Algérie

Les enseignements du dernier message de Hocine Ait Ahmed (23 mai 2013).



Les enseignements du dernier message de Hocine Ait Ahmed (23 mai 2013).
Le cinquième congrès du FFS a revêtu, quoi que les mauvaises langues puissent épiloguer, un cachet particulier. En effet, au-delà des décisions qui ont été prises, notamment la création d’une direction collégiale, force est d’admettre que le retrait de Hocine Ait Ahmed de la présidence du parti constitue une charge émotionnelle très forte. Cela dit, est-ce que l’on peut demander davantage de sacrifice à un homme qui a consacré 70 ans de sa vie à la cause algérienne ? La réponse est bien évidemment non. Ce que l’on peut dire en revanche, c’est qu’au moment où le pays a besoin de concrétiser sur le terrain l’idée du changement, l’Algérie en général et le FFS en particulier doivent se passer de l’action de l’un des plus probes hommes politiques algériens, Hocine Ait Ahmed.
Cependant, sur le plan partisan, depuis la sortie du FFS de la clandestinité, c’est la première fois que le fondateur du FFS et figure de proue du mouvement national n’assiste pas au congrès. Et pour cause ! Après un voyage éprouvant au Maroc, où il a assisté à l’enterrement de sa sœur, son médecin lui déconseille tout bonnement de participer aux travaux du Vème congrès. Cela dit, d’après les congressistes, cette absence n’est que physique. Dans les faits, son parcours et son combat sont souvent évoqués tout au long des travaux du congrès. De toute évidence, bien qu’il n’intervienne pas directement, sa contribution éclaire les militants sur les enjeux du moment. Elle est aussi un rappel des principes qui ont présidé à la création du FFS. Étant donné que chaque parcours militant a une fin, Hocine Ait Ahmed, avec la lucidité que le caractérise, rappelle que ces moments, bien que le militant ne le fasse pas avec la gaieté du cœur, sont inéluctables. « Mais pour tous, il y a un avant, un pendant et un après », énonce-t-il d’emblée.
Cependant, en toute modestie, le chef charismatique du FFS associe à son combat d’autres militants valeureux. Au début, leur combat consistait à juguler la domination coloniale. Dans cette confrontation, plusieurs militants y ont laissé leur vie. Malheureusement, malgré le lourd tribut payé par le peuple algérien, le sort de l’Algérie, après l’indépendance, ne s’améliore guère. En effet, bien que les sacrifices soient couronnés de succès, les assoiffés de pouvoir replongent le pays dans une autre phase de déni. D’ailleurs, pour ceux qui ne connaissent pas la genèse du FFS, c’est là que la création du FFS prend amplement son sens. Naturellement, ces militants vont essayer, autant que faire se peut, d’empêcher l’instauration de la dictature en Algérie. Hélas encore une fois, la force de feu de l’armée des frontières, commandée par Houari Boumediene, va brider la société entièrement.
Quel bilan peut-on tirer de cette usurpation du pouvoir ? « Je n’imaginais pas que cinquante ans plus tard nous en serions encore à nous battre pour défendre notre simple droit à exister », résume Hocine Ait Ahmed en une phrase la conséquence de l’accaparement du pouvoir depuis 1962. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que cette domination est d’autant plus inique dans la mesure où elle émane des compatriotes. En fait, la France coloniale n’en avait cure de la souffrance du peuple algérien. Bien que la colonisation soit maquillée par le concept de civilisation, les colons, sur place, n’avaient aucune pitié. Mais là où le bât blesse, c’est que des concitoyens reproduisent le même modèle.
D’une façon générale, pour comprendre le combat du FFS en général et de son fondateur en particulier, il faudrait le situer dans ce contexte historique. « Le FFS est né dans le giron du mouvement de libération nationale, ses racines politiques et éthiques plongent dans un anticolonialisme de conviction [et surtout pas dans une logique de vouloir imposer une autre forme de domination au peuple algérien] et non de circonstance », définit-il l’essence du FFS. Partant, tout au long de son parcours, le FFS est resté attaché à ces valeurs. En dépit des vicissitudes de la vie, aucune contrainte ne dévie le combat de Hocine Ait Ahmed de sa trajectoirte. Pour lui, la libération du pays doit permettre aux Algériens d’exercer leurs droits pleinement. Contrairement à ceux qui jouent sur tous les tableaux, les principes du FFS sont préalablement définis. « Pour le FFS, patriotisme et démocratie sont inséparables », souligne le plus illustre des chefs historiques. Doté de cette conviction immuable, le FFS s’oppose naturellement à toute sorte de dérives. Dans les années 1990, son slogan phare n’est-il pas « non à l’État policier, non à l’État intégriste ».
Dans ce cas, le régime illégitime, qui excelle dans la destruction de l’opposition que dans la construction du pays, a toujours ciblé et cible encore le FFS. En fait, dans un pays où l’on foule les droits les plus élémentaires des citoyens au sol, un parti comme le FFS laisse des plumes à chaque bataille. « À cause de tout cela, nous avons été terriblement amoindris par rapport à nos potentialités nationales », argue-t-il. Néanmoins, malgré le verrouillage hermétique du champ politique, le militant ne doit pas se résigner. Ceci étant dit, il ne doit pas non plan sauter les mains et les pieds liés. Chaque pays, comme l’ont prouvé les révolutions nord-africaines, a ses spécificités.
Dans un passé pas si lointain, le peuple algérien a su se libérer des fourches caudines du système colonial. Nos voisins, faut-il le rappeler, ont choisi une autre voie. En outre, malgré le gâchis des trente ans de règne du parti unique, l’Algérie aurait pu entrer de plain-pied dans le cercle des pays démocratiques. En 1992, bien que le parti vainqueur n’ait pas été porteur d’un projet démocratique, sa gestion catastrophique aurait permis aux Algériens de choisir une autre alternative en 1997 si on l’avait laissé gouverner. Pour Hocine Ait Ahmed, « nous devons être unis sur cela [les institutions légitimes, État de droit, le bon fonctionnement et la pérennité de l’État] pour pouvoir diverger démocratiquement sur le reste. » Malheureusement, au nom des intérêts personnels, les détenteurs du pouvoir réel en Algérie préfèrent sacrifier l’Algérie. Résultat des courses : le pays est mis à genoux. Depuis vingt ans, l’Algérie ne profite qu’à un cercle restreint.
Au jour d’aujourd’hui, l’Algérie a besoin d’un changement profond. Le système, qui a échoué sur toute la ligne, ne peut plus présenter un recours plausible. Grâce à l’action politique des authentiques démocrates, tôt ou tard, ce changement surviendra. Et ce moment arrivera plus vite si chaque Algérien consent à faire des efforts. Pour cela, il faudrait que chacun se remette un instant en question. Les éradicateurs ne sont pas plus patriotes que les autres Algériens et les fanatiques autonomistes ne sont pas attachés à la Kabylie plus que le sont les autres natifs de la région. Pour parvenir à ce changement, il faudra s’inspirer du combat libérateur. En plus, l’ancienne génération, dont fait partie Ait Ahmed, Abane, Ben Mhidi, n’a-t-elle pas légué un capital incommensurable d’expérience. Pour y arriver, il faudrait juste arrêter de se regarder le nombril.
Par Ait Benali Boubekeur

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