Algérie

Les enfants de la mer Juste un mot



Les enfants de la mer                                    Juste un mot
Ils sont admirables ces enfants de l'îlot ! Se proclamant tous enfants de la mer, ils ont des rapports avec elle empreints de cohérence et d'harmonie. Leur programme annuel est rythmé par les saisons. Au printemps-été, dès l'amorce des vacances précoces, longues, très longues, ils passent beaucoup de temps à la baignade. Ils aiment tout particulièrement les premiers plongeons du mois de mai. Les plus âgés ont fréquenté assidûment la salle de sports du quartier, où ils y ont travaillé leurs muscles et affûté leur corps. C'est d'autant plus important pour eux d'être beaux depuis que quelques jeunes filles audacieuses osent, elles aussi, en fin de journée, faire un plongeon. En automne, dès la sortie des classes, ils s'adonnent au «gratte-gratte».
Ils savent que la mer se nettoie, et parmi tout ce qu'elle rejette, se trouvent quelques pièces de monnaie, quelques petits bijoux qu'ils découvrent en retournant le sable centimètre par centimètre à l'aide d'un bâtonnet. Lorsqu'ils se déplacent avec souplesse et élégance sur le sable comme sur les rochers, leurs cheveux courts blondissent par le soleil, leurs pieds nus sur lesquels les «bingos» ont dessiné des damiers, ils ressemblent à des félins maîtres de leur territoire. La veille du week-end, nos petits chercheurs d'or se transforment en chercheurs de vers pour appâts, qu'ils troquent contre du fil et des hameçons auprès des pêcheurs du vendredi, plus fortunés, et parfois ils gagnent quelques pièces d'argent qui leur permettent de faire face aux dépenses scolaires. Ils pêchent bien sûr toute l'année, surtout au soleil d'hiver, lorsque celui-ci est tendre.
Si la pêche est bonne ou si les sardines sont moins chères que les cerises sur le marché local, ils se préparent une grillade généreuse ouverte à tous. Ils adorent écouter de la musique. Cela nous permet de suivre le Top 10 et d'apprendre avec eux que le chaâbi et le kabyle sont en pointe. Ces enfants sont encore plus admirables depuis qu'ils ont jeté leurs bidons en plastique qui leur servaient d'instrument de travail pour remplir les camions de sable des voleurs, destructeurs, prédateurs de nos plages, contre quelques dinars misérables. Ces plages, aujourd'hui, ils les nettoient eux-mêmes, car ils ont enfin compris qu'en détruisant leur environnement, ils se détruisaient. Tout cela nous donne confiance. Nous croyons en eux, en leur avenir. L'école malgré tout, la bibliothèque qui ouvrira bien un jour, le stade et la salle de sports les éduqueront, les formeront certainement, mais cela suffira-t-il ' Nous, qui savons que le cinéma pourrait leur apporter beaucoup dans la formation de leurs sentiments, de leur imaginaire et de leur prise de conscience, sommes malheureux, car les deux salles de cinéma de leur ville sont fermées depuis des années, et malheureusement pour d'autres longues années encore.
Ils ne connaissent rien de cet art magnifique, et ce sont les récits de leurs pères et de leurs aînés qui les poussent à croire qu'un jour, eux aussi auront droit à leurs films, les vrais, pas ceux de la télé, et avec eux leurs doses d'émotions et d'émerveillement. En attendant, pourquoi ne pas leur mettre un livre entre les mains, et en ces temps difficiles et malgré les nombreuses carences des autorités de la culture, nous sommes certains que des citoyens authentiques, enfants de cette petite ville, créeront dans un avenir proche une association pour promouvoir et défendre la lecture, le livre. Cet espoir déjà grand devient immense tant nous sommes convaincus, et nous sommes certains que parmi ces enfants se trouve un futur Rachid Farès, ce qui atténuera un peu nos douleurs et nos peines.


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