L'entrée en production effective du nouveau méga-complexe pétrochimique d'ammoniac/urée dans la zone industrielle d'Arzew est annoncée pour la mi-mars, a-t-on appris auprès d'un haut cadre siégeant au Conseil d'administration de Sonatrach.La société mixte Sorfert, qui aura à l'exploiter, est née d'un partenariat entre la compagnie nationale et le groupe égyptien Orascom Construction Industries (OCI) avec respectivement 49 et 51% de parts du capital social initial s'élevant à 200 millions de dollars. Elle a pour objet la réalisation et l'exploitation des unités d'ammoniac (2 modules), d'urée (1 module), des utilités et des off- sites à Arzew.Sa capacité de production est respectivement de l'ordre de 2000 t/jour et par module d'ammoniac et de 3250 t / jour pour le module d'urée. Notons que le montant de l'investissement a été évalué à 1,6 milliard de dollars. Passé sous silence, un changement et non des moindres est intervenu : contrairement à ce qui a été initialement convenu, la vente sur le marché international de l'ammoniac-urée algérien ne sera pas du ressort exclusif du partenaire égyptien. Et pour cause, «la création d'une société conjointe de commercialisation (JVC) offshore avec les mêmes parts et dont l'objet social porte sur la vente des produits finis sur le marché international, a été définitivement abandonnée», indique notre source.
La mesure, c'est Ahmed Ouyahia qui l'a prise le 11 janvier 2009 par décision n°01/38 lors de la 38e session du Conseil national de l'investissement (CNI) qu'il préside. Mieux, le Premier ministre a également décidé que tout projet nouveau dans le domaine de l'ammoniac-urée doit être soumis à l'avis du CNI préalablement à sa formalisation, ajoute le membre du CA de Sonatrach. Qu'est-ce qui a bien pu pousser notre Premier ministre à mettre trois longues années pour remettre en cause les termes du protocole d'accord conclu le 4 février 2006 entre Sonatrach (VP/AVAL) et Orascom ' Car dans son article 2, outre la constitution de la société de réalisation/exploitation Sorfert de droit algérien, il était question de mettre en place une société de droit Offshore (en dehors de l'Algérie) dénommée «société de commercialisation» laquelle sera chargée d'acheter auprès de la société de production le produit fini afin de le commercialiser sur le marché international.
Aussi, le Premier ministre s'est visiblement opposé à ce qui avait été décidé par le Conseil de participation de l'Etat (CPE) puisque dans sa résolution n° 19/75 du 4 mars 2007, celui-ci (CPE) avait donné son accord pour la création des deux sociétés conjointes de production et de commercialisation constituées entre Sonatrach et Orascom (OCI-Egypte), le ministère de l'Energie et des Mines alors chargé du suivi de la mise en ?uvre des dispositions de la résolution. Pour notre source, ce revirement obéit à une logique et elle est peut-être la seule : une prise de conscience de la part des pouvoirs publics qui entendent barrer la route au conglomérat égyptien pour qu'il ne puisse pas se sucrer, encore une fois, aux dépens de l'Algérie.
Des contrats à des prix défiant toute concurrence !
Celle-ci semble déterminée à ne pas laisser lui échapper les millions de dollars de marge de bénéfices que Orascom entendait engranger en concevant cet autre stratagème, la création d'une société Off-shore «Sorfert Marketing », en l'occurrence. Comment comptait-il ?uvrer ' La réponse nous est venue de M Avksenti, un courtier international dans la filière des fertilisants, intervenant en mer Noire et surtout en Egypte. Cet intermédiaire a expliqué comment le groupe Orascom avait esquissé son chemin pour faire du complexe d'Arzew un tremplin pour rentabiliser certaines usines qu'il détient à l'étranger. En effet, indique notre source, en 2010 et 2011, les Sawiris d'OCI ont racheté des actifs non rentables d'engrais en Europe. Et, c'est en décrochant le contrat «inédit» de 35 milliards de mètres cubes de gaz naturel algérien sur 20 ans que le boulevard devrait leur être grand ouvert.
