Algérie

Les entreprises algériennes : problématique centrale de la croissance


Il est clairement établi à présent, et admis par tous, qu'une croissance robuste et diversifiée ne peut être portée durablement que par l'existence d'entreprises algériennes efficaces et nombreuses. Ce qui est loin d'être le cas aujourd'hui. On peut citer pêle-mêle, l'absence d'un tissus de sous traitance industrielle, les retards pris dans la réalisation des programmes d'investissements territoriaux et nationaux,le recours excessif aux moyens de réalisations extérieurs ,l'importations de biens susceptibles d'être fabriqués localement et enfin la quasi inexistence d'exportations hors hydrocarbures. Cela même si l'ONS nous apprend qu'au dernier trimestre 2011, deux tiers des entreprises publiques et 57% des entreprises privées ont utilisé leurs capacités de production à 75%. Ce frémissement dans le secteur réel est sans rapport avec les besoins et le potentiel du pays En résumé, en l'absence d'un tissu algérien dense et diversifié d'entreprises concurrentielles portées par le marché, nous ne faisons qu'une croissance molle dont ne profite que le reste du monde. C'est ce qui rend, en ces temps incertains en matière de prix du pétrole (chute de 30 dollars en trois mois), le traitement de la problématique des entreprises à la fois urgent et stratégique. Cette problématique récurrente des entreprises algériennes, est identifiable, me semble-t-il, sous trois aspects essentiels : une typologie inadaptée à transformer, une gouvernance obsolète à moderniser et un environnement des affaires médiocre à améliorer. Ce triple traitement de cette question devra être conduit à la fois par les représentations des entrepreneurs et les pouvoirs publics dans une concertation permanente et selon des mécanismes appropriés. D'abord une typologie inadaptée. L'enquête sur les entreprises réalisée par l'ONS en avril 2012 et les dernières publications du Centre national du registre du commerce (CNRC) le montrent bien. Ainsi le recensement de l'ONS de décembre 2011 portant sur 1 020 058 entreprises réparties sur le territoire donne une typologie inadaptée et arriérée. Seule 9,5% d'entre elles sont dans le secteur industriel. Le reste c'est-à-dire 91,5% sont des entreprises commerciales et de services individuelles ou de faible taille. Cela sans tenir compte des activités informelles qui par définition ne sont pas mesurables et ont un effet désastreux sur la concurrence et la transparence des marchés. Les groupes industriels et de construction locaux en mesure d'accéder avec succès aux marchés extérieurs peuvent se compter sur les doigts d'une seule main. Ensuite une gouvernance obsolète. Toujours sur ces 1 020 058 entreprises recensées par l'ONS 90,4% sont des personnes physiques et seulement 9,4% sont des personnes morales dont le tiers est implanté dans la capitale. Parmi ces dernières il n'y a qu'un faible nombre de sociétés par actions (Spa). Une seule parmi ces dernières a eu recours en 2011 à l'emprunt obligataire boursier pour augmenter son capital. Le management familial autocratique a fait son temps ; il faut passer à un management professionnel appuyé sur la motivation de ressources humaines qualifiées y compris pour les PME.
Cela est de la responsabilité des entrepreneurs eux-mêmes. Le code de gouvernance produit à l'initiative de l'association des jeunes entrepreneurs CARE est un bon outil pour opérer cette transformation moderne et progressive de la gouvernance des entreprises privées.
Enfin un environnement des affaires médiocre. La debureaucratisation tant promise reste insuffisante si l'on en juge le temps mis à créer une entreprise. La fonction logistique, notamment portuaire, est toujours médiocre et le système bancaire peu performant en dépit de ses excédents. C'est tout cela qui explique le recul de 30% dans la création d'entreprises immatriculées auprès de l'ONS durant le premier semestre de 2009 en comparaison à celui de 2008. Tout retard supplémentaire dans la mise en place d'un environnement des affaires flexible et dans la promotion d'une stratégie de soutien aux champions et aux PME insérés internationalement pénalisera en définitive les performances de l'économie algérienne. De même que la persistance de rentes et de quasi-rentes, source de rigidités et de gaspillages de ressources rares, a un effet d'éviction sur le développement de l'entreprenariat alors qu'existent le principe constitutionnel de l'égalité devant la loi et les règles admises du libre jeu de la concurrence (accès au foncier, marchés informels, crédits bancaires). Il faudra faire beaucoup plus et beaucoup plus vite dans ce chantier de la réhabilitation de l'offre algérienne de biens et de services. Le mécanisme tripartite de concertation entre les partenaires sociaux et les pouvoirs publics est insuffisant même s'il a permis le rééchelonnement d'une dette fiscale de 10 000 entreprises pour un montant de 75 milliards DA. Ce n'est pas rien mais d'autres avancées plus décisives sont attendues dans d'autres registres de la vie des entreprises.
Un problème bien posé et à demi résolu dit-on. Pourtant cela fait longtemps que la question des entreprises algériennes est bien posée. Mais il convient d'en faire une priorité réelle et un projet partagé entre les pouvoirs publics et les partenaires sociaux. Le pays obtiendrait alors un retour sur investissement hors hydrocarbures durable, en consolidant les bases d'une nouvelle économie plus performante. Cela plus vite qu'on ne le pense.
M. M.


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