Algérie

Les explications de l'administrateur



Placées sous séquestre (judiciaire) depuis 2005, les 11 sociétés de Tonic Emballage risquent dans les jours qui viennent de tomber sous le coup d'une liquidation judiciaire. Leurs dettes auprès de la Badr s'élèvent à près de 80 milliards de dinars, alors que l'expertise de l'Inped réalisée en début de cette année a estimé la valeur de leur actif net à 13 milliards de dinars. Une situation des plus critiques qui ne cesse de s'aggraver au point que le doyen des juges d'instruction près le tribunal de Sidi M'hamed près la cour d'Alger a fini par interdire l'accès à ces unités aux 13 dirigeants et associés de Tonic. Une décision qui va permettre à l'administrateur judiciaire de contrôler et de gérer pleinement les dépenses et les recettes des sociétés et de faire un rapport mensuel au magistrat. Cette décision a été prise à la suite des obstacles dont s'est plaint l'administrateur et qui l'empêchait d'exécuter la mission pour laquelle il a été désigné par le juge. En application de cette ordonnance, M. Bouraoui a suspendu de leurs fonctions les 13 dirigeants parmi les principaux actionnaires des 11 sociétés de Tonic.Tout a commencé avec la plainte déposée par la Badr en 2005 contre Abdelghani Djerrar, principal associé, pour avoir bénéficié d'importants crédits sans garantie de remboursement. Ces fonds ont servi à l'acquisition des terrains d'assiette des usines, des équipements de production, à la construction des usines, mais aussi à l'achat d'au moins 64 biens personnels, dont 56 ont été saisis par la Badr, 9 hypothéqués en faveur de celle-ci, ainsi qu'à l'achat d'autres biens à usage d'habitation personnelle et véhicules haut de gamme pour les associés. Etant dans l'impossibilité de commencer le remboursement de ces crédits arrivés à terme, pour certains, les associés ainsi que l'ancien patron de la Badr ont été inculpés. En mai 2007, le magistrat a désigné Ammar Daoudi, à la place de Abdelghani Djerrar qui venait d'être incarcéré (pour une durée de 18 jours), avant d'être remplacé par Rachid Bouraoui, en octobre 2007, pour superviser les activités des unités, mais surtout contrôler les dépenses, étant donné qu'elles sont toutes soumises à son visa avant leur exécution par la banque. Contacté pour plus de précisions, M. Bouraoui a évité d'entrer dans les détails juridiques de l'affaire sous prétexte qu'il est soumis à l'obligation de réserve.Néanmoins, et après insistance, il a bien voulu expliquer la situation qui a poussé le juge à interdire aux dirigeants l'accès aux unités de production. Il a indiqué que deux mois après sa nomination par le juge, « le caissier principal ne m'a soumis aucune dépense en espèces pour visa. Il avait agi sur instruction des associés qui voulaient l'empêcher de me rendre compte des résultats de gestion des Sarl ». L'instruction des associés est intervenue à la suite des mesures qu'il a prises, a-t-il dit, dans le cadre du retour à l'ordre. Parmi celles-ci, il a cité, « l'annulation du système de salaire appliqué et qui consistait à soustraire une partie de la paie des travailleurs aux cotisations sociales et à l'IRG à travers l'établissement de deux paies, l'une officielle et l'autre payée par la caisse noire, l'instauration de la semaine de 40 heures, alors que les travailleurs accomplissaient de 46 à 48 heures, la mise en place d'une procédure de dépenses par banque et/ou en espèces avec pièces justificatives, le respect des conditions d'hygiène et de sécurité pour les employés, conformément à la législation, la mise en place de délégués du personnel pour chacune des sociétés, la conception et le lancement d'un processus de restructuration des Sarl en société unique ». D'autres mesures concernent « l'établissement avec les intéressés d'un programme d'intervention des commissaires aux comptes visant la réalisation des inventaires physiques et l'assainissement des comptes des sociétés Tonic, l'instruction de comptabiliser les crédits bancaires accordés, ceux échus et les agios générés, qui n'étaient pas pris en charge par les comptes des sociétés, le lancement d'une opération d'audit de la vente à la suite de la baisse importante des recettes durant l'exercice de 2007, la remise en cause de l'opération de réévaluation