A ccusées régulièrement de manquer de transparence, de visions, d'ambitions, voire même de professionnalisme, les entreprises nationales, du moins certaines d'entre elles, entreprennent de redorer leur blason et de chasser cette image peu avantageuse dont les accusent les pouvoirs publics. Pour se faire, adhérer aux principes de bonne gouvernance, les faire ancrer dans la pratique quotidienne de leur activité constitue pour ces entreprises le chemin le plus court pour y arriver.
C'est pour cela qu'elles sont plus de 200 (portées par leurs organisations patronales) à avoir adhéré au code de bonne gouvernance lancé il y a quelques mois. Il est vrai que comparé à une population de PME qui en compte plus de 300 000, le chiffre paraît dérisoire, mais l'effort est suffisamment considérable pour àªtre souligner. Car comme le soulèvent certains chefs d'entreprise, il n'est pas évident d'appliquer les pratiques de bonne gouvernance dans un environnement socio-économique ou ces dernières sont loin d'être respectées par les institutions publiques qui constituent le vis-à-vis direct de ces entreprises.
Seulement, il ne s'agit pas de se jeter la pierre, mais pour les entreprises qui ont entrepris cette démarche volontariste, à l'initiative du club CARE (Club d'action et de réflexion autour de l'entreprise), il est plus question de «commencer à balayer devant sa porte». Le PDG de NCA (Nouvelles conserverie d'Algérie), Slim Othmani, l'a bien dit lors d'une rencontre consacrée la semaine dernière au lancement de l'Institut Algérien de Gouvernance d'Entreprise (HawAWKAMA), «c'est une façon de tendre la main au gouvernement, de lui montrer qu'on est digne de confiance, bien que nous sachions déjà que nous le sommes».
C'est aussi une manière de mettre la balle dans le camp des pouvoirs publics afin de les inciter à corriger les carences qui sont de leur responsabilité. M. Othmani a cité notamment le code du travail actuel, en affirmant qu'il «ne permet pas à l'entreprise de développer les pratiques de bonnes gouvernance dans la mesure où il est déséquilibré et 100% en faveur du travailleur. La pratique de la bonne gouvernance léserait les travailleurs aux termes de ce code».
Vis-à-vis de l'étranger, l'Etat algérien a bien démontré sa volonté de s'inscrire dans la bonne gouvernance en adhérant notamment au MAEP (mécanisme africain d'évaluation par les pairs qui vise à promouvoir les normes et pratiques allant dans le sens du développement de la gouvernance). Mais sur le plan interne, sa démarche en la matière reste, selon les chefs d'entreprise et autres observateurs, insuffisante. On reproche notamment aux gouvernements qui se sont succédé d'avoir peu investi pour le développement de la bonne gouvernance comparé à ce qui a été investi dans les infrastructures par exemple quand les ressources financières étaient disponibles. Â
D'autres priorités que la bonne gouvernance
Cependant, si les institutions de l'Etat peuvent parfois ne pas donner le bon exemple, il reste que la question de la bonne gouvernance pour les entreprises doit d'abord àªtre réglée à leur niveau. Car, semble-t-il, pour la plupart d'entre elles, cette question est loin de constituer une priorité. Une enquête réalisée l'été dernier auprès d'un échantillon de 200 entreprises privées l'a bien démontré. Sabrina Bouhraoua, consultante et auteur de cette enquête est arrivée à la conclusion qu' «enclins à une gestion quotidienne, il ne reste que peu de temps aux dirigeants d'entreprise pour se préoccuper de la bonne gouvernance». Comme preuve, elle cite notamment le fait que la diffusion de l'information n'est que «faiblement maîtrisée» dans ces entreprises alors que c'est «une composante majeure de la bonne gouvernance».
L'autre donnée importante est que près de la moitié des entreprises ne se font pas auditer alors qu'ils sont 47 % seulement de chefs d'entreprises à souhaiter àªtre formés à la gouvernance.Selon certains économistes, la gouvernance de l'entreprise pose les questions «des systèmes de contrôle interne, de contrôle externe, de la rémunération, des dirigeants, des rôles du conseil d'administration, de sa composition la plus pertinente, etc». Toutefois, pour les entreprises algériennes, la préoccupation première demeure celle du financement. Ils étaient en effet 35% des chefs d'entreprise interrogés à dire s'attendre à un meilleur accès au crédit du fait de l'application de la bonne gouvernance. Ils étaient en revanche à peine 17% à se soucier de soigner l'image de leur entreprise.
Pourtant comme il a été souligné par les auteurs de l'enquête, la pratique de la bonne gouvernance n'ouvre pas droit automatiquement à un meilleur accès au crédit bancaire.Néanmoins, la démarche a le mérite de ne pas laisser indifférents les institutions financières. Le délégué général des banques et des établissements financiers (ABEF) a ainsi déclaré que «le secteur bancaire n'est pas insensible» à la démarche. De là à dire que les entreprises qui ont adhéré au code de bonne gouvernance accéderont plus facilement aux financements bancaires, il y a un pas qui n'a pas été franchi par Abderrahmane Benkhalfa.
On serait toutefois tenté de croire que les entreprises qui peuvent justifier d'une bonne gouvernance auront théoriquement plus de chance de convaincre les banques que celles qui seront restées sur la touche. Et de toute manière, ont-elles vraiment le choix' Certains experts pensent que non, tant les bienfaits de la bonne gouvernance sont incalculables. Lies Kerrar a, à ce propos, expliqué le lien direct entre la bonne gouvernance d'entreprise et le financement, en disant que «le système économique a des liquidités financières qui ne sont pas mises en adéquation avec les besoins en financement.
Or, la communauté bancaire a des attentes vis-à-vis de la bonne gouvernance dans le mesure où elle ne prête qu'aux entreprises qui ont une visibilité et peuvent fournir une information financière claire et fiable». Par ailleurs, a-t-il ajouté, le changement de la législation a donné l'avantage aux entreprises nationales pour àªtre majoritaires dans les projets avec les entreprises étrangères et ces dernières auront «besoin de s'associer à des partenaires locaux qui sauront s'organiser».
Loin des avantages et des implications, l'adhésion à la bonne gouvernance doit d'abord àªtre ancrée dans la culture même de l'entreprise puisqu'elle devra l'adopter tout en sachant qu'elle «ne donne pas lieu automatiquement à une augmentation du chiffre d'affaires», comme l'a souligné Melle Bouhraoua.                                Â
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Posté Le : 25/10/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : Safia Berkouk
Source : www.elwatan.com