Algérie

Les experts affichent leur scepticisme



Les économistes au fait du commerce extérieur s'accordent à dire que pour une telle ambition, le chef de l'Etat a placé la barre très haut. Preuve en est que si l'on se réfère à une mesure similaire de baisse prise en 2019, le gouvernement n'a pu réduire les importations que de 4 milliards de dollars en un seul exercice (de 46,3 milliards de dollars en 2018 à près de 42 milliards de dollars en 2019). Ce montant économisé grâce à cette diminution des importations, représente essentiellement celui des biens d'équipements industriels. Un poste qui ne sera certainement pas ciblé de nouveau pour l'exercice actuel étant donné qu'il a été presque le seul à faire l'objet de baisse en 2019.En plus, l'Algérie aura besoin à coup sûr de cette catégorie de biens pour la relance de son économie une fois la conjoncture difficile causée par la pandémie du coronavirus dépassée. L'on s'interroge de ce fait sur les autres postes qui seront concernés par cette décision. L'exécutif va-t-il ainsi toucher les biens alimentaires dont les importations ont atteint 8 milliards de dollars en 2019, soit 19% de la structure globale des importations ' Ce groupe de produits ne peut être une cible pour le gouvernement surtout en cette période de pandémie qui a contraint les citoyens au confinement sanitaire. En tout cas, l'Algérie a importé plus de 2,7 milliards de dollars de blé et de maïs. Rien que pour ce dernier produit, la facture a dépassé les 900 millions de dollars, soit un volume de 4 millions de tonnes. "Ce qui est énorme pour un tel produit.
Cette céréale doit être par conséquent produite impérativement dans notre pays. La poudre de lait a été importée pour un montant de 1,250 milliard, le sucre roux destiné au raffinage (727 millions de dollars), les tourteaux pour le raffinage des huiles (600 millions de dollars) ?", affirme M. Ali Bey Nasri, consultant en commerce extérieur. C'est dire que la compression des importations ne portera sûrement pas sur ce poste. S'appliquera-t-elle à la rubrique énergie et lubrifiants, composée de l'essence, du kérosène, du bitume et autres huiles, dont la facture avoisine les 1,4 milliard de dollars ' Près de 1 milliard de dollars a été dépensé pour l'achat d''essence et de kérosène et 260 millions de dollars dans le bitume.
Une piste à ne pas écarter puisque le gouvernement s'est engagé d'ores et déjà pour ne plus importer de carburants dès 2019, compte tenu de l'apport de la raffinerie de Sidi Rzine (Alger), l'augmentation des capacités de celles existantes, ainsi que la contribution de l'usine d'Augusta en Italie qui ont permis à l'Algérie d'avoir des quantités importantes de produits pétroliers et de satisfaire le marché local. "Je pense que l'on peut intervenir sur ce poste et le réduire carrément à sa plus simple expression", souligne M. Nasri. Notre pays importe également pour 10 milliards de dollars de demi-produits soit 25% de l'ensemble des importations. Il s'agit des tubes, tuyaux, canalisations, de plastique, des produits sidérurgiques?
Analyse par entreprise importatrice
"L'économie étant actuellement en panne, il me semble qu'il serait possible de cibler ce poste afin de réduire les importations en reportant ces achats à une autre échéance plus propice", indique M. Nasri. Concernant les biens d'équipements industriels, un poste important, l'on a importé l'équivalent de 13 milliards de dollars représentant 31% de la totalité des importations. Avec la suppression des SKD et CKD de l'automobile, l'Algérie va économiser près de 2 milliards de dollars. A cela s'ajoutent les importations des biens de consommation non-alimentaires estimés à 6,5 milliards de dollars soit plus de 15% de toute la structure dont plus de 2 milliards de dollars de médicaments. Autrement dit, ce poste demeure intouchable. Par ailleurs, l'autre approche proposée par Ali Bey Nasri a trait à l'analyse des importations par entreprise importatrice.
L'on peut s'intéresser, explique-t-il, aux 100 premiers importateurs qui réalisent 70% des importations, composés principalement de grandes entreprises publiques. à celles-ci, l'on peut réduire le plan de charges des importations, dédié à des programmes d'investissements et leurs plans de développement suivant les priorités. C'est le cas par exemple, de Sonatrach qui, vu la baisse des prix du pétrole, gagnerait à ne pas lancer des projets d'investissements. En termes plus clairs, c'est de différer les achats pour des projets qui ne constituent pas une priorité ou une urgence pour le moment. Cet examen par entreprise donnera un meilleur éclairage aux décideurs sur les axes ou les filières sur lesquels on pourra intervenir, précise M. Nasri.


B. K.


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