Algérie

Les douze travaux de Boudiaf



Les douze travaux de Boudiaf
Le ministre de la Santé lors de sa visite au CHU de ConstantineQuelle que soit la conclusion de la Commission et des enquêtes diligentées par les services de sécurité sur l'affaire de la maternité de Constantine, partie visible de l'iceberg, une chose est d'ores et déjà établie. La même situation règne dans un grand nombre d'établissements du pays.Comme d'autres secteurs aussi mal lotis, celui de la santé publique est, hélas, bien malade. En témoignent les images effarantes, voire même effrayantes, de la maternité du CHU de Constantine qui, depuis, est sous les feux des projecteurs.Commission d'enquête à pied d'oeuvre, plan d'urgence annoncé sitôt la visite d'inspection du ministre en charge de ce secteur achevée, cacophonie des responsables qui se rejettent la responsabilité à l'image des rugbymen dont on sait bien qu'ils prennent souvent des mauvais coups autant qu'ils en donnent, voilà le film de ces dernières quarante-huit heures dans une cité où le savoir était devenu, avec Ibn Badis, un djihad majeur.Mais les temps ont changé. L'Algérie actuelle est celle des parvenus, des adeptes de la chkara et des opportunistes de tous poils qui n'ont qu'un objectif en tête: devenir un potentat au plus vite et à n'importe quel prix. Avec l'alliance des trabendistes et des partis, il était clair que l'exemple pour les générations montantes ne consistera plus en la sacralisation du savoir et du sens du devoir.Comment est-on arrivé à ce stade, se demandent encore quelques esprits faussement naïfs' La médiocrité ambiante, l'appât exacerbé du gain facile, l'absence totale de morale ont fait le lit de cette mentalité qui veut qu'en cette époque, des «professeurs» de médecine arpentent les couloirs de la maternité dans un désordre, une saleté et un danger de contamination insupportables, sans ressentir le moindre émoi ni songer à déposer, au minimum, leur démission tant leur conscience aurait dû, aurait pu leur dicter cet acte de salubrité.Les vues de la maternité ont circulé sur les réseaux sociaux et conféré à cette situation un écho international qui affecte gravement les discours habituels d'un pays enivré d'avoir accordé des prêts au FMI, d'avoir sauvé du dépôt de bilan plusieurs entreprises françaises en les mettant sous perfusion des recettes en hydrocarbures, sans réelle contrepartie qui plus est, et de mener une politique de développement suffisamment volontariste pour acheter la paix sociale.Mais quid de la santé' Mis à part les habitués des prises en charge à l'étranger, de temps à autre responsables d'un changement de temps entre les hôpitaux de Paris et la Cnas, le reste des Algériens, c'est-à-dire pratiquement tous les Algériens subissent les conditions peu enviables d'accueil et de soin des établissements nationaux.Certes, il existe de nombreux médecins et spécialistes dévoués, laborieux, exemplaires qui tentent, vaille que vaille, de sauver ce qui peut l'être, en des circonstances aussi cruelles, mais à l'impossible nul n'est tenu. Outre la multiplication des «cliniques» privées qui exploitent cyniquement les compétences du service public et rackettent les citoyens, il y a une gestion, le mot est d'ailleurs inapproprié, à la va-comme-je-te-pousse, d'un grand nombre d'hôpitaux où peu de moyens sont disponibles alors que la tutelle affiche une sérénité à toute épreuve.Que dire de ces structures où le patient, quand il a la chance d'être admis après un parcours du combattant, doit ramener avec lui du fil chirurgical, des pochettes de sang, son matelas et sa couverture etc.' Une réalité indigne dont seuls peuvent être abusés ceux qui n'en sont pas concernés. Car les autres, tous les autres, savent bien comment les choses se passent réellement, qui par le biais d'un proche et qui pour avoir soi-même éprouvé le choc.Quelle que soit la conclusion de la Commission et des enquêtes diligentées par les services de sécurité sur l'affaire de la maternité de Constantine, partie visible de l'iceberg, une chose est d'ores et déjà établie. La même situation règne dans un grand nombre d'établissements hospitaliers à travers le pays où un coup de balai est donné subrepticement, lors d'une visite d'inspection aussi inutile que brève, pour donner le change. Ce sont donc les douze travaux herculéens qui attendent le ministre de la Santé, Abdelmalek Boudiaf, dont la tâche sera méritoire s'il parvient seulement à rendre à ces établissements hospitaliers leur part d'humanité.




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