisme (les nomades ne possèdent pas de terre). Leur propriétés va de la montagne jusqu’au sud où ils se déplacent l’hiver et reviennent l’été pour stocker justement leurs récoltes dans les greniers, sachant que ces derniers (les greniers) sont dotés d’un système dit archaïque, mais révèle une grande ingéniosité quant à la distribution équitable des céréales aux membres de la même tribu, qui ont contribué aux différentes étapes du travail de la terre.” L’architecte attire notre attention sur le fait qu’une telle perle architecturale n’est pas à l’abri d’un éboulement ou d’un effondrement ou tout juste de l’usure par les intempéries. Il ajoute qu’une autre tour qui se trouvait dans la région de Baniane (Batna) pas loin de Balcon de Ghoufi n’existe plus qu’en carte postale, car elle n’a pas été prise en charge, ni protégée ni restaurée. Elle a disparu. “Un travail colossal est fait chez nos voisins marocains où se trouvent encore ce genre de constructions à étages ; les greniers collectifs qui sont pris en charge par des spécialistes (architectes, archéologue et bâtisseurs) qui ont gardé le secret de ce genre de réalisations. Ce n’est, hélas, pas le cas chez nous”, a rappelé notre interlocuteur. A la direction de la culture, service du patrimoine, le responsable du secteur nous indique que le vestige a été classé et répertorié depuis les années 1990 avec d’autres sites à l’exemple de l’architecture d’Iguelfene. Beaucoup plus prudent, le responsable du patrimoine estime que certes le Grenier de Belloul ne peut être qu’une construction berbère, cependant aucune dation exacte n’a été établie, ce qui ne donne pas une référence exacte quant à l’époque de sa réalisation. Le collectif SOS Imedghassen, et par la voix de son porte-parole, M. Sofia nous déclare non sans grande amertume : “C’est le fait de vouloir couper les cheveux en quatre et aussi gérer un souci archéologique administrativement qui sont à l’origine de plusieurs drames : la restauration infidèle à l’architecture d’origine est devenue un sport nationale, vous n’avez qu’à voir la ‘bétonisation’ de l’arc de Caracalla à Tébessa ou à 25 km d’ici Imedghassen qu’on a mis en irréversibilité et risque de perte d’authenticité. Il y a cette tendance à vouloir guérir le cancer par l’aspirine, il est grand temps de prendre notre patrimoine en charge.” Pour revenir aux greniers de Belloul, être loin des sentiers battus ne signifie point être à l’abri. Les pierres bien taillées de ses vestiges ne sont pas à l’abri des convoitises et des vendeurs et pilleurs de la mémoire.


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