Algérie

Les éternels sinistrés de Benchergui



Combien sont-ilsà Benchergui ? Bien plus de dix mille habitants estiment certains. Plus de dixmille entassés les uns sur les autres, vivant au quotidien la même déchéance,les mêmes déchirements. Benchergui, un vendredi matin, donne l'aspect d'unvaste enchevêtrement de constructions en dur et de gourbis. A l'entrée de ce«conglomérat» une flaque d'eau immense oblige les automobilistes à une prudenceextrême. En contrebas de toutes ces routes escarpées, éventrées, boueuses,impraticables, seuls des bus brinquebalants et les taxis clandestinss'aventurent dans ce véritable «no man's land».Pendant delongues semaines, les Chinois se sont escrimés à canaliser l'eau fangeuse de larivière qui traverse cette cité, sans doute dans le but de drainer, voiredétourner ces eaux. Ils n'y sont pas parvenus laissant derrière eux des busesénormes et une rivière au cours inchangé.Ici les orduresménagères ramassées à tempérament ceinturent toutes les habitations. Un seulremède à ce fléau, nous confient des riverains rencontrés sur place: lesentasser et les brûler.La fuméenauséabonde causée par cet écobuage d'un genre nouveau, les mouches, les chienserrants, les rats, les moustiques et même les serpents viennent pêle-mêleajouter une note funeste à ce décor cauchemardesque. Ici les dernièresopérations de recasement n'auront pas fait que des heureux. Les engins ont entreprisun travail de démolition bien plus important, semble-t-il que le nombre decitoyens qui auront eu la chance d'être recasés. Parmi le lot des «oubliés», unjeune manoeuvre, son épouse et leurs deux enfants de cinq et trois ans. Leurdemeure de fortune a été rasée mais la famille B. ne veut pas quitter leslieux. Samir, le père, a aligné sans les cimenter, brique et parpaing pour un«nouveau foyer». Une couverture sert de toit exposant la famille aux morsuresimplacables du soleil. Demain, l'hiver sera certainement le départ vers unnouveau calvaire. Et malgré tous les efforts de recasement consentis par lesautorités, rien n'y fait car l'exemple de la famille B. est légion à Bencherguique certains qualifient de plus gros bidonville d'Algérie. A vrai dire, ici les«transactions immobilières» se portent à merveille. On y pratique sans aucundocument officiel toutes sortes de tractations tant sur l'achat, la vente ou lalocation. Mais ces opérations ne profitent qu'à une infime minorité. Ceciexpliquant cela on peut y trouver de «somptueuses villas» de trois étagesavoisinant avec les masures qui foisonnent au même endroit. Nombreux sont leshabitants de Benchergui qui se disent satisfaits de leur sort, espérant malgrétout un geste des autorités qui promettent de nouvelles opérations derelogement. Le miracle, cela existe pensent de nombreux riverains, et ce n'estpas toujours la carte de l'ancienneté qui vous donnera la priorité dans leslistes du départ. Alors, tout le monde attend et scrute le ciel. En quête decette bonne étoile qui brillera peut-être un jour sur l'avenir très incertainde ces centaines, de ces milliers d'éternels sinistrés.


Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)