Algérie

Les étudiants en aiguilleurs des marches du vendredi



Ils ne voudraient rater aucune occasion pour réaffirmer leur opposition au système et, du coup, apporter leur pierre à l'édifice de la révolution pacifique du peuple.La Journée nationale de l'étudiant, coïncidant avec le 19 mai, a été une aubaine pour des milliers d'étudiants qui ont battu le pavé, hier à Alger, sans attendre le mardi, leur journée habituelle de protestation. Affluant des cités universitaires des quatre coins de la capitale et même de Boumerdès, outre les résidents à Alger, les étudiants ont commencé à investir les rues vers 11h.
Leur marche devait s'ébranler, comme chaque mardi, depuis la Fac centrale, mais un imposant contingent de brigades antiémeutes était déjà sur place pour les en empêcher. Habitués aux manifestations pacifiques depuis le premier mardi d'après le 22 février, ils ne s'attendaient, certainement, pas à ce décor renvoyant l'image d'un pays sous "état d'urgence". Déployées en force, cette fois-ci, les brigades antiémeutes et leurs camions forment d'impressionnants cordons de sécurité quasiment à l'entrée des principaux axes de la capitale. Les escaliers de la Grande-Poste sont strictement interdits à la manifestation. Visiblement instruite, la police a tout prévu pour dissuader et empêcher la manifestation. Mais cela n'a pas entamé la détermination des étudiants. Pour contourner les dispositifs de sécurité renforcés, les étudiants ont dû redoubler d'efforts, d'imagination et surtout de détermination lors de leur deuxième action de ce mois de Ramadhan. Les itinéraires habituels étant quasiment bouclés, les étudiants ont improvisé, au départ, un tout nouvel itinéraire menant de la Grande-Poste au boulevard Abane-Ramdane, en longeant la rue Larbi-Ben M'hidi d'où commençait la grande marche qui allait défier, au passage, une série de cordons policiers. Ils sillonneront, par la suite, les longs boulevards Asselah-Hocine et Amirouche, avant de remonter vers la place Maurice-Audin et reconquérir, enfin, leur itinéraire habituel. Plusieurs passants se sont joints à cette action estudiantine, très animée et riche en slogans hostiles au pouvoir incarné par le chef d'état-major, Ahmed Gaïd Salah, et à l'encontre de l'ensemble de la bande qui gravite autour.
Brandissant, comme à l'accoutumée, de nombreuses banderoles aux messages éminemment politiques, les étudiants insisteront pour franchir, parfois au prix de bastonnades, plusieurs cordons de la police. La marche sera ainsi émaillée de plusieurs échauffourées entre les étudiants et les policiers. Néanmoins, et contrairement à vendredi passé, la police, faut-il le dire, n'a, à aucun moment, usé de gaz lacrymogènes. Il y a eu, en revanche, des bousculades, parfois violentes, chaque fois que les étudiants tentaient de franchir un cordon de police.
Ces derniers semblaient, néanmoins, faire plus dans la gestion de la foule que dans sa répression.
Les intentions du pouvoir, cela dit, sautent aux yeux depuis plusieurs jours déjà ; il mise sur les méthodes dissuasives pour mater le mouvement qu'il voudrait avoir à l'usure. Mais cette stratégie est loin de décourager les Algériens, et encore moins les étudiants, qui ne jurent que par le départ du système dans sa globalité.
Sans quoi, ils ne comptent pas renoncer au combat. Et ils disent clairement : "Ou c'est vous ou c'est nous", "l'Algérie est une République et non pas un Etat militaire", ou encore "Nous ne nous lasserons jamais de marcher tant que vous refusez de partir", ont, en effet, averti, une fois de plus, les étudiants, qui se donnent déjà rendez-vous pour demain, pour rééditer leur action pour le 13e mardi. Les étudiants jouent, depuis le début de la révolution pacifique, le rôle d'aiguilleurs des grandes manifestations nationales des vendredis.
Farid Abdeladim


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