Pendant que les
Etats concentrent leurs efforts à la recherche d'investisseurs extérieurs, l'on
continue à omettre que les économies des pays en développement reposent
essentiellement sur des activités informelles qui concernent une part
extrêmement importante de la population. C'est encore ce secteur qui est le
principal pourvoyeur d'emplois, qui permet de créer un minimum de revenu et de
richesse, et de fournir les principales opportunités d'insertion à une
population très jeune.
Parmi les
questions que l'on doit se poser est de savoir comment aider à l'évolution des
entreprises de l'économie informelle pour lui permettre de se maintenir et
d'améliorer le sort de la population qui en vit sans pour autant nuire au
secteur formel ? Une stratégie de lutte contre la pauvreté a-t-elle un sens ou
une chance de réussir si elle ne permet pas à la majorité des acteurs
économiques d'accéder au financement, d'évoluer vers une plus grande maîtrise
des techniques et des marchés, et de bénéficier d'un environnement
institutionnel plus équitable ?
Les travailleurs du secteur informel
représentent plus de la moitié de la main d'Å“uvre dans les pays en développement.
Mal payés, sans contrat de travail ni prestations sociales, ils n'en
représentent pas moins le secteur le plus dynamique de l'économie dans bien des
cas. La crise économique mondiale, et l'explosion de l'emploi informel qui
devrait en résulter, rend d'autant plus pressant le besoin de politiques
publiques spécifiques, afin d'améliorer le bien-être de ces millions de
travailleurs mais également d'assurer un développement durable.
L'Emploi informel dans les pays en
développement : une normalité indépassable? Donne des clefs aux décideurs pour
faire face à ce phénomène et stimuler la création d'emplois de meilleure
qualité pour tous.
Juridiquement, selon le critère
«illégal/légal», le secteur informel se définit comme étant l'ensemble des
activités irrégulières dont l'exercice illégal constitue une fuite devant les
normes fiscales, la législation du travail et le droit commercial. Autrement
dit, cela correspond à des activités interdites par la loi ou des activités
légales en elles-mêmes mais exercées par des personnes non autorisées à le
faire. Il s'agit en définitive de produire des biens et services par des
entités illégales. Cependant, il peut également s'agir d'activités légales
assurées par des personnes autorisées à le faire, mais qui possèdent des caractéristiques
permettant de les classer dans le secteur informel. Ces caractéristiques
concernent: le non-paiement de l'impôt sur le revenu, de la TVA et des autres
taxes et impôts, le non-versement des cotisations sociales, et la
non-soumission à certaines procédures administratives
L'EMPLOI INFORMEL
: UNE NORMALITÉ INDÉPASSABLE ?
Le travail
informel est la norme dans les pays aux revenus bas et moyens. Il est aussi
assez important dans certaines économies aux revenus élevés. Dans plusieurs
cas, la part des emplois exercés en dehors des structures formelles d'un pays
peut représenter plus de la moitié des emplois non agricoles, et jusqu'à 90
pour cent si on y inclut les emplois agricoles. En outre, dans des régions
telles que l'Asie du Sud et l'Amérique Latine, la croissance économique de ces
20 dernières années a vu s'accroître les taux d'emploi informel.
QUELS SONT LES
PROBLÈMES ASSOCIÉS AU TRAVAIL INFORMEL?
En général, les
travailleurs informels gagnent moins et leurs droits fondamentaux sont plus
menacés et difficiles à défendre. L'informalité peut être une cause majeure de
la pauvreté : la plupart des travailleurs informels ne sont pas suffisamment
protégés face aux problèmes de santé, à des conditions de travail plus
dangereuses ou aux licenciements sans indemnisation. Les plus pauvres sont les
plus exposés, car le travail est souvent leur seule source de revenus. Une
proportion élevée d'emplois informels entraîne à son tour un manque à gagner en
matière de revenus fiscaux et réduit la capacité de l'État à développer des
systèmes de sécurité sociale.
LA CRISE AFFECTERA-T-ELLE
L'EMPLOI INFORMEL?
L'expérience
suggère que la crise économique actuelle entraînera une hausse des niveaux de
pauvreté dans les pays en voie de développement, car ils sont dépourvus de
réseaux de protection sociale efficaces. La part de l'emploi informel a
également tendance à augmenter lors de périodes économiques difficiles : la perte
d'emplois dans le secteur formel entraînera une augmentation de la part de
l'emploi informel ainsi qu'une baisse des salaires et des revenus dans les
couches les plus vulnérables de la population, dont la majorité dépend
exclusivement du travail pour sa survie.
