Algérie

Les difficultés de la bulle immobilière



Les conséquences du boom de l'immobilier ainsi que les éventuelles répercussions financières d'une forte baisse des prix dans les années à venir préoccupent de plus en plus les gouvernements du monde entier. J'ai pris conscience de cela pour la première fois au Symposium Jackson Hole, qui s'est tenu cette année dans les terres reculées du Wyoming. L'ironie, c'est qu'il n'y a quasiment pas de maisons à acheter là-bas. La nuit, le hurlement des coyotes et le brame du wapiti retentissaient, tandis que le jour, tout le monde parlait immobilier. Au fil des ans, cette conférence est devenue un événement international de premier plan pour les responsables de l'élaboration des politiques monétaires nationales. Les directeurs ou directeurs adjoints de 34 banques centrales étaient présents cette année. Près des deux tiers des pays concernés ont connu des booms immobiliers spectaculaires depuis 2000, dont la plupart semblent se poursuivre, au moins pour l'instant. Aucun consensus n'est ressorti pour les perspectives à long terme de l'immobilier. Les États-Unis seront probablement les premiers à arriver au terme du cycle actuel. Selon le Standard & Poor's/Case-Shiller US National Home Price Index, les prix de l'immobilier ont augmenté de 90 % en termes réels, ajustés sur l'inflation, entre 1996 et 2006, mais ont chuté depuis de 6,5 % ; parallèlement, le taux de décroissance s'est accéléré. Il pourrait s'agir de la fin du boom – mais on n'est jamais sûr de rien. L'exposé que j'ai présenté à la conférence portait sur une baisse à long terme, que bon nombre de participants ont contestée. Pourtant, au bout du compte, personne n'a remporté le débat. Quoi qu'il en soit, un observateur extérieur aurait été frappé par l'importance accordée à l'éventualité qu'un boom d'une durée de 10 ans puisse être suivi de deux baisses sérieuses. Les risques de baisse maximale possible sont généralement admis, étant donné que la crise du crédit qui sévit actuellement semble liée à la chute des prix de l'immobilier américain, que nous avons déjà constatée. Ce boom, assorti de la conviction répandue que les prix de l'immobilier ne peuvent qu'augmenter, a entraîné un assouplissement des normes en matière de prêts. Les prêteurs ont peut-être cru que les acheteurs ne manqueraient pas de régler leurs échéances, et que la hausse des prix rendrait ces remboursements très attractifs. En outre, la phase de haute conjoncture est à l'origine d'un grand nombre d'innovations financières, qui sont en soi de bonnes idées, mais ont parfois été appliquées de manière trop agressive au vu du risque de chute des prix. Les investisseurs ont été incités à recourir aux valeurs adossées à des hypothèques alors qu'ils les jugeaient trop risquées. Mais tout allait bien puisque les prix de l'immobilier continuaient à augmenter à un rythme sain. À la conférence Jackson Hole, Paul McCulley de PIMCO, le fonds obligataire le plus important au monde, a soutenu qu'au cours des derniers mois, il avait assisté à une ruée vers ce qu'il qualifie de « système bancaire fantôme », composé de tous les canaux, moyens et structures d'investissements financés par des capitaux empruntés, apparus avec l'essor immobilier. Hors d'atteinte des autorités de contrôle et de garantie de dépôts, ce système bancaire a alimenté la forte expansion en fournissant davantage de crédits aux acheteurs. Les ruées vers les banques se produisent généralement lorsque les gens, craignant que leurs dépôts ne soit pas honorés, retirent leur argent en hâte et créent ainsi la faillite même qu'ils craignaient. Comme on pouvait s'y attendre, ce nouveau type de ruée bancaire provient des États?Unis, où l'on trouve l'exemple le plus flagrant de chute des prix de l'immobilier. Lorsque les cours cessent d'augmenter, les nouveaux acheteurs ne sont plus motivés pour rembourser leurs emprunts – tandis que les investisseurs n'ont plus foi en les valeurs adossées à des hypothèques. La Réserve fédérale américaine est parfois tenue pour responsable de la crise des emprunts : sa politique monétaire excessivement souple aurait en effet entretenu l'explosion des prix qui a précédé la crise. En fait, le taux réel des fonds fédéraux (ajusté sur l'inflation) était négatif durant 31 mois, d'octobre 2002 à avril 2005. Le seul précédent à cet égard, depuis 1950, est la période de 37 mois de septembre 1974 à septembre 1977, qui a amorcé la plus grave inflation américaine du siècle dernier. Ce qui contribuait à l'époque à faire monter en flèche les prix à la consommation contribue aujourd'hui à la hausse des prix de l'immobilier. Toutefois, le manque de rigueur de la politique monétaire n'est pas seul en cause. La baisse extraordinaire des capitaux réels est survenue alors que le boom immobilier était déjà bien entamé. Selon le Standard & Poor's/Case-Shiller US National Home Price Index, les prix de l'immobilier augmentaient déjà de près de 10 % par an en 2000 – au moment où la Fed augmentait le taux des fonds fédéraux, qui a atteint 6,5 %. Il apparaît donc que cette montée en flèche découle de l'élan spéculatif qui s'est produit avant la réduction des taux d'intérêt. Alan Greenspan, ancien président de la Fed, a récemment déclaré que les bulles spéculatives stimulent considérablement notre économie, mais qu'en même temps, les autorités monétaires mondiales ne sont pas en mesure de les contrôler. Alan Greenspan a raison en grande partie : les autorités monétaires auraient mieux fait, compte tenu de leurs priorités et de leurs préoccupations, de s'appuyer sur la bulle au lieu de l'empêcher de gonfler. La baisse actuelle des prix de l'immobilier s'accompagne d'une baisse de l'enthousiasme spéculatif des investisseurs, sans rapport avec la politique monétaire. Les autorités monétaires mondiales auront du mal à interrompre ce déclin, de même que la plupart des problèmes y afférents, tout autant qu'elles ont eu du mal à freiner la hausse qu'il a précédée. *Enseigne l'économie à l'université de Yale


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