Algérie

Les enregistrements qui accablent Saïd Bouteflika



Saïd Bouteflika a créé la surprise durant cette première journée de procès en appel des détenus du Tribunal militaire de Blida. Resté silencieux depuis son arrestation, il a décidé de s'exprimer. L'ancien conseiller du Président Bouteflika a été confronté à des transcriptions d'enregistrements nettement en sa défaveur.Abla Chérif - Alger (Le Soir) - Le procès s'ouvre en milieu de matinée dans une ambiance beaucoup plus détendue que celle qui avait prévalu en septembre dernier. Des proches des détenus sont arrivés très tôt à Blida assister au procès. Dans la salle se trouvent le fils du général Médiène, Nacer Bouteflika, ainsi que d'autres membres de familles des autres prévenus. Ils font face au général Toufik, Saïd Bouteflika et Louisa Hanoune, décrite comme étant terriblement amaigrie. Comme la première fois, le général Tartag, ancien coordinateur des services de sécurité au niveau de la présidence (sous Bouteflika), a refusé de quitter sa cellule et de comparaître devant le tribunal qui a, à nouveau, fait savoir que son attitude n'influerait pas sur le déroulement du procès.
L'audience s'ouvre aux alentours de dix heures du matin. Le général Toufik est le premier à être interrogé. Selon ses avocats, l'ancien patron du DRS apparaît dans un état de santé plus correct qu'en septembre dernier. Il est moins souffrant, nous dit-on, soulagé après la seconde opération chirurgicale subie au niveau de son épaule affectée après une chute subie à l'intérieur de sa cellule les premiers jours de sa détention. Il répond aux questions du juge en reprenant l'argumentaire qu'il avait déjà utilisé durant son premier jugement. Ses propos rapportés par ses avocats sont les suivants : «J'ai été sollicité pour donner mon opinion, convié à une rencontre à laquelle j'ai accepté de répondre et de donner mon avis par souci de préserver l'intérêt de mon pays. L'échange a porté sur la crise que traversait l'Algérie à ce moment et la manière de trouver une solution. Des noms de personnalités présidentiables ont été passés en revue, parmi eux Liamine Zeroual, qui a refusé l'offre et les choses en sont restées là. Il n'y avait aucune intention de destitution ni de complot. Cette rencontre ne s'est pas tenue dans un lieu secret ni interdit.»
L'audition du général Toufik prend fin aux alentours de 13 h. Le tribunal décide de lever la séance durant une heure. Deux prévenus sont programmés pour l'après-midi : Saïd Bouteflika, frère et conseiller de l'ancien chef d'Etat, et Louisa Hanoune, secrétaire générale du Parti des travailleurs (PT). Contre toute attente, le premier a décidé cette fois de répondre aux questions que doit lui soumettre le juge. Ses propos sont très attendus. En septembre dernier, lors de son premier procès, il avait refusé de s'exprimer devant le tribunal militaire et demandé l'autorisation de quitter la salle, ce que lui avait accordé le juge. Depuis son arrestation, le 4 mai dernier, pour complot contre la hiérarchie militaire, Saïd Bouteflika a gardé le silence face aux différentes juridictions auxquelles il a été présenté.
Lors du procès de l'automobile, où comparaissaient Ouyahia, Sellal et deux autres anciens ministres de l'Industrie, il a été convoqué par le juge après que son nom eut été cité par Ali Haddad, ancien patron de l'ERTHB. L'homme d'affaires l'avait présenté comme étant l'initiateur d'une collecte de fonds destinée à un financement occulte de la campagne électorale pour le cinquième mandat.
Saïd Bouteflika avait, alors, une nouvelle fois, refusé de répondre aux questions du tribunal. Il est un peu plus de 14 heures lorsque les audiences reprennent. Saïd Bouteflika et Louisa Hanoune sont entendus durant tout l'après-midi.
Le témoignage de Saïd Bouteflika
Le frère de l'ancien président de la République accepte donc de répondre aux questions du juge qui l'interroge sur la base d'éléments concrets. Selon les informations obtenues auprès d'avocats, il s'agit de retranscriptions d'enregistrements audio mettant en cause le prévenu. L'une d'entre elles, nous dit-on, porte sur une conversation téléphonique qui s'est déroulée entre le mis en cause et l'ancien président du Conseil constitutionnel et durant laquelle Saïd Bouteflika a demandé à Tayeb Bélaïz de retarder la mise en application de l'article 102.
Les mêmes sources indiquent que plusieurs autres transcriptions de conversations téléphoniques ont été lues. Parmi ces dernières, figurent des appels privés. Le tribunal a également procédé à la lecture du témoignage fait par Khaled Nezzar. Quelques jours avant l'arrestation des généraux Toufik, Tartag et de Saïd Bouteflika, l'ancien ministre de la Défense avait publié une lettre dans laquelle il rapportait les propos de l'ancien conseiller du Président en faveur de l'instauration de l'état d'urgence pour mettre fin aux manifestations en cours dans le pays.
Le prévenu a refusé de répondre sur tous les aspects se basant sur les conversations téléphoniques, considérant que ces méthodes d'écoute violaient la Constitution. Face au juge, il tient les propos suivants : «Je ne parlerai de ce sujet que lorsque ces documents seront divulgués et publiés.» Saïd Bouteflika, apprend-on encore, s'est défendu de toute tentative de complot.
Un rassemblement pour la libération de Louisa Hanoune aux abords du tribunal
La secrétaire générale du PT a donc été, elle aussi, auditionnée hier après-midi. Tous les avocats contactés l'ont décrite comme étant très amaigrie et affaiblie. Louisa Hanoune a tenu des propos similaires à ceux qui avaient été entendus lors du premier procès. Sa présence à la fameuse réunion fait partie de prérogatives politiques attribuées aux hommes et femmes politiques, a rappelé cette dernière. Au moment où elle comparaissait, de nombreuses personnes se trouvaient rassemblées aux abords du tribunal pour exiger la libération d'une détenue d'opinion. Depuis quelques semaines, la campagne en faveur de son élargissement s'est accentuée. Récemment, un communiqué de son parti a alerté l'opinion sur la dégradation de son état de santé.
Ce qu'il faut, d'autre part, savoir est que cette première journée en appel a vu défiler tous les témoins qui avaient été convoqués lors du premier jugement. Tayeb Bélaïz, ancien président du Conseil constitutionnel, Ali Boughazi, ex-conseiller du Président et Habba Okba sont les anciennes personnalités les plus connues dans la liste des témoins écoutés.
Ali Boughazi a, une nouvelle fois, nié toute implication dans la publication du fameux faux communiqué annonçant la destitution du défunt chef d'état-major, Gaïd Salah. Ce document avait circulé sur les réseaux sociaux dans la nuit allant du 1er au 2 avril dernier avant d'être démenti, dans le même espace sur la page Facebook du MDN. Jusqu'à l'heure, affirment les avocats, il n'a été trouvé aucune trace des responsables de ce texte. L'audience prend fin sur ces témoignages. Il est 18h lorsque le juge décide de lever la séance. Les auditions des prévenus ont pris fin.
La seconde journée sera consacrée aux plaidoiries des avocats. Le verdict sera rendu ce lundi.
A. C.


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