COMMENT FAIRE
FACE À LA HAUSSE DE L'EMPLOI INFORMEL?
Dans le contexte
actuel de crise économique, une action rapide au-delà des politiques
conventionnelles est nécessaire pour empêcher que l'augmentation du chômage et
des emplois précaires et mal rémunérés accentue la pauvreté dans le monde. La
formalisation doit rester un objectif des politiques d'emploi, mais dans le
court et moyen terme, un ensemble de mesures est nécessaire pour promouvoir la
création d'emplois de qualité.
Entre autres, elles devraient encourager les
travaux publics, le microcrédit et des programmes de transfert conditionnel
afin d'améliorer l'infrastructure, de renforcer des capacités, de soutenir les
réformes institutionnelles et de promouvoir l'accès aux ressources pour les
entreprises informelles.
Le secteur informel peut aussi constituer un
obstacle à la restructuration de l'économie. On estime qu'environ 10 pour cent
des emplois sont détruits chaque année dans de nombreux pays, quelle que soit
leur situation économique et institutionnelle, et que bon nombre des
travailleurs qui perdent leur emploi doivent choisir entre le chômage et un
emploi dans le secteur informel. Cependant, dans les pays qui n'ont pas de
système de protection sociale, même le plus élémentaire, le chômage n'est
vraisemblablement pas une option. Le taux d'entrée dans le secteur informel est
donc élevé, mais il en va de même du taux de sortie du secteur, de sorte que le
niveau de mobilité dans le secteur informel est comparable à celui qui est
observé dans l'économie formelle. Cela donne l'impression que les segments
informels de l'économie sont dynamiques, mais en fait, de nombreux travailleurs
y restent pendant de longues périodes et, bien souvent, ils en sortent par le
bas, c'est-à-dire, entre autres, par le chômage ou le retrait du marché. En
outre, il est beaucoup plus difficile pour les travailleurs du secteur informel
de revenir sur le marché de l'emploi formel, en particulier dans les segments
inférieurs de ce marché. Dans beaucoup de pays et toujours selon le bureau
international du travail ou l'organisation internationale du travail , une fois
sur le marché informel, un travailleur a deux fois plus de risque de devenir
chômeur dans une année donnée que de retrouver un emploi dans le secteur formel.
De surcroît, la probabilité qu'il reste dans le secteur informel est plus de
deux fois plus grande. Les mêmes données montrent que, si la réaffectation des
emplois est importante pour la réussite de l'ajustement structurel, l'économie
informelle peut empêcher la transition nécessaire entre différents segments de
l'économie formelle en partie à cause de la perte de capital humain et social
pour ceux qui restent longtemps dans l'économie informelle. Cela peut entraîner
des pénuries de main-d'Å“uvre dans les secteurs qui prospèrent à la suite d'une
réforme commerciale, de sorte que les entreprises de ces secteurs sont amenées
à réduire leur capital et la taille de leurs installations, ce qui limite leurs
possibilités d'exportation et empêche les pays concernés de profiter pleinement
de l'ouverture commerciale.
Enfin, l'économie informelle est jugée
indispensable pour permettre aux entreprises du secteur formel qui font partie
de chaînes d'approvisionnement verticales de soutenir la concurrence sur les
marchés internationaux.
Toutefois, les conclusions que les données
empiriques disponibles permettent de tirer sur ce point sont ambiguës. Il se
peut que les entreprises qui utilisent des intrants provenant de l'économie
informelle soient elles-mêmes en position de faiblesse sur les marchés mondiaux
et doivent lutter pour survivre. L'utilisation d'intrants fournis par le
secteur informel est alors pour elles un dernier recours pour faire face à la
concurrence internationale. Cela ne peut pas être considéré comme une stratégie
gagnante pour conquérir des parts de marché.
De plus, les données disponibles semblent
indiquer que le soutien par le secteur informel d'entreprises formelles non
rentables peut être préjudiciable à terme au développement et à la croissance
économiques.
On peut démontrer, en particulier, que les
gains de compétitivité-prix résultant de l'utilisation de biens intermédiaires
provenant du secteur informel ont un coût en termes de réduction de la taille
moyenne des entreprises, de la croissance potentielle et des gains de
productivité, ce qui nuit aux résultats économiques à long terme et aux
performances dans le commerce international.
