Algérie

Les faits marquants d'un règne



Il a été marquant à tout point de vue, le règne de Bouteflika sur l'Algérie, le plus long que le pays ait connu. Un règne qui, déjà à son tout début, a valu par un haut fait ? le retrait de ses rivaux à l'élection présidentielle anticipée de 1999 ? qui allait en dire beaucoup sur la vingtaine d'années durant laquelle le parfait homme du sérail, réapparu au-devant de la scène après une longue traversée du désert, a exercé un pouvoir à forte charge d'impostures en tout genre.Premier fait marquant. Ses deux décennies de pouvoir, Bouteflika les a entamées après une controversée élection, en avril 1999, lors de laquelle il s'était retrouvé comme seul et unique candidat après le retrait de ses six rivaux qui avaient fait état de risques avérés de fraude. Une élection anticipée après la démission de Liamine Zeroual qui intervient à un moment où aux années de feu et de sang succède une période où il fallait remettre le pays en marche. Bouteflika capitalisera à sa manière la victoire sur le terrorisme intégriste en décidant, au travers du référendum et de la loi sur la Concorde civile, d'amnistier en partie les islamistes armés, moins de six mois après qu'il eut été intronisé président de la République.
En fait, ce sont près de six années après, en août 2005, que le Président Bouteflika ira encore plus loin dans sa quête d'effacer des mémoires les années du terrorisme en présentant à référendum sa «Charte pour la paix et la réconciliation nationale» avec le flagrant parti-pris de l'Etat et de ses institutions dans une campagne très décriée par l'opposition et une grande partie de la population qui crieront, vainement, à la mascarade électorale.
Un référendum marqué par les stigmates des douloureux événements du Printemps noir de Kabylie lors duquel le Président a eu une attitude qu'une partie entière du pays ne lui a pas pardonnée à ce jour. En effet, aux premiers jours du Printemps 2001, alors que des dizaines de jeunes et de moins jeunes tombaient sous les balles, le président de la République détournait le regard en se rendant quelque part en Afrique pour une conférence, laissant le pays en proie à des troubles qui coûteront plus de 120 vies humaines.
Un haut fait des années Bouteflika que l'annonce en mars 2002, en guise de mesure d'apaisement, du statut de langue nationale à tamazight n'atténuera pas pour autant, les militants de la cause ayant toujours en mémoire le «jamais tamazight ne sera nationale» prononcé durant la campagne pour la Concorde civile en 1999. En fait, à chacun de ses mandats, le Président empilait les faits marquants. Ainsi, sa reconduite à la magistrature suprême, à l'issue de l'élection en 2004, il l'estampillera de sa marque en s'attaquant au pouvoir militaire, lorsqu'il commencera d'abord par se débarrasser quasiment de son ex-directeur de cabinet, le général Larbi Belkhir, en l'envoyant à l'ambassade d'Algérie à Rabat en août 2005, afin de démontrer toute l'étendue de sa puissance contre l'armée.
Une guerre qui prendra des proportions autrement vertigineuses, après avoir trituré la Constitution au travers d'un vote à l'APN, en novembre 2008, pour lui permettre de faire sauter la limite de deux mandats consécutifs et, ainsi, poursuivre son ?uvre contre l'armée, entre autres, lors d'un troisième mandat qu'il s'octroiera avec plus de 90% des voix puis et surtout qu'il achèvera dans des conditions pour le moins «sombres» après le début de ses ennuis de santé qui faisaient croire qu'il ne pouvait pas aller au-delà de son troisième mandat qui s'est achevé en 2014.
Mais avant que la question du 4e mandat se pose, à l'automne 2013, il reprend le gourdin pour faire voir de toutes les couleurs à l'armée, d'abord au puissant DRS qu'il dépouillera de nombreuses prérogatives et, ainsi, démontrer qu'il était toujours là et qu'il fallait compter avec lui pour la présidentielle de 2014, malgré tout ce qui se disait sur son état de santé. Son nouveau mandat, en guise de premier fait marquant, il le signera par une espèce de nouvelle campagne contre les militaires avec ce gros coup de tonnerre que constituait la mise à l'écart du général Toufik et la dissolution du DRS, remplacé par un Département de surveillance et de sécurité rattaché directement à la présidence de la République.
Les faits marquants du règne de Bouteflika, pour l'opinion publique comme pour la presse nationale, on peut, en fin de compte, en puiser à satiété. De la gestion des affaires de l'Etat confiée sur des critères tribalistes, à la proportion prise par la corruption jusqu'à atteindre le rang d'industrie, en passant par la bénédiction de la montée en puissance d'hommes d'affaires jusqu'à se constituer avec les proches du Président en véritable oligarchie, et enfin, les tergiversations dans la gestion de l'économie avec des options pas très convaincantes prises par les politiques devant libérer le pays de la dépendance des hydrocarbures, et bien d'autres maux, telles la liberté de la presse et la création de canaux «parasites» dont a souffert le pays durant les deux derniers mandats notamment.
Azedine Maktour


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