Algérie

Les établissements censés sûrs en sont touchés



Des produits contrefaits vendus en pharmacie Des pharmacies offrent à leurs clients le choix entre un produit authentique fabriqué dans un vrai laboratoire pharmaceutique et un autre conditionné dans un emballage semblable, portant le même nom et la même référence pharmacologique, mais… contrefait, autrement dit «faux». Cette pratique scandaleuse a été constatée dans bon nombre de pharmacies dans la zone Oran-Est, plus précisément à l’USTO. Des officines n’hésitent pas à proposer des produits pharmaceutiques contrefaits. Et pour les clients non avertis, le produit passe pour quelconque, comme tous les autres, avec en prime un prix abordable. Pour d’autres, les prix trop bas deviennent un indice renseignant sur le caractère louche du produit proposé, sur sa provenance, et flairent ainsi l’arnaque. Mais il est vrai que la contrefaçon touche ici, essentiellement, les produits cosmétiques. C’est ce qui se passe dans cette officine qui expose dans ses étals un écran total portant la marque d’un grand laboratoire pharmaceutique, spécialisé dans les traitements dermatologiques et les produits à base d’eau thermale, Laroche Posay en l’occurrence, à 450 dinars… Dans le même établissement est vendu le même produit, le vrai celui-là, à 1.200 dinars. Et chacun peut imaginer les conséquences qu’une utilisation de ce produit peut avoir. Non loin de cet établissement, un autre propose deux produits nettoyants du visage, portant la même marque et la même référence pharmaceutique, Neutrogena, cependant l’un est taxé à 200 DA et l’autre à 890 DA. La différence saute aux yeux de prime abord et trahit, là aussi, une affaire louche. Et pareil pour la gamme Avène où l’on a à choisir dans une palette de prix très large, aux antipodes les uns des autres. Cette situation appelle à un bouquet d’interrogations sur le rôle du conseil de déontologie des pharmaciens ainsi que sur la mission des distributeurs agréés de ces laboratoires installés dans notre pays. Comment est-il possible de rencontrer de telles pratiques dans une pharmacie censée être l’endroit le plus sûr pour un client muni d’une ordonnance médicale? H. Samia, enseignante, qui nous a signalé le fait, trouve que cela est «complètement indigne de la profession». Devant de telles dérives, d’aucuns doivent s’interroger sur les mesures envisagées par le Conseil de déontologie des pharmaciens. L’on se demandera également si les agents distributeurs des produits fabriqués par ces laboratoires effectuent réellement des contrôles dans ces officines commercialisant leurs produits. Quant à la partie utilisatrice de ces produits contrefaits, qui doit-elle incriminer et poursuivre en justice en cas de conséquences dangereuses? «A mes yeux, dira Ch. Houaria, secrétaire de direction dans une administration, même l’Etat a une part de responsabilité dans ces frasques. N’est-ce pas que la santé publique lui incombe en premier lieu?» Il est vrai, l’Algérie, qui s’apprête à adhérer à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), est à redoubler d’effort dans la lutte contre toutes les formes que revêt le phénomène de la contrefaçon, mais cela s’avère insuffisant. Maintenant que les pharmacies soient, elles aussi, envahies pas le faux, il y a lieu de craindre le pire !   «La question laissée à l’éthique et la morale du pharmacien» Interrogé à propos du phénomène de la contrefaçon dans les officines, un ancien pharmacien qui a préféré garder l’anonymat, confirmera le fait mais tiendra à préciser que les produits contrefaits vendus dans certains établissements pharmaceutiques sont en fait des «produits dits parapharmaceutiques», en signalant que «l’Algérie ne dispose malheureusement d’aucune réglementation régissant la fabrication et la commercialisation de ce genre de produits». Autrement dit, il y a vide juridique dans ce domaine et «la question est, pour le moment, laissée à l’éthique, la morale et le degré de conscience des pharmaciens». A la question de savoir quelles sanctions encourent les pharmaciens qui, sachant le danger qu’une utilisation de produits contrefaits présente, les commercialise quand même et quels sont les canaux juridiques permettant à un client victime de l’utilisation d’un produit contrefait à suivre, le pharmacien explique que «dans la mesure où il n’existe encore pas de textes régissant le parapharmaceutique, le client n’a aucun moyen juridique de faire valoir ses droits, d’autant plus qu’il le client ne peut même pas prouver avoir acheté le produit dans telle officine, ces produits ne portant pas de vignette et étant vendus sans ordonnance». Mais existe-t-il en Algérie une instance de contrôle de produits parapharmaceutiques? «Niet!» c’est la réponse catégorique du pharmacien. «La sonnette d’alarme doit être tirée !» Pour le Docteur B. Noureddine, médecin spécialiste et membre du Conseil de l’ordre des médecins, «cette situation dénote d’un dysfonctionnement sérieusement critique dans la gestion du domaine de commercialisation des produits parapharmaceutiques dans notre pays». Il explique que «la commercialisation des produits contrefaits dans certaines pharmacies vient s’ajouter à celui du remplacement du médicament mère par le générique auquel nous faisons face depuis quelques années». C’est, à ses yeux, une problématique capitale qui nécessite l’intérêt de l’ensemble des instances intervenant dans cette question. «Déjà, pour le générique, nous n’avons aucune information ni de données officielles sur sa provenance. Nous ne savons pas d’où il est ramené, d’autant plus que ces médicaments ne sont soumis ni au contrôle de biodisponibilité, ni à celui d’équivalence et d’équivalence thérapeutique. Ainsi donc, nous n’avons aucune visibilité sur ses degré et effet thérapeutiques», ajoute notre interlocuteur pour qui, faut-il le souligner, «ce problème s’est propagé depuis qu’on a voté un texte de loi permettant aux pharmaciens de substituer un médicament à un autre». Et souvent, les pharmaciens eux-mêmes proposent aux malades le remplacement du médicament mère par un autre générique, dit-on. Mais là encore le pharmacien est au bout de la chaîne: le plus souvent, ce sont les médicaments génériques qui figurent sur la nomenclature des médicaments remboursées par la sécurité sociale. Amel S.


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