Le rite malékite se distingue par ses fondements rationnels et scripturaires caractérisés dans leur ensemble par l'ouverture et la souplesse.
A méditer les sources du rite malékite, on ne peut que se rendre à l'évidence qu'elles recourent aussi bien au scripturaire qu'au rationnel et qu'elles incorporent et le texte et l'effort de déduction. Le rite se caractérise, en outre, par une grande ouverture et une flexibilité qui lui permettent d’avoir une grande capacité de rénovation et une grande facilité de s'adapter aux situations nouvelles et par conséquent de résoudre les problèmes qu'elles soulèvent.
Tant l'istishab (*) et ses implications au niveau des coutumes, de la prévention des actes illicites «sadd addarai'» et de la prise en compte de l’avis contraire «mura'at al khilaf», constituent un argument juridique d'importance qui permet au rite malékite d'assimiler toutes les nouveautés que connaissent les sociétés au cours de leur évolution permanente.
La plupart des recherches juridiques de cette école reviennent, dans les déductions qu'elles établissent, à la notion d'intérêt général. Ainsi, le malékisme a-t-il pu permettre des études très approfondies en matière de recherche des finalités de la charia et de ses nobles objectifs, dont le pilier principal se trouve être justement l'intérêt général.
(*) istishab: La raison conçue comme un simple facteur de cohérence interne
Les Fondements Rationnels.
Bien que représentant l’école médinoise du hadith, l’Imam Malek n'hésitait pas à prendre en considération l'avis différent qu'il intégrait à sa jurisprudence.
Les fondements rationnels du rite malékite sont :
1- Le raisonnement par analogie (qiyas)*:
C'est une méthode par laquelle on rattache un cas qui ne dispose pas de texte à la norme légale à partir d'une raison légale servant de lien entre les deux cas.
2- L'istihsan (*) :
C'est lorsque le faqih jurisconsulte, appelé à déduire quelque norme abandonne une analogie évidente pour une autre moins apparente pour des raisons personnelles; l'analogie choisie étant plus pertinente que l'autre.
3- L'istislah : (L'utilité bien entendue, conforme à l'esprit et à la lettre de la loi)
Il s'agit ici d'établir des normes juridiques en prenant en considération l'intérêt général de la société. On recherche par là tout d'abord ce qui est profitable aux gens et ce qui serait susceptible de leur éviter les vices et les corruptions. Dans cet intérêt général, il est des cas reconnus par la Loi, d'autres qui ne le sont pas, et d'autres sur lesquels elle a gardé le silence. L'effort de la déduction de la norme s'effectuera de sorte que soient prises en considération les finalités et les objectifs du législateur à partir desquels le mujtahid peut intégrer les intérêts généraux non spécifiés par la Loi. II s'agit en fait d'une déduction par analogie mais à plus large portée.
4- La coutume:
Le malékisme prend en considération, en cas de déduction des normes, les us et les coutumes d'une société sous réserve quils ne contredisent aucune des dispositions de la loi, ce qui s'assimile à l'istislah, car l'usage et la coutume préservent eux aussi l'intérêt général. C'est pourquoi les légistes musulmans les ont classés dans la même catégorie tout en considérant la coutume comme étant une condition et l'usage comme étant une référence.
5- Sadd addarai' (la prévention d’actes illicites):
Il s'agit là d'écarter un moyen reconnu légal mais ouvrant la voie à des interdictions légales soit avec certitude soit avec une forte probabilité. C'est qu'en effet les moyens sont jugés selon leurs fins et comme on parvient à la norme légale en obstruant l’accès à l'acte illicite on peut y parvenir par le moyen inverse. Par conséquent, lorsque ce qui est recherché par la norme légale ne trouve pas son moyen légal, le moyen qui ne le serait pas devient nécessaire conformément au principe qui veut que le moyen parvenant à ce qui est obligatoire devient à son tour obligatoire.
6- L'istishab:
C'est le maintien obligatoire d'une norme légale à une époque présente à partir de son établissement de par le passé aussi bien dans son existence que de sa non existence jusqu'à preuve du contraire.
7- Mura'at al khilaf (la prise en compte de l’avis différent):
C'est le fait de mettre en œuvre un argument pour une obligation dont la signification appelle un argument [1] contraire, ou bien lorsque le mujtahid met en œuvre une norme pour un argument qu'il a utilisé pour son contraire [2] . A titre d'exemple, le rite malikite rejette le mariage dit «ach-chighar» * . Mais si à la mort de l'un des deux conjoints le mariage s'avère un «ach-chighar», le principe de l'héritage sera admis conformément au «mura'at al khilaf» .
[1] Voir « Hudud » de ibn 'Arafa commenté par Anassai, p. 242, éd. Ministère des Habous et des Affaires Islamiques - Maroc, 1412H/1992.
[2] « Manar Assalik ", p. 32.