des investissements réalisée par un cabinet externe en 2005, du fait qu'elle avait permis la résorption de l'actif net négatif des sociétés par l'intégration d'un écart de réévaluation de 39,87 milliards de dinars, rejet de la réévaluation établie par le même cabinet en 2007, eu égard à la valeur exagérée qu'elle comportait et qui s'élevait à 60,25 milliards de dinars, le lancement d'une étude en vue de l'augmentation du capital des Sarl en relation avec les résultats de la réévaluation et enfin l'exigence du respect de la production périodique des rapports d'activité par les gérants et les responsables des structures centrales ».11,16 milliards de dinars de créances impayéesPoursuivant l'analyse de la situation, l'administrateur a indiqué que les recettes qui lui arrivent sont celles réalisées par chèques ou versées directement par les clients à la Badr. Ce qui implique, a t-il ajouté, que les recettes encaissées en espèces et non versées à la banque, échappent totalement à sa connaissance et à son contrôle. « Cette façon d'opérer constitue évidemment une entrave à ma mission d'administrateur judiciaire et permet aux associés de disposer de la trésorerie à mon insu », a-t-il fait remarquer. Le volume des dépenses, a-t-il souligné, « dépassait les 240,6 millions de dinars à la date du 31 mai 2008. La faiblesse de la trésorerie, estimée à moins de 150 millions de dinars du fait de la baisse des recettes, a fait que les dépenses ordonnancées par les gérants des différentes sociétés dépassent le montant de 240 millions de dinars. En ajoutant à cette somme les 51 millions de dinars des travailleurs, représentant la masse salariale, les paiements dépasseront les 291 millions de dinars, soit un déficit pour les besoins urgents de 41 millions de dinars ». Selon lui, les disponibilités bancaires, qui s'élèvent à 130,8 millions de dinars, représentent 10,2% des besoins de paiement.Ce qui implique nécessairement l'impossibilité d'honorer les créances des fournisseurs. Pour lui, la dette de Tonic vis-à-vis de la Badr a atteint 87,4 milliards de dinars, à laquelle il faut ajouter 11,16 milliards de dinars réclamés par les fournisseurs de Tonic. Il a relevé que les recettes versées à la banque ont connu une baisse considérable jusqu'à atteindre le seuil des 10% du montant prévu et fixé par la convention de financement ou plus exactement le moratoire d'une année, de janvier 2007 à février 2008. Depuis, seules les dépenses à caractère stratégique sont exécutées par la banque. Ainsi le constat établi par l'administrateur montre-t-il que Tonic est aujourd'hui dans une situation des plus critiques, du fait notamment de la faiblesse de sa trésorerie et de ses recettes par rapport aux besoins de financement de la matière première, pièces de rechange, énergie, salaires et charges sociales, du déséquilibre structurel de la situation financière dû au financement de l'investissement par des crédits à durée inadéquate, de la non-disponibilité d'un fonds de roulement évalué à plus de 2 milliards de dinars, du déséquilibre technologique (qui ne peut être rompu que par de nouveaux investissements nécessitant des financements à moyen et long termes), du très fort endettement et ses lourdes retombées (1 milliard de dinars par trimestre), de la faible production doublée d'un faible taux de rendement (5%) et surtout de la faiblesse du management sur le plan des ressources humaines et au plan organisationnel. « La société a besoin d'une mise en ordre urgente par un management de professionnels de l'industrie du papier. Dans le cas contraire, elle perdrait de sa valeur chaque mois qui passe tant sur le plan industriel que sur celui économico-financier. La société doit à la Badr plus de 80 milliards de dinars alors que son actif est estimé à moins 13 milliards de dinars et sa valeur liquidative à 31 milliards de dinars », a conclu l'administrateur, en espérant qu'avec les nouvelles mesures conservatoires prononcées par le doyen des juges, sa mission sera plus facile à mener, tout en indiquant que leur avenir reste cependant du ressort de la justice. Les associés de Tonic sont, depuis l'exécution de la mesure, inscrits aux abonnés absents. Ils refusent toute déclaration à la presse.


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