Algérie

LES DOUAIR ET LES ZMOUL* : DES TRIBUS ARTIFICIELLES, CREEES PAR LES OTTOMANS.



LES DOUAIR ET LES ZMOUL* : DES TRIBUS ARTIFICIELLES, CREEES PAR LES OTTOMANS.
L'influence des grandes tribus indigènes a toujours été primordiale lors des présences, dominations ou colonisations étrangères.
Ainsi à la structure sociale de l’Algérie profonde à l’époque Ottomane, était constituée de groupes privilégiés (Makhzen) ou populaciers (Raïas). Les tribus MAKHZEN (1) étaient chargées de lever l’impôt et surveiller les tribus raïas. Ils sont usufruitiers des terres beylicales et généralement exemptés de tous ou de la majorité des impôts, (hormis la dime coranique), en contrepartie d’engagements militaires. Parmi les Makhzen, les noms de DOUAIR et ZMOUL (ou Zmala ou encore Smela) incarnent, on ne peut mieux, les tribus devenues de véritables instruments de la domination Ottomane en Algérie.
Les DOUAÏR sont la plus grande et la plus forte tribu du Makhzen du beylicat d’Oran (et précédemment Mascara), depuis le milieu du XVIIIe S. Ils étaient, essentiellement, fixés dans l’axe Mascara, Oran. Mais on retrouve aussi le toponyme Tlalet(2) Douaïr dans le Titteri, (près de Berrouaguia) ; or des sources écrites nous apprennent que le Makhzen des ottomans dans la région de Médéa, était les Douaïr.
Les ZMOUL est l’autre tribu makhzen très puissante dans la région d’Oran, après les Douaïr. Nous la retrouvons aussi, dans la Mitidja, comme seule véritable tribu makhzen qui ne payait pas d’impôts aux ottomans; ainsi que dans la région de Chlef, où les sources soulignent que cette tribu était constituée artificiellement par les turcs, d’éléments provenant d’horizons divers; dans le haut sébaou on retrouvera la trace de Zmoul, tribu soumise aux français, à l’occasion d’une batailler en 1856(3). Mais c’est surtout à Constantine, que les Zmoul prendront une dimension qui bouleversa la structure de la société traditionnelle locale et l’ordre social, de par son statut de seule tribu véritablement makhzen, dans le Beylicat de Constantine.
ORIGINES
Mais quelles sont les origines de ces deux importants Makhzen, éléments essentiels de la domination turque en Algérie ?
Si pour les DOUAÏR, il y a deux hypothèses, qui ne sont pas à notre avis antinomiques, si l’on établit la successivité :
1- Installés depuis le 18e S, dans la province d'Oran, leur origine en Algérie remonterait à 1701, l'année où ils vinrent du Maroc, avec le Chérif Moulay Ismael, lors de l’une de ses tentatives de conquérir l’ouest algérien. Au demeurant dans le Titteri ce sont les DJOUADS (noblesse militaire) de la tribu Chorfa descendants de Moulay Idris, originaire des Flittas de Mascara, installés à Berrouaghia, qui constituait les effectifs des Douaïr du Makhzen turc ;
2- Douaïr signifie, "gens de la Deira" ou "maison du Dey" (ou “Bey” selon d’autres sources).
En revanche, sur la formation de la tribu des ZMOUL de Constantine, nous avons plus de détails grâce aux écrits constantinois, rapportés par Eugène Waissettes.
A l’origine les Zmoul étaient les serviteurs des beys, chargés de la garde des troupeaux de bétail appartenant au beylik. Ils n’avaient de liens communs autres que celui de servir le même maître. Ce travailleur taillable et corvéable, était désigné par le terme méprisant, voir trivial, de “Zmal”, qui se décline au pluriel, par Zmoul. Cependant au regard du nombre de tribus qui devaient payer l’impôt, ils se retrouvèrent fortuitement, investis de la charge de supplétifs des troupes ottomanes, pour d’abord, mener les troupeaux provenant de la perception de l’impôt, puis plus tard, le butin des razzias opérées sur des tribus réfractaires ou en révolte. Pour ce faire, les ottomans les armèrent et les organisèrent en soldat. C’est ainsi que leur statut social s’éleva sensiblement puisque de corporation de palefreniers ou bergers , ils mutèrent en puissants assesseurs du pouvoir ottoman.
Le zèle et la rapacité dont firent preuve, ces éléments, hier encore faisant partie de la plus basse extraction sociale, lors de leurs expéditions contre les tribus indigènes, engagèrent les beys à les employer pour ces missions, de préférence aux troupes turques. Conscients que leur groupe disparate est fabriqués arbitrairement par les ottomans, ils développèrent un esprit de clan, digne de la « aasabiya » (4), avec une organisation sociale et administrative.
C’est ainsi qu’une nouvelle tribu qu’on appela les ZMOUL(5), fut constituée, entre 1666 et 1674 période du règne de Redjeb Bey, le fameux bey de Constantine qui fit assassiner sa femme Aziza Bey(6).

Farid Ghili
Histoire et Patrimoine de l'Algerie.

* Pour connaitre les différents groupes et leur localisation de Ahl el-Makhezène http://quintessences.unblog.fr/2019/06/11/le-royaume-dalger-sous-le-dernier-dey-10eme-partie/
(1) Makhzen: désigne un mode de gestion politico-administratif à l’époque ottomane. L'histoire retiendra qu'au fur et à mesure de la conquête française, ces tribus furent parmi les premières à se mettre au service de l'armée française.
(2)J 'ai toujours été intrigué par la signification de Tlélat qui n' a rien à voir avec tlata. Quelqu'un a une idée ? Les anciens de la régions ont été incapables de m'informer.
(3) Rapportée par le Journal Historique du mois de mars 1856
(4)Expliquée deux siècles plus tôt, par Ibn Khaldoun dans ses prolégomènes
(5) Une tribu que l'on retrouve dans la cartographie des ancienns tibus de l'Est Algérie (1863/1881 établie parAbdelkrim Badjadja ( DEA géographie. 1974 Constantine)
(6) Un palais de la basse Casbah d’Alger, porte encore de nos jours, le nom de Aziza. On retrouve un autre palais Dar Aziza (toujours squatté) à Bni Thamou, aux environs de Blida


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