Algérie

Les enjeux géostratégiques du Maghreb, pont entre l'Europe, les Etats-Unis d'Amérique et l'Afrique



Je tiens au préalable à remercier vivement M. Emile H. Malet, délégué général du Forum mondial du développement durable, et l'amiral Jean Dufourcq, rédacteur en chef de la revue Défense nationale française, de cette invitation à laquelle j'ai été très sensible sur un sujet combien important qui engage l'avenir des deux rives de la Méditerranée.III. Les axes de la dynamisation des relations Europe-USA/Maghreb Au préalable, il s'agit pour les pays du Maghreb de s'entendre, d'éviter d'aborder à court terme des sujets qui fâchent et qui empêchent toute coopération, étant entendu qu'il s'agira de les résoudre à moyen terme. La société civile, les entrepreneurs et les universitaires peuvent être des catalyseurs comme expliqué dans mon étude parue le 4 avril 2011 à l'IFRI sur le Maghreb face aux enjeux géostratégiques, notre initiative, où je coordonnerai avec mon ami Camille Sari un ouvrage collectif sur le même thème en deux tomes, qui devra paraître en juin 2012 et auquel participeront des experts de haut niveau algériens, marocains, tunisiens, mauritaniens, libyens et une dizaine d'experts occidentaux. C'est dans cet objectif que récemment, que nous avons décidé avec nos amis marocains de mettre de coté le sujet du Sahara occidental et d'aborder la réalisation de projets concrets lors de la réunion tenue avant celle des ministres des Affaires étrangères de l'UMA à l'initiative de l'Institut royal des études stratégiques (IRES) tenue à Rabat le 16 février 2012, dont j'ai eu l'honneur d'être invité, où j'ai présenté une communication relative à la coopération économique entre l'Algérie et le Maroc mais l'insérant dans le cadre de l'intégration maghrébine, communication largement diffusée tant par les médias du gouvernement que privés en Algérie . Il s'agira, donc, d'uniformiser les politiques économiques afin de dégager des segments de coopération dans le cadre des avantages comparatifs, de coordonner les politiques fiscales, douanières, budgétaires, salariales, de dynamiser la banque d'investissement maghrébine et de résoudre le lancinant problème de la distorsion des taux de change des différentes monnaies. Cette entente facilitera l'objectif, à savoir l'insertion harmonieuse au sein de l'espace euro-méditerranéen et arabo-africain ainsi que l'intensification de la coopération économique tant avec l'Europe, les Etats-Unis que d'autres pays émergents. Mais cette coopération ne sera possible que si, d'une part, les Etats-Unis et Europe ont une approche du codéveloppement loin du mercantilisme et que si les pays du Maghreb ont une vision commune de leur devenir. En effet, face aux bouleversements mondiaux, l'accélération des réformes économiques conciliant efficacité économique, cohésion sociale, préservation de l'environnement et la démocratisation du Maghreb et une coopération (et (non une aide) plus intense pour une plus grande moralisation de la gestion de la Cité (qualifiée de bonne gouvernance) sont les pistes à explorer pour éviter ce dualisme Nord-Sud préjudiciable à l'avenir de l'humanité. La symbiose des apports de l'Orient et de l'Occident, le dialogue des cultures et la tolérance sont sources d'enrichissement mutuel. Il est dangereux tant pour les Etats-unis, l'Europe que pour le Nord dans son ensemble de s'enfermer dans un ghetto qui enfanterait inéluctablement la violence. Les derniers évènements devraient encore mieux nous faire réfléchir évitant cette confrontation des religions car autant l'islam, le christianisme et le judaïsme ont contribué fortement à l'épanouissement des civilisations, à cette tolérance en condamnant toute forme d'extrémisme. La mondialisation repensée face aux situations nouvelles impliquant une nouvelle gouvernance et la refondation des relations internationales est un bienfait pour l'humanité à condition d'intégrer les rapports sociaux et les facteurs culturels et ne pas la circonscrire uniquement aux rapports marchands en synchronisant la sphère réelle et la sphère monétaire, la dynamique économique et celle sociale. Au moment de la consolidation des grands ensembles, enjeux de la mondialisation, je suis persuadé du nécessaire rapprochement entre l'ensemble des pays du Maghreb d'une intensification de la coopération avec l'Europe et les Etats-unis à la mesure du poids de l'histoire qui nous relie si l'on veut dépasser les résultats mitigés. Le Maghreb, région pivot peut-être, et j'en suis convaincu, si l'on dépasse ces divergences nuisibles aux intérêts des populations maghrébines ayant une histoire et une culture