Algérie

Les élites en Afrique sont déconnectées du peuple



Les élites en Afrique sont déconnectées du peuple
Pour comprendre les causes de l'instabilité au Mali, lisez Mali, une crise au Sahel (éd.?Karthala). Retour sur l'histoire du pays face à la pression internationale et aux enjeux régionaux.-Mali, une crise au Sahel, votre dernier livre, soulève des interrogations et nous donne une nouvelle lecture des racines du mal de cette crise qui persiste...D'abord, je dois expliquer l'origine de ce livre qui est une réaction de colère suite au putsch de 2012 et à la crise au Mali. D'une part, j'ai eu l'impression qu'on passait par perte et profit toute l'expérience démocratique qui s'était effectuée dans les années 1990 au Mali. Je reconnais que c'était un choc pour moi, car j'étais de ceux qui avaient, à l'époque, couvert cette expérience et j'étais réellement enthousiasmé comme tous les observateurs de l'époque, surtout qu'il n'y avait pas beaucoup de pays africains qui avaient suivi un cheminement aussi stimulant.D'autre part, l'enjeu était de comprendre pourquoi cette expérience avait finalement mal tourné et quels sont les paramètres qui ont amené à ce résultat. C'est là que j'introduis une idée très importante, qui n'est pas suffisamment soulignée, je pense que si le Mali s'est effondré en 2012, ce n'est pas à cause d'une dynamique interne et négative, c'est parce que la pression internationale, sous régionale de l'insécurité, a créé un complexe de crise face auquel le Mali ne pouvait pas grand- chose. L'une des conclusions du livre, c'est quand même de dire que la crise malienne est d'ampleur internationale.-C'est aussi s'interroger sur les démocraties africaines?Tout à fait, il faut s'interroger sur ces démocraties tellement fragiles qu'à la première crise, elles peuvent s'effondrer. Dans mon livre, je tente également de comprendre en quoi ces démocraties sont imparfaites, où sont les lacunes? C'est ce qui m'a amené à regarder l'histoire, la constitution politique du Mali et l'état de l'économie et de la société. C'est ce que j'ai essayé de comprendre sous une forme un peu ondoyante, qui est celle de la chronique.-Pensez-vous qu'il existe une rupture entre Bamako et ses élites avec le peuple malien?'Je crois que les modes de gestion autoritaire sont très difficiles à inverser, il faut du temps pour acclimater des systèmes pluralistes. Or, ce temps manque cruellement, en raison de toutes les problématiques que connaît le continent qui est continuellement en crise, ceci n'encourage certainement pas l'enracinement de la démocratie. Aussi, le problème des élites avec la société, peut-être un peu plus en Afrique, c'est de constater que les élites sont totalement déconnectées de l'état de la société et de ses aspirations. Sans la responsabilité des élites, la société malienne a beaucoup de mal à sortir du traditionalisme, une responsabilité forcément partagée.-La tradition est-elle un obstacle pour le Mali?'L'entretien de la tradition n'est pas un obstacle, au contraire elle peut donner une assise à ce qui suivra. Quand j'ai découvert le Mali, j'ai trouvé que la tradition donnait une certaine sérénité au pays et à ce sous-bassement social. Cependant, au Mali, la tradition entrave toute évolution, elle a longtemps fonctionné comme une valeur refuge, alors que là où il fallait être un peu plus performant et positionner son économie dans cette mondialisation, la gestion de la tradition lui a fait obstacle.-Problèmes économiques, crises sécuritaire, sanitaire? On a l'impression que le Mali s'enfonce. Pensez-vous que les pourparlers d'Alger contribueront à un équilibre?'C'est très difficile de dialoguer, car il n'y a pas de confiance. On le voit bien dans les campagnes de sensibilisation et d'explication engagées par le gouvernement de Bamako dans les provinces maliennes, c'est qu'il y a une vraie résistance de la population malienne face à toute avancée accordée aux mouvements du Nord. La méfiance est mutuelle, puisque aujourd'hui on discute d'éléments de proposition qui ne sont, à mes yeux, qu'une variante du Pacte national et du statut particulier qui, dans les années 1990, a été défini pour le Nord, et qui a été rejeté par la population. Quelle que soit la stratégie de l'Etat malien, il est obligé de tenir compte de l'avis de sa population extrêmement remontée. Je pense qu'on est dans une régression des années 1990. Aujourd'hui, arriver à une plateforme minimale qui pourrait mettre à peu près tout le monde d'accord serait très positif. Il faut encore beaucoup de travail pour reconstituer la confiance.




Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)