Algérie

Les fils de la Toussaint nous quittent en novembre



Après avoir fait son marché, ce vieillard de 92 ans rejoignait son domicile et s’allongeait sur son canapé, comme à l’accoutumée. Cette fois-ci en ramenant un drap sur ses jambes, le militant de la cause nationale, Abdelkader Amrane, alias Zine Ettala, nous quittait discrètement... sans un mot.

Sa discrétion légendaire en fit l’un des premiers compagnons de route du colonel Ouamrane, avec lequel il prenait langue au PPA-MTLD. Agent de liaison, il récoltait, à la veille du 1er novembre, les armes dans le Hodna. Il jetait son dévolu sur les mousquetons et statti, armes de guerre en possession de tribus bellicistes, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Son camion Hotchkiss qui servait au transport des fruits et légumes, qu’il ramenait d’Alger vers Bou Saâda, était la cache secrète, par laquelle il faisait passer les tracts et documents subversifs de I’Organisation spéciale (OS) de Rabah Bitat qu’il retrouvera plus tard au pénitencier de Barberousse (Serkadji). Au lendemain du déclenchement de la lutte armée, que d’aucuns considéraient comme une aventure, Abdelkader Amrane rencontrait Ouamrane en compagnie de Omar Driss à Djemaâ Lihoud (La synagogue) dans la Haute-Casbah. Ces derniers le chargeaient de la liaison entre Alger et le maquis de Palestro et c’est justement dans ce maquis, qu on I’affublait de son pseudonyme Zine Ettala. La rencontre avait eu lieu dans l’échoppe d’un cordonnier. En août 1955, il était mis en contact avec Amara Rachid, le chimiste de la Révolution qui lui demandait de réunir les armes du Hodna, dont le maquis naissant de Palestro (Lakhdaria) en avait besoin. Les armes, ainsi collectées, étaient enfouies dans les tombes du cimetière de Bou Saâda. Situation qui ne pouvait pas perdurer, vu que les risques de les faire découvrir par la police coloniale menaçaient la vie du collecteur et de ses complices. C’est Ouamrane qui se chargeait de les faire acheminer par Bordj Okriss, Oued ben Ayad, Tayacha, Mammoura, Bougoudène, Hadjret Maghraoua, Ouled Kacem, Beni Maâla jusqu’au Bouzegza. Cette route a pendant longtemps constitué la voie de passage de l’armement et autres ravitaillements. Alors qu’il revenait d’Alger au lendemain d’une réunion de fidaïne chez Amara Rachid, un agent de liaison d’Aumale (Sour El Ghozlane) l’informait de la survenue d’un accrochage entre les moudjahidine et les forces coloniales, dans la ferme Aïssani à Maâmoura. Le bilan faisait état de la perte de 7 djounoud et la capture de 3 autres, dont Madani Dahmani qu’il avait lui-même enrôlé. Continuant sa route par autocar se dirigeant vers Bou Saâda, il fut intercepté par des militaires qui bouclaient l’entrée de la ville. Reconnu par un collaborateur, il était arrêté le quatrième jour du mois de mars 1956. Interné à la prison civile d’Aumale le jour même, il se retrouve dès le lendemain à la prison de Bouira. Abdelkader Amrane était surpris par la visite impromptue du juge d’Aumale à la prison de Bouira, réclamant le retour du prisonnier dans sa juridiction. Cette tournure que prenait l’affaire était l’œuvre du colonel Ouamrane, qui menaçait de représailles le magistrat, s’il arrivait un quelconque malheur au prisonnier. Cette démarche téméraire avait sauvé la vie à Zine Ettala qui séjourna 11 mois durant, sous la « protection » du juge. Transféré à Barberousse en janvier 1957 et jugé, il était condamné à 20 ans de travaux forcés. Il séjournera en compagnie de Rabah Bitat, Abdallah Fadhel et Moufdi Zakaria au pénitencier de Maison Carrée (EL Harrach), jusqu’à son nouveau transfert. Interné le 27 décembre 1957 à Lambèse (Tazoult), il ne quittait son ultime réclusion que le 4 avril 1962. Brimé par la justice coloniale, il choisissait le secteur judiciaire de son pays pour y travailler jusqu’à sa retraite. En ce triste mois de novembre, une foule nombreuse enfouissait le corps de Si Abdelkader, dans le cimetière, où il enfouissait lui-même, les armes de la liberté, un certain 1954. Il n’eut pas droit à l’emblème national et c’est bien dommage.




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