L'économie informelle est associée à une plus
grande vulnérabilité aux chocs économiques, qu'elle rend aussi plus probables.
La combinaison de ces deux tendances peut créer un cercle vicieux, car elle
nuit aux performances à long terme d'un pays, diminue les bénéfices qu'il peut
tirer du commerce et réduit le bien-être économique. La volatilité de la
croissance et la fréquence des phénomènes économiques extrêmes (par exemple
brusque alternance de phases de croissance rapide et de ralentissement) ont
tendance à augmenter avec la taille de l'économie informelle. Les pays où elle
est supérieure à la moyenne ont presque deux fois plus de risque de subir des
phénomènes économiques extrêmes que ceux où l'emploi informel est plus limité.
Les données empiriques présentées dans la littérature confirment généralement
cette association négative entre l'économie informelle et la volatilité des
cycles économiques – l'informalité agissant comme une cause directe de
volatilité accrue et représentant un symptôme de carences institutionnelles qui
rendent un pays moins résistant aux chocs, comme l'absence de stabilisateurs
automatiques ou la présence de distorsions d'ordre réglementaire.
Les différentes études ont montré qu'un taux
d'informalité élevé pousse les pays concernés vers les segments les plus bas,
et les plus vulnérables, des chaînes de production mondiales. Les pays où le
secteur informel est très développé peuvent attirer des types particuliers de
flux de capitaux, liés à l'existence d'un vaste gisement de main-d'Å“uvre bon
marché. Un certain nombre de pays émergents et de pays en développement
semblent avoir essayé, dans le passé, de tirer argument de la taille de leur
secteur informel pour inciter les investisseurs internationaux à profiter des
faibles coûts de main-d'Å“uvre. Certains soutiennent, par exemple, que les zones
franches peuvent abaisser ces coûts par rapport au reste de l'économie par
l'application sélective ou partielle du droit du travail. Mais les
gouvernements peuvent aussi établir ces zones dans les régions et les secteurs
où l'activité informelle est très répandue pour y améliorer les conditions de
travail. Les observations empiriques laissent penser que cet objectif n'a pas
toujours été atteint. Cela tient en partie à ce que le marché du travail
informel et ces zones sont souvent les maillons faibles de la chaîne de
production mondiale, ce qui empêche les entreprises opérant dans ces zones de
s'approprier une part suffisamment grande de la valeur ajoutée internationale
pour croître et innover.
Les conditions de travail locales peuvent
alors s'améliorer dans une certaine mesure – du moins par rapport à la
situation qui existait avant l'ouverture au commerce et à l'investissement –
mais les arrangements de ce type ne permettent guère aux pays de dégager des
bénéfices de l'intégration internationale. Il se peut même que, au bout du
compte, les conditions du marché du travail soient à peine plus favorables que
celles qui existaient avant l'ouverture économique, alors que l'économie peut
être devenue plus vulnérable aux chocs externes.
Les résultats des études examinent trois
moyens d'améliorer la complémentarité entre les programmes de travail prévus
pour encourager le commerce et promouvoir un travail décent. Dans le premier
cas, l'accent est mis sur l'importance de créer des conditions favorisant la
formalisation de l'économie informelle, indépendamment du degré d'intégration
du pays dans l'économie mondiale. Il faut reconnaître que les stratégies de
formalisation ne peuvent pas régler d'un coup les problèmes du marché du
travail dans les pays en en voie de développement. Mais, vu que, dans ces pays,
environ 60 pour cent des actifs travaillent dans l'économie informelle, des
pans entiers de la société sont privés de sources de revenu et de perspectives
professionnelles adéquates. Dans le même temps, des taux d'informalité élevés
limitent les ressources publiques qui pourraient être utilisées de façon
productive, freinent la croissance de la demande globale et entravent
l'intégration des pays dans l'économie mondiale. Les politiques qui permettent
de soutenir les entreprises et les travailleurs du secteur informel – dans le
but de les ramener, à terme, dans l'économie formelle – pourraient donc non
seulement aider à améliorer les conditions de travail, mais aussi alimenter un
moteur important de la croissance.