commune de certains segments de pouvoir être un sous-segments de la dynamisation Afrique dont le PIB a plus que triplé ces trois dernières décennies. Certes, il n'existe pas une Afrique mais des Afriques, celle subsaharienne étant la plus pauvre, mais la population africaine est jeune, de plus en plus bien formée et en nette croissance. Elle représente plus de 1,1 milliard d'habitants en 2011 et représentera 1,5 milliard d'habitants à l'horizon 2020-2025, les experts des Nations Unies anticipant un doublement de la population du continent africain d'ici à 2050, selon un scénario moyen, 2,2 milliards en 2050, près du quart de la population mondiale. Donc, la population africaine dépassera la population chinoise vieillissante. Selon ce scénario en 2039, le pays africain dépasserait l'ensemble des pays latino-américains. Dans 40 ans, le PIB africain devrait atteindre 80 % du PIB des Etats-Unis, 19.286 milliards de dollars ppa 2005, et talonnerait celui de l'Europe prévu à 21.911 milliards de dollars en rappelant qu'en 2010, le PIB par habitant de l'Afrique s'établit à un peu plus du quart de la moyenne mondiale (2600 dollars ppa 2005). Mais ces objectifs sont assujettis à des conditions dont la bonne gouvernance, supposant la démocratisation des décisions, la corruption actuelle en Afrique selon le FMI lui faisant perdre 25 % de son PIB, à une répartition équilibrée du revenu national loin des rentes spéculatives afin d'accroître la demande solvable, à des actions énergiques dans l'éducation- santé et, enfin, à des intégrations sous-régionales pour élargir les marchés. L'Afrique devrait connaître un des plus fort taux de croissance du monde expliquant qu'elle soit courtisée comme le montrent ces différentes rencontres internationales Etats-Unis-Afrique, Europe-Afrique, Chine-Afrique, Inde-Afrique, Brésil-Afrique. Ce qui m'amène au dernier point de mon intervention. IV. Les perspectives Je pense fermement et après analyse que l'intensification de la coopération entre l'Europe, les Etats-Unis et le Maghreb fondée sur le partenariat gagnant-gagnant, l'introduction de l'investissement direct permettrait de bouleverser ces comportements et les inscrire dans une perspective dynamique profitable aux populations de la région et faire du bassin méditerranéen un lac de paix et de prospérité. C'est que l'espace méditerranéen peut être ce lieu de création de réseaux rationnels, l'économie de marché concurrentielle répondant à des lois universelles, mais il existe des spécificités sociales nationales dont il convient de tenir compte car source d'enrichissement mutuel permettant de communiquer avec des cultures lointaines et favorisant la symbiose des apports de l'Orient et de l'Occident. Ce réseau doit favoriser les liens communicationnels, les ères de liberté dans la mesure où les excès du volontarisme collectif inhibent tout esprit de créativité. Il y a lieu d'accorder une attention particulière à l'action éducative, l'homme pensant et créateur devant être à l'avenir le bénéficiaire et l'acteur principal du processus de développement. C'est pourquoi je préconise la création d'universités euro-maghrébines et américanomaghrébine ainsi que des centres culturels de la jeunesse comme moyen de fécondation réciproque des cultures, et la concrétisation du dialogue soutenu pour éviter les préjugés et les conflits sources de tensions inutiles afin de favoriser l'émergence de nouveaux comportements pour un devenir solidaire. C'est que le Maghreb, l'Europe et les Etats-Unis sont des régions géographiques présentant une expérience millénaire d'ouverture sur la latinité et le monde arabe avec des liens naturels et, dans son ensemble, porte de culture et d'influences anglo-saxonnes. Economiquement, l'Europe, les Etats-unis et le Maghreb présentent l'un et l'autre des atouts et des potentialités pour la promotion d'activités diverses et cette expérience peut être un exemple de partenariat global par l'amplification et le resserrement des liens et des échanges sous différentes formes. Il est indispensable que l'Europe et les Etats-Unis développent toutes les actions qui peuvent être mises en ?uvre pour réaliser des équilibres souhaitables à l'intérieur de l'espace méditerrané, la constitution d'espaces régionaux économiques faibles étant une étape d'adaptation structurelle au sein de l'économie mondialisée afin de favoriser un quadruple objectif solidaire : la démocratie politique, une économie de marché concurrentielle à finalité sociale, les débats contradictoires d'idées par des actions sociales et culturelles pour combattre l'extrémisme et le racisme et enfin la mise en ?uvre d'affaires communes