* N. D. T : (ach-chighar) : Une forme de «mariage par compensation». Il consiste à ce que l’homme donne en mariage une femme : soit sa fille, sa sœur ou toute autre femme qui est sous sa tutelle à un tiers à condition que ce dernier lui donne en mariage une femme sans la dot, car l’échange prend la place de la dot .
* Qiyas: consiste " à rechercher la cause ('illa) d'une règle de droit donnée et à étendre cette règle à tous les cas qui participent de la même cause" extrait du Kital al-Mustasfâ de Ghazali (H.Laoust)
* Istihsan: jugement d'équité laissé à l'estimation personnelle du docteur de la loi qui adopte une règle par le simple fait qu'il la trouve "belle" ou la rejette parcequ'il l'estime "laide
Les Fondements Scripturaires
Le rite malékite est connu pour sa capacité à s'adapter aux situations nouvelles et à résoudre les problèmes qu'elles soulèvent.
1- le Coran et la Sunna (Tradition du Prophète):
le Coran et la Sunna constituent, d'une part, les données textuelles et la source première, et d'autre part, ce qui a été transmis oralement comme Traditions du Messager de Dieu. C'est à partir de ces données scripturaires que Malik a édifié sa doctrine, en se basant sur leur authenticité tout en en dégageant la portée et le contenu par l'explication et l'interprétation sémantique et logique de leur énoncé:
a- Le sens textuel est saisi à partir d'un énoncé univoque n'admettant nulle autre interprétation. Pour cela sa signification est dite «absolue» (qat'iya) [1] .
b- Le sens obvie, lui, est reflété par un énoncé pouvant avoir deux significations dont l'une est plus plausible que l'autre [2] .
c- Le sens impliqué dans l'énoncé peut être déterminé à contrario lorsque la chose énoncée s'oppose dans la norme, à la chose non énoncée [3] .
d- Le sens peut être implicite par raisonnement à fortiori ou lorsqu'il est conforme à la norme. C'est quand le contenu est plus en conformité avec l'expression [4] . On l'appelle également l'analogie évidente ou première.
e- Le sens peut être obtenu par déduction lorsqu'un énoncé en implique un autre. Ici l'implication peut être expresse ou indicative:
La première est directe: c'est lorsque la signification de l'énoncé contient une idée nécessaire à la consistance originelle du texte, prouvant sa conformité au point de vue rationnel, juridique ou coutumier.
La seconde est allusive: c'est quand l'énoncé contient une idée nécessaire à la consistance originelle du texte sans que la conformité rationnelle, juridique ou coutumière en dépende [5] .
f- Le signe de l'énoncé: c'est l'indication par allusion. C'est quand les qualificatifs exprimés avec la norme n'ont pas de sens raisonnable s'ils ne sont pas la cause de l'établissement de la norme [6] .
2- Le consensus communautaire:
Il en a lieu après la disparition du Prophète lorsque les mujtahid se mirent d'accord pour adopter une nouvelle norme légale à une époque déterminée. Cet assentiment peut être explicite ou implicite, ce dernier ayant été le plus usuel.
3- La pratique de Médine:
Il s'agit d'une jurisprudence rassemblant des décisions légales prises par les compagnons du Prophète et la génération qui leur a succédé. Cette pratique juridique est retenue en tant que source du droit car elle a été transmise à partir du témoignage prophétique transmis de génération en génération. C'est pourquoi d'ailleurs Malek la faisait prévaloir sur les propos du Prophète dits «isolés» en cas de contradiction entre les deux, car, il considérait cette pratique plus positive et donc plus authentique. Ce qui est transmis de génération en génération étant plus authentique que ce qui a été transmis d'individu à un autre.
4- Le «dire» du compagnon du Prophète:
C'est l'opinion personnelle de ce compagnon, émanant de son effort personnel. Une fois acceptée et ne soulevant aucune opposition [7] , cette opinion est considérée comme une source valable. Si le compagnon rapporte un propos qui ne relève pas de son opinion ou de son choix, ce propos a force de sunna.
[1] Voir «Manar Assalik ila madhhab al imam Malik» du savantissime Ahmad Assuba'i Arrajraji. P. 15, édition Fès 1359 H / 1940 1ère édition.
[2] “Miftah al wussul ila bina al furu' ‘ala I-Ussul“ par Acharif Atlemsani, p. 54. Maktabat al Khafaji - Le Caire, 1962. Ouvrage établi par Abdewahab Abdelatif. Voir aussi "Manar Assalik" de Arrajraji p. 15. .
[3] “Miftah al wusul" de Attelemsani , p. 84, ainsi que" Manar Assalik" p 16. Il existe à ce propos de nombreuses notions comme la condition, la restriction, le but, espace et temps, le nombre, voir aussi" Miftah al wusul " de Attelemsani, p. 87 et suivantes. .
[4] "Manar Assalik" p. 16 .
[5] Idem p. 17.
6] Idem p. 17 .
[7] Idem p. 20.
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Posté Le : 30/05/2015
Posté par : soufisafi