En réalité, ce que recherche Orascom : engranger une autre manne de plusieurs milliards de dollars associés à la «plus-value» du contrat de fourniture, à un prix défiant toute concurrence, de 1,75 milliard de mètres cubes/an pour les besoins du complexe d'ammoniac-urée d'Arzew pendant 20 ans -sans altération tout au long de la durée du contrat, met en garde M Avksenti. Et de soutenir : « il faut savoir qu'en Egypte, le gaz coûte 3 à 4 fois plus cher qu'en Algérie. Les 1000 m3 s'achètent à 85 dollars alors que l'Algérie le met à la disposition des entreprises étrangères pour 30 dollars/1000 m3. Obtenu pour un prix de revient très bon marché, Orascom risque d'utiliser l'urée algérienne pour rentabiliser ses usines qui sont ailleurs ». En quoi consisterait justement la démarche de l'empire égyptien '
L'Egypte produit 6 MT d'urée dont une bonne partie est placée sur le marché international. Au lieu d'acheter l'urée d'Egypte où le prix du gaz est très élevé, Orascom aurait la possibilité d'approvisionner les usines qu'il a rachetées en Europe à partir du complexe d'Arzew, indiquera notre source. «Si les Algériens ne prennent pas les rênes de la commercialisation à l'international, l'urée d'Arzew aura inéluctablement des positions dans le portefeuille OCI pour augmenter les moyens de rentabilité. Les prix actuels de 350 à 400 dollars/t laissent une liberté totale aux Egyptiens de maximiser leurs bénéfices», M Avksenti. Pour lui, Orascom n'a jamais été un spécialiste dans l'industrie des engrais. Son entrée dans ce domaine sensible et complexe est intervenue après qu'il ait repris la société égyptienne des engrais détenue par Fort Capital, pour un montant de plus de 50 milliards de dollars.
Une autre source bien au fait de l'épineux dossier Sorfert, ayant requis l'anonymat, abondera dans le même sens en s'interrogeant sur ce qui a bien pu motiver l'Algérie pour faire un tel cadeau de plusieurs millions de dollars à Orascom ' « Si la société de commercialisation offshore venait à être maintenue, fort de ses 51 de parts (la majorité), Orascom va vendre l'urée et l'ammoniac au prix international alors que conformément au contrat gazier dont il a pu bénéficier, le million d'unités calorifiques va lui reviendrait à des prix n'excédant pas les 4 dollars contre 14 dollars, moyenne des cours sur le marché mondial », tient à préciser la même source. Ce qui rendrait légitime la suspicion de plus d'un parmi les spécialistes du secteur autour de la déclaration faite par M. Djaboub où il avait assuré qu'«il n'y a pas de soutien de la part de l'Etat au prix du gaz, ni de subvention déguisée de l'Etat à la société Fertial ou à d'autres».
Pourtant, pour le cas Sorfert, le 27 novembre 2006, et à l'issue de ses travaux d'évaluation et d'examen, le CNI dans sa décision n° 09/09 avait décidé, « d'accorder au projet Sorfert, la même durée de maintien de la stabilité de la formule de calcul du prix du gaz naturel livré à l'usine (Décret exécutif 05-128 du 24 avril 2005) que celle accordée au projet Fertial, à savoir 10 années à compter de la date d'entrée en production de l'usine et d'instruire le DG de l'ANDI à l'effet de négocier la durée des avantages d'exploitation autour d'un objectif de cinq (05) années ».
Est-ce à comprendre qu'en décidant d'exclure l'idée de création d'une société conjointe de commercialisation (JVC) offshore avec Orascom et en édictant de soumettre à l'avis du CNI, préalablement à sa formalisation, tout projet nouveau dans le domaine de l'ammoniac-urée, le premier ministre Ahmed Ouyahia s'était finalement rendu compte de l'attrape-nigaud auquel allait se faire prendre notre pays '
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Posté Le : 05/03/2012
Posté par : archives
Ecrit par : Naima Benouaret
Source : www.elwatan.com