Tipaza - Bou Ismail

Les Geôliers Mélomanes




Je passais un moment agréable en compagnie d’un ami dont les vices rejoignent les miens, mais je ne m’étalerai pas dessus car là n’est bien entendu pas le propos.



Nous étions donc dans un des innombrables cafés de notre bourgade bien aimée, à discuter de choses et d’autres, quand le chant d’un oiseau couvrit nos voix. C’était un petit oiseau, de ce genre qu’on trouve partout, à ne plus faire de différence. Il se donnait du mal à nous assourdir. C’était peut être sa revanche, de se retrouver là entre ces barreaux, dans cette cage bon marché, accrochée à des murs jaunis par la fumée des buveurs de café et de thé.

Eh bien moi j’avais envie qu’il se taise l’oiseau. J’avais des choses à raconter au copain, et des plans foireux à préparer.



J’aurais aimé aussi dire au serveur de diminuer le son, comme s’il s’agissait d’une radio, mais je suis sûr qu’il n’aurait pas apprécié mon humour à deux balles. En plus, imaginez que c’est le sien, qu’il l’exhibait bien là au vu et au su de tout le monde, l’air de dire : messieurs et messieurs, j’ai un putain d’oiseau ! Il chante bien, hein...

Quoi qu’il en soit, mon irritation dissipée, cela m’a quand même rappelé qu’il y a toujours des personnes que l’emprisonnement de petites bêtes ravit au plus haut point, et qu’ils poussent la bêtise à en être fiers.

Pour ces gens là, outre le ravissement visuel de l’oiseau captif, ce dernier offre un ravissement d’ordre auditif des plus agréables, vu qu’ils dépensent de l’argent et de l’énergie pour avoir ce genre de privilège, mais qui dans leur infinie générosité, veulent bien partager avec nous.

Cela dit, j’ai eu beau prêter l’oreille, mais je trouvais que le pauvre animal ne faisait que diffuser 2 ou 3 notes…4 à tout casser ; il n’y avait même pas de pentatonique à se mettre sous le tympan.

Alors pourquoi s’acharner à entendre un oiseau, quand des milliers de pages des plus belles musiques existent !



Mais les geôliers des oiseaux ne l’entendent pas de cette oreille. Eux préfèrent leurs captifs aux Mozart, aux Beethoven et compagnie, aux musiciens contemporains et futurs de tous bords.

Eux veulent l’exposer à qui ne veut pas entendre, à arborer l’air du connaisseur en oiseau, de celui qui a du goût, du passionné.

Dieu a créé l’oiseau libre, le ciel lui servant de vaste maison. ‘Mais ils sont arrivés, et l’oiseau est en cage’, et leur bêtise en liberté.

Et puis il y a les autres, les amoureux des poissons, à les mettre dans un bocal, sous respiration artificielle, à les regarder tourner en rond, jusqu’à ce que mort s’en suive, ou qu’ils oublient de les nourrir…



- T’es parti où ?

- Nulle part…je regardais juste cet oiseau.

- Tu as des oiseaux chez toi ?

- Non…jamais.




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