Décidant de raconter cette image qui a surgi dans ma mémoire grâce à un entretien qui n’a eu lieu que récemment avec certains et parmi eux un avocat qui a soulevé le cas de cette femme discrète qui a disparu dans l’anonymat.
Elle résidait au centre-ville du côté du cinéma Vox, on dirait qu’il y avait une concurrence entre elle et cette salle de spectacle, où chacune voulait recevoir quelque chose de quelqu’un, mais pour des buts différents. Fatma avait une taille formidable, belle, élégante et hypnotisante.
Cet égard à titre posthume pour cette jeune fille au haïk, Fatma m’a projeté à l’époque des années terribles de la révolution entre 1960 à 1962. A cette période, la seule distraction qui existait, c’était de voir un film à chaque week-end. Cette routine m’a permis de l’observer et plus particulièrement sa liberté de mouvement et surtout pour une fille !
En apparence, cette jeune fille par son comportement de ‘’faits et gestes’’ donne l’impression d’une auto-stoppeuse, cet aspect extérieur n’épargne ni son honneur, ni celle de sa petite famille. Son père était très connu, ancien grand joueur dans le domaine footballistique.
Il faut se mettre un instant dans la peau de cette petite famille dans cette tornade de la guerre, en imaginant l’état d’esprit d’une mère dû à la posture de sa fille. Comme toutes les mères jalouses de protéger et préserver l’honneur de leurs filles, qui marchent sur le fil du rasoir ! Quand sa fille veut aller dehors, sa mère a toutes les peines du monde pour garder son calme afin de ne pas la paniquer. Cette douleur presse son cœur à la limite d’un IDM.
En quittant la maison, personne ne peut prédire ce qui va arriver (…), la mère laisse légèrement la porte, pendant un laps de temps, ouverte avant de la refermer. Ne quittant pas le couloir dans le but d’être prête à secourir sa fille en cas de risque. Elle est là, immobile, elle compte les secondes, les minutes, les heures, elle va et vient dans le couloir, s’impatiente, les nerfs à fleur de peau, l’angoisse, les larmes chaudes coulent sur ses joues, dès que sa fille est de retour, fait des petits coups sur la porte, la mère est la seule à les identifier. Elle se ressaisit comme un éclair, essuie ses larmes et avec sang-froid, l’accueille avec un sourire et la serre entre ses bras, dans son for intérieur, lui dit : «ma fille je suis à tes côtés quel que soit le prix !!! ».
Ce qui fait mal encore, quand certains prétentieux qui ironisent dans le dos des autres par un manque de retenue. Cet environnement hostile pèse lourdement d’une manière ou d’une autre sur la fille et ses parents. Ces derniers ont résisté avec patience et ténacité, convaincus de la justesse de la cause, ce qui les a encouragés encore plus pour endurer et envoyer tout le monde dans leur abaissement d’une période qui était en voie de disparition.
Les pressions indirectes, émanent de l’entourage de leurs proches, pèsent durement, à cause de leur ignorance de la réalité, comme dit l’adage populaire «demak houa hemak ». La complexité de la situation et sa dangerosité impose un mutisme complet quel que soit la durée de cette étape où les chemins sinueux, multiples, qui se croisent avec toutes les conséquences qui en découlent…
Elle sortait en haïk et des fois en ensemble tailleur, aucune discordance entre le traditionnel et la modernité, ceci en fonction des exigences de la tâche. Ce poids ne pouvait être supporté que par les femmes (FAHLET), animées d’une conviction inébranlable. La bravoure de la femme Algérienne est gravée sur le front de l’histoire d’Algérie. Une leçon à ceux qui cherchent encore à les dévaloriser !!!
Cette fille avait fait beaucoup pour la révolution, non seulement, elle persuadait les jeunes pour rejoindre l’ALN, mais elle faisait des opérations plus dangereuses encore qui consistaient à entrainer individuellement les engagés dans les rangs de la légion étrangère pour déserter leur caserne, afin de les faire guider vers le réseau qui était chargé de les ramener au maquis.
Mission périlleuse à tout point de vue, qui demande une grande maîtrise de soi et une vigilance intense que ce soit du côté des éléments contactés, en cas de revirement, ou bien du côté des sinistres services du renseignement colonial. Surtout les informateurs qui faisaient le guet dans les rues à l’image de ce bonhomme qui se prenait pour aveugle en vendant des bananes mouchetées dans une petite charrette à deux roues, il se déplace à tous les coins de rue.
Moudjahida au sens fort du mot. L’indépendance acquise a dévoilé les dessous des apparences des uns et des autres. Elle est parmi les rares femmes qui ont résisté, malgré les contraintes barbares des commandos George, le ralliement et les trahisons de ceux qui portent les ‘’moustaches’’.
Cette jeune fille, après l’indépendance n’a pas crié sur les toits pour démontrer avec hautaine sa participation, malgré les souffrances qu’elle avait endurées, blessée dans sa dignité par la propagande des gens malintentionnés et collabos. Elle n’a pas hésité un instant lors de la fête de l’indépendance de mobiliser les jeunes filles et les femmes pour manifester dans les rues.
Cette humble Moudjahida qui a enduré et porte en elle des cicatrices profondes gravaient dans sa mémoire s’appelle TANDJAOUI Fatma bent ‘’bacoco’’ née le 15 décembre 1941, décédée le 28 novembre 2013, elle n’est plus de ce monde Allah yerhamha.
Nazïm Hikmet
Je suis dans la clarté qui s'avance
Mes mains sont toutes pleines de désir
Le monde est beau
Mes yeux ne se lassent pas de regarder les arbres
Les arbres si verts, les arbres si pleins d'espoir
Un sentier s'en va à travers les mûriers
Je suis à la fenêtre de l'infirmerie
Je ne sens pas l'odeur des médicaments
Les œillets ont dû s'ouvrir quelque part
Être captif, là n'est pas la question
Il s'agit de ne pas se rendre
Voilà.
(poème écrit en prison)
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Posté Le : 31/10/2015
Posté par : aladhimi
Ecrit par : Miloud BOUAZZA
Source : Facebook