Algérie

Les émeutes font tache d'huile



Cette nouvelle forme de protestation sociale a, sans doute, dérouté tout le monde : le pouvoir, les organisations syndicales, les partis politiques, voire les associations de défense des consommateurs qui n'ont aucun impact sur le terrain. Depuis ces dernières années, le recours à  l'émeute et à  la rue s'est imposé dans le vécu quotidien des citoyens face à  l'absence, ou à  l'inefficacité, du dialogue social.
On a connu toutes sortes de manifestations possibles et imaginables : contre la hogra (les injustices), pour la revalorisation des salaires et des statuts de différentes corporations, pour le relogement, contre le climat d'insécurité, contre des bavures policières, l'incurie des élus locaux… et la liste est longue. Mais c'est depuis ce que certains avaient injustement appelé «les émeutes de la faim» en octobre 1980, pour qualifier un mouvement social, qui avait néanmoins un soubassement politique, que les acteurs politiques de l'époque ont fini par admettre, plus tard, les actions contre l'envolée des prix et la baisse constante du pouvoir d'achat des citoyens n'ont pas constitué à  proprement parler des moments forts de la contestation sociale. Les appels à  la grève des couffins lancés ça et là, ciblant parfois des produits particuliers comme la viande n'ont pas rencontré l'écho escompté. Désarmés, résignés devant la saignée de leur porte-monnaie, pour ceux qui ont la chance d'en avoir et face au désespoir total et à  l'absence de perspectives, certains n'ont trouvé d'autre «planche de salut» que le suicide ; un phénomène qui a atteint ces dernières années un seuil dramatique. Face à  la démission des pouvoirs publics qui n'arrivent pas à  réguler le marché, otages qu'ils sont d'un modèle de développement économique où la dimension sociale n'est perçue que comme un agrégat économique parmi tant d'autres, sans doute pas le plus important à  leurs yeux, il faudra s'attendre inévitablement dans les prochains jours à  ce que ce type de manifestations contre la vie chère fasse tache d'huile et gagne d'autres régions du pays.
Ces actions citoyennes ciblées autour de préoccupations non négociables qui ont conduit, sous d'autres cieux, au renversement des régimes en place signent clairement  l'échec des politiques, ainsi que du syndicat dont c'est la vocation première de défendre le pouvoir d'achat des travailleurs. Pendant que les prix grimpent sans cesse, le pouvoir d'achat ne fait que dégringoler, atteignant des niveaux qui font peser une sérieuse menace sur la paix et la cohésion sociales. Au nom de l'économie de marché et en se réfugiant derrière la crise économique et financière mondiale, on a tout permis.
On a livré l'économie aux prédateurs, aux barons de l'informel qui imposent leur loi sur le marché, se jouant des prix, y compris ceux des produits les plus stratégiques tels l'huile, le sucre, comme dans un jeu de quilles. D'un revers de la main, sans transition aucune, on est passé du Tout Etat, non pas à  moins d'Etat, ce qui aurait été un moindre mal si la transition avait été bien assurée, mais, bien plus grave, à  l'éclipse totale de l'Etat dans la sphère de distribution et de commercialisation.


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