"Les Etats-Unis exercent des pressions sur l'Opep+'"

Dans cet entretien, Khaled Boukhelifa estime qu'il est évident, à moins d'un retournement brutal du marché à cause des imprévus pouvant survenir, que la tendance à l'amélioration des cours va se poursuivre.Liberté : L'Opep et ses alliés parmi les producteurs qui n'en sont pas membres ont convenu, samedi, au terme d'une réunion en visioconférence, de prolonger jusqu'à la fin juillet la réduction de production à laquelle ils s'astreignaient depuis le 1er mai. Vous attendiez-vous à cette décision '
Khaled Boukhelifa : Oui, je m'y attendais, et les raisons justifiant cette décision sont multiples. Quelques jours avant la réunion de samedi, Russes et Saoudiens se sont en fait entendus sur une reconduction de l'accord en question pour un mois. Mais l'Irak et le Nigeria, n'ayant pas respecté les quotas de production qui leur ont été attribués, dans le cadre de l'accord signé le 12 avril dernier, ont quelque peu retardé la prise de décision.
L'accord conclu samedi stipule que les pays n'ayant pas respecté leurs engagements en mai et juin, dont l'Irak et le Nigeria, souvent pointés du doigt, devront non seulement s'y conformer mais limiter d'autant leur production entre juillet et septembre. Ces deux pays se sont engagés à rattraper leur retard en réduisant davantage leur production.
Quels sont les facteurs ayant le plus pesé dans cette décision '
Les Etats-Unis exercent des pressions sur l'Opep+ pour sauver leur industrie de schiste. Le président américain Donald Trump a d'ailleurs félicité le président russe et le prince héritier saoudien pour les efforts consentis et qui ont évité le chaos à l'industrie pétrolière américaine. Les Américains font pression sur l'Arabie saoudite pour qu'elle fasse augmenter les cours de l'or noir. Et ils ne se le cachent pas.
Le royaume, étant en difficulté actuellement, avec des revenus en baisse et un titre de l'Aramco qui ne cesse de se dévaloriser, a grand intérêt aussi à ce que les prix remontent. Donald Trump a également félicité le président mexicain, sachant que le Mexique a participé à la réunion de samedi, mais qu'il ne s'est pas engagé à contribuer à un nouvel effort de réduction de la production.
Par ailleurs, l'effondrement des recettes pétrolières a fragilisés, dans un premier temps, les économies des pays les plus vulnérables comme le Venezuela, le Nigeria, l'Iran, l'Algérie. Il a affecté par la suite deux grands producteurs à savoir la Russie et l'Arabie saoudite, deux mastodontes de l'industrie pétrolière qui se croyaient à l'abri, car disposant de réserves financières importantes. Tous ces facteurs ont rendu nécessaire la prolongation de l'accord.
Comment voyez-vous l'évolution des cours dans les tout prochains mois '
Cet accord, les membres de l'Opec+ ont convenu d'en discuter à la fin de chaque mois. Il pourrait même être reconduit au-delà de juillet prochain. Si l'alliance le prolonge encore une fois, ce sera un bon signal au marché. En outre, le déconfiniment en cours dans tous les pays ainsi que la pression américaine qui s'exerce sur les producteurs afin de maintenir l'industrie du schiste devraient conduire à une amélioration des cours du pétrole. Je le pense.
La pandémie de coronavirus a détruit beaucoup d'emplois dans cette industrie. Et cela n'est pas bon à l'approche de l'élection présidentielle dans ce pays. Aussi, l'administration du président Trump ferait en sorte que l'activité reprenne et que soient récupérés les emplois perdus. Avec un baril à 45 dollars, une bonne partie des gisements du schiste à l'arrêt pourraient reprendre. J'estime par ailleurs que le prix du brent autour de 40 dollars le baril, initialement prévu par les bureaux spécialisés, pour la fin de l'année, sera probablement supérieur à ce niveau.

Propos recueillis par : Youcef SALAMI