n'oubliant jamais que les entreprises sont mues par la seule logique du profit et dans la pratique des affaires il n' y a pas de sentiments. Dans ce cadre, l'émigration maghrébine, ciment des liens culturels, peut être la pierre angulaire de la consolidation de cette coopération. C'est un élément essentiel de ce rapprochement du fait qu'elle recèle d'importantes potentialités économiques et financières. La promotion des relations entre le Maghreb et sa communauté émigrée doit mobiliser à divers stades d'intervention l'initiative de l'ensemble des parties concernées, à savoir le gouvernement, les missions diplomatiques, les entrepreneurs, les commerçants et les compétences individuelles. L'engagement implicite caractérisant les relations entre nos communautés émigrées et les pays d'origine ne doit pas occulter les légitimes intérêts strictement économiques des parties concernées pour garantir la rentabilité et la pérennité des opérations engagées. Les pouvoirs exécutifs devraient veiller, dans le cadre organisationnel et législatif, à alléger l'ensemble des procédures administratives afin de favoriser la promotion de l'investissement et
les échanges commerciaux, à l'instar de pays qui utilisent leurs compétences nationales localisées à l'étranger comme point d'appui au développement national. Cela permettrait par des actions concrètes de promouvoir la synergie de systèmes privés, politiques et administratives pour développer une approche «coopération» qui pourrait être mieux perçue par l'interlocuteur maghrébin qu'une approche purement commerciale. V. Réhabiliter la morale dans la gestion de la Cité Il y a donc urgence d'entreprendre ensemble tant dans les domaines économique, culturels, que sécuritaire, le terrorisme étant devenu une menace planétaire. Les relations entre les pays du Maghreb, l'Europe et les Etats-Unis sont souvent passionnées notamment en raison du conflit du Moyen-Orient qu'il conviendra de solutionner pour une paix durable et juste, les Arabes et les juifs ayant une expérience millénaire de cohabitation pacifique. Mais avec de nombreux intellectuels, entrepreneurs, hommes politiques maghrébins et américains soucieux de concilier la modernité et notre authenticité, je suis convaincu du fait de la densité de nos rapports économiques et culturels qu'elles seront transgressées dans le cadre des intérêts bien compris de chaque nation. L'accélération des réformes politiques par la démocratisation tenant compte des anthropologies culturelles, économiques, sociales, inséparable de la conciliation de l'efficacité économique et de l'équité, du respect du droit de l'homme, de la promotion de la condition féminine et de la sécurité conditionnent largement la réussite de cette grande entreprise qui interpelle notre conscience commune. Aux tensions et aux conflits doivent se substituer la coopération et un dialogue soutenu pour éviter des factures douloureuses. La région méditerranéenne doit être un véritable espace économique, un relais puissant entre les Etats-Unis, l'Europe, le Moyen-Orient et l'Afrique et un lieu de brassage des cultures, la culture étant entendue comme processus historique et relationnel. L'intégration maghrébine est une nécessité économique et historique face aux bouleversements géostratégiques qui se dessinent à l'horizon 2020 et il est suicidaire de faire cavalier seul. Le repli sur soi serait préjudiciable à notre prospérité commune et engendrerait d'inéluctables tensions sociales. L'histoire commune impose tant au Maghreb, à l'Europe qu'aux Etats-Unis d'entreprendre ensemble. Nous devons faire face au renouveau d'un modèle de consommation énergétique afin d'éviter ce qu'un intervenant hier a qualifié à juste titre d'obésité de consommation. Le développement durable de la région euro-méditerranéenne ne peut se concevoir sans la transition écologique et sans repenser la mondialisation. Car, sans un ordre nouveau, il est fort à parier que le Nord et le Sud iront au chaos. Et cet ordre nouveau est lié à la réhabilitation de la valeur travail et de la morale afin d'éviter cette société anomique de décadence analysée minutieusement tant par le grand sociologue maghrébin Ibn Khaldoun que les fondateurs de l'économie politique Adam Smith, David Ricardo, Karl Marx, et plus près de nous Keynes et Joseph Schumpeter. Oui, la crise que nous vivons est morale. Et sans moralité, surtout de ceux chargés de gérer la Cité, comment dès lors mobiliser les populations pour réaliser cette transition mondiale qui sera douloureuse car nécessitant d'importants ajustements sociaux ' (Suite et Fin)


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