Algérie

Les festivals un apport culturel à mesure proportionnée



Les festivals un apport culturel à mesure proportionnée
Nasser HannachiNul ne peut récuser l'abondance de l'activité artistique à l'échelle locale et nationale. Mais si les manifestations se sont multipliées, il y a toutefois un grand risque de voir des expressions altérées par une inflation des emprunts de cultures étrangères ou carrément éclipsées. Cette appréhension est exprimée par les puristes, notamment du malouf, qui récusent l'ouverture excessive à l'universalisme. «Pas top de présence extra malouf dans le festival»,revendiquent-ils. Egoïsme ou souci de préservation du terreau andalou 'Chaque festival universel apporte son lot de talents et de qualité. C'est unecertitude en dépit du choix parfois équilibré, voire limité, de têtes d'affiche dans de nombreuses manifestations. La scène culturelle constantinoise connaît cette tendance depuis une dizaine d'années. L'ouverture institutionnelle a permis l'enrichissement des programmes grâce aux finances à hauteur appréciable. Cette dépense allait donner aux expressions artistiques une configuration plusprofessionnelle et calquée sur ce qui se fait dans des pays fort investis dansl'événementiel. Jazz, malouf, inchad, théâtre,... ces grilles annuelles ont pris bonne place dans la capitale de l'Est.S'y ajoutent les échanges culturels inter-wilayas, qui tentent de préserver le patrimoine national, du Nord au Sud et d'Est en Ouest, en instituant des échanges interculturels. Mais si l'idée est noble, l'impact est à chercher.Concernant les manifestations qui s'inscrivent dans une dimension internationale, on leur reconnaît leur richesse. Elles offrent aux populations une diversité où chacun trouve son goût et ses penchants. «C'est un plus indéniable pour enrichir notre patrimoine et s'ouvrir sur ce qui se fait dans le monde», analysent artistes et organisateurs. Il ne se passe pas un rendez-vous sans que les artistes locaux n'en tirent un maximum d'enseignements. De fait, les multiples programmes proposés renferment autant de genres et de styles. L'artiste pourra y trouver un apport non négligeable pour élargir ses connaissances, améliorer sa maîtrise et, par conséquent, étoffer sa production. Ces apports se matérialisent souvent avec des programmes pédagogiques élaborés dans le cadre de masters-class organisés parallèlement aux spectacles de scène des festivals internationaux.Mais au fur et à mesure que la nouveauté s'estampe, à mi chemin, les festivals se sont vus tronqués de ces ateliers pédagogiques en raison de l'indifférence manifestée. «Nos artistes ne veulent pas se perfectionner en présence des grands», déplore un des organisateurs précisant que «c'est la raison pour laquelle on a sacrifié les séances». Cette lacune est surtout perceptible dans la musique andalouse. Pourtant, à chaque rendez-vous, des instrumentistes talentueux sont invités. Cependant, il existe d'autres facteurs qui fragilisent l'aspect didactique des évènements culturel. «Souvent, le calendrier des invités est conditionné par le paramètre temps. C'est pourquoi on ne s'aventure pas dans le maintien des sessions d'apprentissages au profit des amateurs ou professionnels», se justifiait à ce propos le commissariat du Festivalinternational de malouf. Constantine s'est montrée réceptive au départ avec lelancement des festivals du malouf, mais cette disponibilité à l'ouverture vers l'international n'a pas tardé à montré ses limites. Les musiciens et chanteurs locaux, notamment les puristes, ont vite fait d'évoquer l'éventuelle «dénaturation du patrimoine musical», notamment avec l'introduction des formations venant du Moyen-Orient, et même du Maghreb n'a pas échappé à ces critiques malgré les similitudes de sa musique qui le lie à la musique andalouse des trois écoles algériennes.«Il faudra que la touche andalouse constantinoise prédomine la manifestation. Certes, on est pour l'ouverture des genres et des styles, mais à force de solliciter des formations étrangères qui ne daignent que rarement jouer notre musique, cela influe sur notre patrimoine», argue un luthiste qui fait partie d'une association musicale. Ouverture à d'autres expressions oui, abus dans les fioritures du thème principal d'une quelconque expression (andalouse dans ce cas) non. De nombreux artistes, et cela sanctionne presque chaque édition dufestival international du malouf, critiquent la trop large ouverture, mais sans aller au fond des choses avec les organisateurs pour dénoncer ce déséquilibre dans les prestations, au point de revendiquer une affiche nationale et locale à prédominance andalouse, voire, dans quelques cas, une exclusion pure et simple des chants et musiques qui ne font pas partie de la thématique.Pour le reste des manifestations culturelles et artistiques, l'indifférence est toujours là, souvent dans les échanges inter-wilayas, qui se suivent et se ressemblent. Les organisateurs et promoteurs de ces manifestations devraient revoir leur modèle de présentation et leur emballage. Il ne suffit pas de changer le nom de la wilaya pour attirer le public, si on se contente de programmer dans les mêmes espaces des expos, des ventes d'artisanat, des spectacles de danses... La diversité ne s'accommode pas avec la monotonie et l'uniformité. Il faut attirer et surprendre.Et si pour ce faire, il faut aller au devant du public, les organisateurs devront réapprendre à faire de la promotion et à investir les espaces où le public se trouve, au lieu de se contenter de remplir un programme parce que le ministère de la Culture l'exige et qu'il faut en rendre compte dans son bilan, avec du tout-venant qu'on mettra sur la scène qu'on a, et tant pis si personne ne vient... Or, c'est exactement ce qui se fait, hélas. Les artistes devant représenter une région sont choisis par l'administration et non par leurs pairs ou des organisations culturelles, sur la base de critères qui ne sont pas toujours basés sur les compétences artistiques, mais plutôt sur leur position vis-à-vis de cette administration. Résultat, on se retrouve avec des programmes stéréotypés qui ne peuvent avoir qu'un impact limité, dans le temps et dans l'espace.N. H.




Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)