Les villes algériennes, en particulier les grands centres urbains, connaissent aujourd'hui une urbanisation sans précèdent, marquée par un étalement spatial tous azimuts.En outre, les stratégies de planification urbaine mises en ?uvre ont à l'origine occulté la dimension transport dans l'équation : occupation du sol ? transport. Ainsi donc, l'étalement urbain a, d'une part, accentué le dysfonctionnement spatial entre les zones d'habitat et les pôles d'emploi dans les zones périphériques, marqué par d'importants volumes de déplacements migratoires qui se sont étendus et multipliés dans le temps, et entraîné, d'autre part, une croissance considérable du trafic automobile, provoquant ainsi la saturation de la voirie urbaine à tout heure de la journée.
Ce phénomène a aussi eu des effets négatifs sur les conditions d'accessibilité, rendant la durée des trajets assez longue, même sur de courtes distances, sans oublier bien entendu les effets sur l'environnement (pollutions de l'air et sonore).
En somme, l'étalement urbain de nos villes conjugué à l'évolution de la motorisation des ménages ont contribué fortement à la dégradation de l'environnement urbain et du cadre de vie des citoyens, en sus de la mauvaise utilisation de l'espace public et la congestion de la circulation. C'est ainsi que la gestion des déplacements urbains constitue un enjeu majeur pour le cadre de vie urbain et la protection de l'environnement.
Par ailleurs, les problèmes des déplacements urbains dans les villes algériennes sont aujourd'hui posés à une échelle, telle que l'initiative sectorielle sur l'espace urbain ne suffit plus et que la mise en place d'une stratégie de transport suppose une coordination de tous les acteurs chargés de la planification à la fois urbaine et des transports urbains. A ce propos, on souligne que le développement urbain harmonieux de nos villes est tributaire d'une vraie politique urbaine mettant en évidence la cohérence entre urbanisme et transport.
C'est à ce titre que nous avons jugé important d'examiner succinctement dans cette contribution le contenu des évolutions législatives et réglementaires relatives à l'urbanisme et au transport, et de situer la cohérence entre ces deux domaines, si cohérence il y a.
Les principales dispositions ayant été prises dans ce domaine sont essentiellement contenues dans la loi 90-29 du 1er décembre 1990, relative à l'aménagement et à l'urbanisme, modifiée et complétée par la loi 04-05 du 14 août 2004, introduit par le décret exécutif n°91-177 du 28 mai 1991, le Plan directeur d'aménagement et d'urbanisme (PDAU).
Ce nouvel instrument d'urbanisme se considère à la fois comme un guide de gestion urbaine et de prévision pour les gestionnaires des communes.
Les articles de ladite loi, notamment l'article 11, stipulent clairement que le PDAU fixe les orientations fondamentales de l'aménagement du territoire et détermine les prévisions et les règles d'urbanisme.
La loi spécifie également que le PDAU tient compte des schémas d'aménagement et fixe les références des plans d'occupation des sols de la commune ou des communes, c'est-à-dire les périmètres des POS à réaliser. L'interprétation de cet article nous amène à nous poser des questions sur les schémas dont il s'agit. Il semble, à notre avis, et compte tenu de la loi sur l'aménagement du territoire en vigueur, que le PDAU doit respecter les orientations des schémas national et régional en matière de programme d'équipements et d'infrastructures.
D'une façon générale, le PDAU est un instrument de planification à long terme, dans la mesure où il prévoit l'urbanisation future et ses règles.
Par ailleurs, comme dispositif de mise en ?uvre du PDAU, le POS doit assurer la continuité stratégique requise. Il faut, pour cela, que le plan directeur ait été conçu en fonction des possibilités de mise en ?uvre que permet le POS. Inversement, le POS doit être calculé en fonction des lignes stratégiques définies par le PDAU.
De ce fait, le POS indique aux acteurs de l'urbanisation et de la construction une réglementation de droit des sols (ce qui est autorisé et ce qui est interdit), ainsi que les principales conditions et caractéristiques de l'urbanisation et de la construction ; il fixe, dans le détail, comme son nom l'indique, les contraintes d'occupation des sols.
En somme, il y a lieu de noter que dans son contenu, la loi ne fait pas référence au plan de transport qui devrait suivre le scénario stratégique d'urbanisation arrêté dans le PDAU, et c'est regrettable, car cet arbitraire n'a pas été sans conséquences sur le désordre vécu dans nos villes.
