C’est une histoire encore peu connue. Celle de l’engagement militant des médecins et des infirmiers durant de la guerre de Libération nationale. «Les informations précises sur les personnes, sur leurs déplacements dans le maquis, sur leurs activités, sur leurs rapports avec leurs supérieurs ou leurs subalternes, sur éventuellement les conditions de leur arrestation, leur emprisonnement, leur mort ou encore leur comportement avec les prisonniers qui leur étaient confiés sont encore fragmentaires», précise Mostefa Khiati dans Les Blouses blanches de la Révolution, un essai qui vient de paraître aux éditions ANEP à Alger. Les praticiens et étudiants en médecine ont, selon lui, écrit de belles pages de la guerre d’Algérie en s’engageant aux côtés du FLN-ALN et en abandonnant des carrières lucratives, pour ceux qui étaient déjà installés. «Malgré leur engagement et leurs sacrifices, ils restent le plus souvent d’illustres inconnus.
Considérés avec beaucoup de respect au cours de la guerre de libération, seraient-ils les mal-aimés de la Révolution ' Pourquoi, à ce jour, certains n’ont pas été honorés ou, plus grave encore, la mémoire d’autres tombés au champs d’honneur reste-t-elle vouée à l’oubli '», s’interroge l’auteur. Ce travail, détaillé sur 560 pages, se veut une tentative de dépoussiérer la mémoire et de mettre sous la lumière le combat des blouses blanches, celui que l’Organisation nationale des moudjahidine (ONM) a mis dans les placards du mépris. L’auteur reconnaît avoir eu certaines difficultés à accéder à des informations sur les médecins et infirmiers du maquis. Il souhaite compléter ce travail de mémoire dans d’autres éditions avec l’aide de lecteurs ayant connu des personnes qui avaient participé à des opérations de santé dans les maquis de l’ALN. Il estime que les témoignages de Lamine Khène, Mohammed Toumi et Youcef Khatib ont permis d’apporter des éclairages sur l’organisation sanitaire des nationalistes algériens.
Il en est de même pour les deux livres de Mohammed Benaïssa Amir et Mohammed Guentari. «Les conditions de travail dans les maquis sont cependant d’un autre ordre. Le manque de médicaments quand il s’agit de maladies est, naturellement, un grand handicap, mais quand il s’agit de ‘chirurgie de guerre’ les conditions d’intervention sont très spéciales : opérations toujours d’urgence, à vif, et donc particulièrement douloureuses comme on peut s’en douter. Ainsi, les souffrances terribles auxquelles ils ont assisté, impuissants… mais aussi les joies éprouvées à la rencontre d’anciens blessés retournés au combat après la guérison », se rappelle Lamine Khène, responsable du service de la santé de la wilaya historique II (Nord-Constantinois) entre 1956 et 1959. La mise en place du service santé du FLN/ALN a eu lieu, d’après l’auteur, entre 1954 et 1956. «Cette phase s’est caractérisée par le recours aux personnes formées au secourisme et qui avaient rejoint le maquis. Cependant, les besoins dépassaient largement les moyens disponibles», a note-t-il.
Il cite plusieurs praticiens qui ont fait partie du réseau de soutien à la Révolution en apportant aide aux blessés et aux membres de l’OCFLN comme Rabah Allouache, Mohammed Benarbia, Ahmed Aroua, Mustapha Belouizdad, Messaoud Bendib, Djamil Bendimred, Benaouada Benzerdjeb, Tedjini Gaddam, Fethi Hamidou, Abdelkader Hassani, Salah Khellaf, Mustapha Makaci, Ali Pacha… «L’organisation commence à gagner en précision et en efficacité grâce d’une part au schéma organisationnel adopté par le Congrès de la Soummam en août 1956 et d’autre part à l’apport déterminant de médecins et d’étudiants en médecine qui rejoignent le maquis à la suite de la grève de mai 1956.
Un facteur extérieur va donner encore plus de souplesse aux activités des bases d’appui de l’Est et de l’Ouest, c’est la fin du protectorat sur le Maroc et la Tunisie, suivie de l’indépendance de ces deux pays, scellée en 1956», précise-t-il. Il souligne que l’activité de santé de l’organisation FLN-ALN s’était dotée de plusieurs réglementations spécifiques à l’activité de soin. Il a illustré ses propos par le règlement concernant le blessé de la Wilaya historique. Il a relevé que la nomination d’Ahmed Mahsas en tant que responsable militaire de la base Est, fin 1956, a eu des effets positifs sur le développement du système de soins. Mahsas avait eu l’idée d’installer un Conseil de santé chargé de promouvoir une politique de santé pour répondre aux demandes de soins exigées par la Guerre de libération. Le Conseil devait prendre en charge, entre autres, la formation paramédicale et l’acheminement des médicaments. Les autres Wilayas historiques suivaient les recommandations de ce Conseil.
Mostefa Khiati relève qu’au niveau de la base d’appui de l’Ouest, le nombre de médecins était moins important pour des raisons géographiques. Il indique qu’avec la création du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA), la responsabilité de la santé militaire était confiée à Esseghir Nakkache qui était à la base de l’Est. L’auteur dresse des petits portaits «des médecins de l’ALN» tels que Lamine Debaghine, Ahmed Francis, Chawki Mostefaï, Djamel Derdour, Abdelaziz Khaldi, Ahmed Taleb Ibrahimi, Messaoud Aït Chaâlal, Bélaid Abdesselam, Benyoucef Benkhedda et Mohammed Khemisti. Ce dernier a été assassiné dans des conditions encore troubles, le 11 avril 1963, à l’issue d’une réunion regroupant les ministres et les députés au siège de l’Assemblée nationale, sur le perron de l’édifice du palais Zighout.
«Son éloge funèbre a été prononcée par Ferhat Abbas», note Mostefa Khiati. Il évoque également les médecins morts durant la guerre. «La majorité d’entre eux reste des chouhada anonymes pour le grand public», appuie-t-il. Il cite, entre autres, Lakhdar Abdessalam Ben Badis, neveu de cheikh Abdelhamid Ben Badis, Mohammed Bouchama, Bachir Bennaceur, Rachid Belhoucine, Khelil Amrane, Noureddine Rebah, Ali Aït Idir, Yahia Farès, Bakir Gueddi, Brahim Benabdallah Tirichine, Tidjani Damerdji, Abdelkader Kerroum, Cherif Cherif, Yessaad Aïssani et Zoubida Ould Kablia.
L’éditeur prend soin de préciser que Mostefa Khiati fait partie de «cette génération intermédiaire qui n’a conservé de la Guerre de libération que de vagues souvenirs d’enfance».
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Posté Le : 02/11/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Fayçal Métaoui
Source : www.elwatan.com