Le pétrole est-il un enjeu dans la partie
guerrière engagée en Libye ? Oui, répond le colonel Mouammar Kadhafi en annonçant
qu'il ne laissera pas la France et la Grande-Bretagne s'emparer du pétrole
libyen.
La Ligue arabe vient de découvrir, après
une journée de guerre, que les Occidentaux outrepassent le mandat onusien.
L'Italie aussi. Certains responsables italiens accusent ouvertement Paris de
chercher à prendre leur place dans le secteur pétrolier libyen. Décryptage.
« Nous ne laisserons pas la France, la
Grande-Bretagne s'emparer de notre pétrole». Le colonel Mouammar Kadhafi a,
immédiatement après les attaques des forces occidentales, mis en avant les
appétits pétroliers dans la crise actuelle. Dans un pays qui ne vit que de sa
rente fossile, l'enjeu est évident. Le malaise italien à l'égard de
l'intervention occidentale en Libye et de sa portée est totalement marqué par
l'appréhension des acteurs politiques et économiques sur le risque d'une perte
des juteuses positions acquises dans ce pays. Lundi, empruntant la même marche
à reculons d'Amr Moussa, secrétaire général de la Ligue arabe et candidat
putatif à la présidentielle en Egypte, l'Italie a exprimé son refus que la
coalition mène une «guerre contre la Libye». Le ministre italien des Affaires
étrangères, Franco Frattini, ne veut pas d'une interprétation extensive de la
résolution 1973 du Conseil de sécurité qui partant d'un objectif de protection
de la population civile aboutirait à «faire dégager» Kadhafi par la force.
L'Italie «a accepté de prendre part à la coalition internationale précisément
pour mettre en Å“uvre un cessez-le-feu, faire cesser les violences et protéger
les populations. Nous voulons vérifier soigneusement que toutes les actions
entreprises sont conformes aux objectifs de la résolution de l'ONU». L'Italie,
a-t-il dit ne veut pas du «tout aller au-delà de la mise en Å“uvre stricte de la
résolution» votée par le Conseil de sécurité, a martelé le ministre italien.
L'objectif, selon lui, est d'aboutir à une «réconciliation» entre les parties
en Libye. Cette mise au point de Frattini est intervenue alors que le
gouvernement italien connaît de vives tensions en raison de sa participation –
mise à dispositions des bases aériennes – dans les opérations contre la Libye.
Bossi : «Nous risquons de perdre pétrole et
gaz»
Sans détour, Umberto Bossi, chef de la
Ligue du Nord a invoqué le risque d'un flux massif d'immigrant clandestin et
situé l'enjeu économique pour l'Italie : «On ne comprend pas bien ce qu'est la
+no-fly zone+ (...) mais les Français sont partis au pied levé et nous risquons
de perdre pétrole et gaz». Mercredi dernier, l'entreprise pétrolière italienne
ENI avait même réclamé la levée des sanctions imposées à Tripoli. «Quoi qu'il
arrive, nous nous tirons une balle dans le pied en imposant des sanctions,
parce qu'en nous privant de ce pétrole, nous n'assurons pas notre sécurité
énergétique» avait déclaré l'administrateur délégué d'Eni, Paolo Scaroni. En
termes d'intérêts, les Italiens sont désormais dans une posture diamétralement
opposée à celle des Français. Une chute du régime de Kadhafi et une prise du
pouvoir par l'insurrection organisée par le CNT devrait se traduire par une
augmentation substantielle des «parts» de la France dans le domaine pétrolier
libyen. A l'opposé, si Kadhafi s'en sort, d'une manière ou d'une autre, les
intérêts français pourraient fortement en subir les frais. D'où d'ailleurs le
côté très «personnalisé» des discours vindicatifs entre Kadhafi et Sarkozy. Les
Italiens ont par contre le sentiment qu'ils risquent désormais de perdre dans
tous les cas de figure. Et ils ont beaucoup à perdre.
Apre bataille pour un eldorado
Depuis le retour à la «respectabilité
occidentale» de la Libye, en 2004, les Italiens sont en pointe et se taillent
la part du lion sur le marché libyen. ENI, présente dans le pays depuis 1959
est le premier producteur étranger du pays. L'entreprise a été confortée dans
ce statut par un accord qui porte les droits d'extraction jusqu'en 2047 en
contrepartie d'investissements de plus de 25 milliards d'euros. Le terme
«accord stratégique» n'est pas surfait. Par comparaison, la part du groupe
français Total est modeste. Quant aux contrats pour les Français, malgré une
démarche très agressive de Sarkozy, des contrats de 10 milliards d'euros dans
le nucléaire annoncés en 2007, sont restés sans suite. Pas plus que les achats,
vaguement annoncés, d'avions Rafales et d'hélicoptères de combat fabriqués par
Eurocopter. Le marché libyen est très attractif avec des réserves estimées en
2011 à 46,4 milliards de barils, ce qui en fait le numéro 2 en termes de
production de pétrole en Afrique, derrière le Nigeria. En outre, la qualité
supérieure de son pétrole et la facilité d'extraction et de raffinage renforce
l'attractivité d'un fournisseur géographiquement proche. Les longues années
d'embargo ont eu pour effet de retarder l'exploitation et donc de préserver les
réserves. D'où la course des groupes internationaux à conclure des accords avec
l'entreprise publique libyenne, la National Oil Corporation (NOC). Même
Sonatrach s'est mise à prospecter l'Eldorado libyen et a pu obtenir deux
contrats. L'un en partenariat avec la NOC qui a abouti à la découverte d'un
gisement pétrolier dans le bassin de Ghadamès en 2005 et l'autre en partenariat
avec une compagnie indienne. En termes économiques, la France a tout intérêt à
pousser vers une lecture extensive du mandat de l'Onu pour aller vers la chute
du régime. Les Italiens qui ont navigué à vue depuis le début de la crise sont désormais
ouvertement hostiles à ce projet.
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Posté Le : 22/03/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Oussama Nadjib
Source : www.lequotidien-oran.com