Il faut faire une distinction entre les
politiques qui favorisent la formalisation des entreprises et celles qui visent
les travailleurs. Dans le premier cas, les politiques peuvent renforcer les
incitations en abaissant le coût de la formalisation et en augmentant les
avantages qu'elle procure. Bien souvent, ce résultat peut être obtenu au moyen
de modifications de la réglementation ou des dispositions administratives qui
n'ont aucun coût budgétaire pour les autorités. La simplification des
formalités, l'allégement de la pression fiscale (en particulier pour les jeunes
entreprises et les petites entreprises) et l'octroi d'une aide aux entreprises
qui souhaitent procéder à l'extension de leur activité sont autant d'exemples
de stratégies que les pays peuvent mettre en Å“uvre. Ces mesures peuvent avoir
un coût budgétaire limité, mais elles procurent des avantages qui peuvent être
importants à long terme. En outre, les marchés publics peuvent être utilisés
pour stimuler la demande de la part de l'économie formelle, ce qui peut inciter
les entreprises informelles à entrer dans le secteur formel. Pour faciliter le
passage des travailleurs informels dans l'économie formelle, les politiques
menées devraient assurer en priorité
a) un soutien aux travailleurs pour qu'ils
sortent du secteur informel,
b) des investissements dans l'infrastructure,
afin d'encourager la productivité dans les entreprises informelles et de
faciliter la formalisation de l'économie informelle,
c) une protection sociale de base pour ceux
qui restent dans le secteur informel. À cet égard, il faudrait mettre
résolument l'accent sur les moyens et programmes de formation destinés aux
travailleurs informels, étant donné la relation (négative) très nette mise en
lumière dans les études entre le niveau d'éducation et le travail informel.
Ces politiques
pourraient s'appuyer, dans la mesure du possible, sur les infrastructures de
formation existant dans l'économie informelle afin de peser moins lourdement
sur le budget et avoir une plus grande efficacité. En outre, pour toucher les
travailleurs informels de la catégorie supérieure, on pourrait modifier le
barème d'imposition et, si possible, adopter un code des impôts très simplifié
de manière à renforcer le respect de la réglementation fiscale et du droit du
travail, à accroître l'offre de main-d'Å“uvre dans l'économie formelle et à augmenter
les recettes fiscales. Cette augmentation des recettes pourrait être mise à
profit pour encourager plus directement la création d'emplois dans l'économie
formelle en mettant en place des dispositifs d'embauche ciblés ou en
subventionnant les salaires. Conjuguées à des possibilités de formation
adéquates, ces mesures pourraient dynamiser considérablement l'emploi dans
l'économie formelle.
Toutefois, de telles politiques ne permettent
pas de toucher tous les travailleurs informels. Aussi faut-il renforcer les
mécanismes permettant de soutenir ceux qui restent dans l'économie informelle
en assurant au moins une protection sociale de base, de manière à limiter la
vulnérabilité sur ce marché et à améliorer le fonctionnement du marché du
travail informel. Mais la crainte que ces mesures puissent avoir un coût
budgétaire élevé, en particulier dans les pays où le secteur informel est
important, explique qu'elles n'aient pas été appliquées plus largement. Les
indications disponibles, toutefois, donnent à penser qu'un minimum social peut
être assuré à un coût abordable sans mettre en péril la viabilité budgétaire.
De plus, dans les pays où l'économie informelle a commencé à s'auto-organiser,
les autorités pourraient soutenir ces mécanismes d'auto-assurance en fournissant
les garanties nécessaires, sans les gérer elles-mêmes. Plus généralement, il
faudrait s'appuyer sur l'effet multiplicateur des collectivités et des
initiatives locales pour faciliter la mise en Å“uvre de ces mesures dans
l'économie informelle et, partant, en améliorer l'efficacité. Le dialogue
social entre employeurs et salariés, notamment à l'échelle nationale, est
capital pour le succès des stratégies de formalisation.
Très important à
savoir (Selon le BIT et l'OIT)
*Sur les 3
milliards d'individus dans le monde ayant un emploi, près des deux-tiers (1.8
milliards) sont des travailleurs informels
*Plus de 700
millions de travailleurs informels vivent dans des conditions d'extrême
pauvreté, avec moins de .25 par jour.
*90 pour cent de
la formation technique et professionnelle en Afrique a lieu dans le secteur
informel.
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Posté Le : 24/06/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : M T Hamiani
Source : www.lequotidien-oran.com