Or, il est connu, hier comme aujourd'hui et dans plusieurs pays du monde, que le transport collectif, notamment les transports collectifs sur site propre, constituent le pilier fondamental dans la structure et le développement urbain des villes.
En revanche, cette même loi prévoit dans son article 7 que toute construction à usage d'habitation doit inclure l'existence de réseaux d'eau potable et d'assainissement, d'où le fait que l'élaboration du PDAU accompagne souvent la constitution des dossiers de ces réseaux techniques. Dans le même temps, la dimension transport est complètement occultée dans la réglementation, alors qu'elle constitue un point fondamental dans le scénario du développement urbain.
La loi n°01-13 du 7 août 2001 portant orientation et organisation des transports terrestres abroge les dispositions de la loi 88-17 du 10 mai 1988. Elle est constitué de 67 articles et commence par définir les différents types de transport : transport terrestre, transport public, transport pour son propre compte et le transport combiné intermodal.
En outre, elle reprend dans sa globalité les mêmes dispositions que la loi 88-17. Certes, la nouvelle réglementation introduit le concept de plan de transport dans l'article 40 qui édicte : «Les transports terrestres de personnes sont organisés dans le cadre d'un plan de transport national et de plans de transport de wilaya et urbain. Ces plans constituent des instruments d'orientation et de développement des transports terrestres à moyen et long termes.
Ils doivent définir les moyens à mettre en ?uvre en termes d'infrastructures, d'équipements et de services, ainsi que l'organisation générale des systèmes de transport, en vue de satisfaire la demande prévisible de transport aux meilleures conditions de sécurité, de coût et de qualité de service.»
A ce propos, le concept de plan de transport urbain reste trop général, voire ambigu, et le plan de transport urbain auquel la loi fait référence semble avoir été limité aux seuls services de transport.
Quant à la question relative à la planification urbaine et à celle des transports, elle ne figure nulle part dans ladite loi, de plus, aucun article ne fait allusion à la coordination des plans d'urbanisme et de transport urbain. Dans ce cadre, ce vide juridique complique davantage la planification et la gestion des transports urbains dans le contexte urbain de nos villes.
Une politique cohérente et efficace de transport ne peut être mise en ?uvre que s'il existe des plans globaux aux différents niveaux de décision qui définissent la politique des transports. Ces plans, pour être efficients, doivent être en harmonie avec les différents plans de planification de l'occupation des sols.
De ce fait, l'interaction entre la planification des transports et la planification urbaine doit être reconnue dès les premières étapes de la planification. Les objectifs stratégiques, traduits en termes pratiques d'outils d'exécution et de contrôle des résultats, doivent faire partie de tels plans.
Les modalités de planification et de réglementation des transports collectifs sont de la plus haute importance. En raison de leur interaction avec l'occupation des sols, les transports collectifs doivent être soigneusement intégrés à la planification de la structure urbaine et de son financement dans le cadre d'un plan d'urbanisme à long terme. Le secteur public doit définir la stratégie, identifier les projets d'infrastructure avec un certain degré de détail, y compris les tracés en long et en plan, et s'assurer de l'acceptabilité de l'impact environnemental, de la tarification et de toutes les modifications du système de transport en place.
La coordination physique (pour promouvoir l'intermodalité) et la coordination tarifaire (pour encourager l'utilisation des transports collectifs) doivent faire l'objet d'un plan global de déplacements urbains reflétant une bonne compréhension de la relation entre les transports routiers motorisés et d'autres modes de transport. La gestion de l'exécution doit être intégrée et des mesures doivent être prises pour faciliter la coordination entre les intervenants publics et privés.
En somme, la mise en place d'une politique cohérente entre urbanisme et transports doit constituer une priorité afin de renforcer le report modal vers d'autres modes de transport dans une perspective de développement durable. Ainsi, le développement des modes doux pour les déplacements de proximité, pour ne citer que cet exemple édifiant, devrait constituer avec les transports collectifs le pilier fondamental de toute politique de planification ou d'aménagement urbain durable pour nos villes de demain.
Par Baouni Tahar
Professeur à Ecole polytechnique d'architecture et d'urbanisme (EPAU) et directeur du laboratoire de recherche, Ville, urbanisme et développement durable (VUDD).
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 07/09/2020
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Baouni Tahar
Source : www.elwatan.com