Algérie

Les démunis préfèrent le repas à domicile Ramadhan à M'sila



Les démunis préfèrent le repas à domicile                                    Ramadhan à M'sila
Désormais, pour rejoindre Bou Saâda ou M'sila, l'autoroute Est-Ouest fait gagner en aller-retour à un taxieur près d'une heure. On évite désormais ce qui fut des haltes obligées pour « l'Apprenti ». On roule jusqu'à El Mhir, puis on fonce vers le Sud à travers les plateaux nus du Hodna.
En cette journée de Ramadhan, la chaleur est souveraine à notre arrivée. Elle fait plier tout le monde à sa volonté. Cela ne dissuade pas pourtant quelques vieilles personnes à venir attendre près du siège du Croissant-Rouge algérien (CRA). Khaled Boudiaf, le responsable du comité de wilaya, est contraint de répéter à chaque fois que l'organisme ne s'occupe plus de la distribution du couffin. L'homme, un ancien de la SNS, est retraité mais n'est pas insensible à la détresse des autres. « Ce mois nous met sur la brèche, la demande est importante », dit-il. Une jeune étudiante en histoire tient son secrétariat. Elle connaît à l'unité près le nombre de plats distribués chaque jour au niveau des sept restaurants ouverts sur toute l'étendue de la wilaya qui compte 47 APC. Deux sont situés au chef-lieu. Le premier réservé aux voyageurs est près de la gare routière. Nous sommes en début de journée et déjà 1.200 baguettes de pain ont été livrées, et dans ce qui fait office de cuisine quatre femmes bénévoles s'affairent. L'une lave et astique la vaisselle et l'autre découpe la courgette. « Mon mari est sans emploi et j'ai dû travailler pour 6.500 DA au restaurant de la wilaya », affirme l'une d'elles. Avec sa fermeture durant ce mois, elle donne un coup de main et repart le soir avec quelques denrées pour sa famille. Un petit air de fête vient à passer. Revêtus de beaux costumes mais intimidés, quatre enfants prennent des photos avec leurs parents. Chaque jour, un groupe à bord d'un minibus part se faire circoncire à l'hôpital. Le 27 du mois de Ramadhan, une fête est prévue en l'honneur des 60 enfants qui se sont inscrits pour l'opération cette année.
LE CRA SERT PLUS À DOMICILE
Alors qu'il ne restait qu'une vingtaine de minutes pour la rupture du jeûne, les rangées de longues tables peinent à se remplir. Ils seront une cinquantaine seulement. Cela n'a rien à voir avec Alger où il faut réserver sa place deux heures auparavant, sinon plus. « Nous servons un repas complet et amélioré sur place mais d'autres personnes viennent récupérer un repas et repartent manger chez eux », indique M. Boudiaf. Parmi ceux qui prennent place, des personnes âgées comme cette vieille qui vit seule, une femme et ses deux enfants qui n'a pas de ressources mais aussi quelques jeunes venus d'autres wilayas pour travailler sur des chantiers ou ouvrir des échoppes. « Ce qui explique ce peu d'affluence est l'absence des jeunes qui, souvent vers fin août ou début septembre, viennent passer divers concours. L'an dernier, on assurait même deux services, mais cette année, le nombre de ceux qui viennent a sensiblement diminué », explique M. Boudiaf.
Un homme en djellaba d'une blancheur immaculée était de passage au CRA pour récupérer des denrées alimentaires. Il s'occupe du centre de Aïn El Melh, localité située 120 km plus au sud. Le CRA prend en charge 400 familles alors qu'elles n'étaient que 265 l'an dernier. « Nous servons seulement 80 repas par jour », ajoute l'homme qui fournit une raison inattendue pour expliquer ce peu d'affluence : « Nous sommes une région connue pour sa production de carottes, et des dizaines de camions venaient à la saison de la récolte, mais celle-ci n'est pas encore arrivée. » Ajouter aussi des travailleurs des chantiers de Kahrif qui auraient préféré prendre leurs congés.
A Aïn El Melh, les chiffres parlent d'eux-mêmes. A la mi-Ramadhan, 22.772 repas à domicile ont été distribués par le restaurant du CRA alors qu'à table on n'a servi que 1383 », confie l'homme à la djellaba. Même situation à Bou Saâda où le décompte fait ressortir 18.293 plats servis à domicile et 3.650 dans les restaurants.
AMES CHARITABLES
Les nécessiteux sollicitent-ils d'autres organismes ' La solidarité n'est pas du ressort exclusif du CRA. L'APC apporte aussi, pour la cinquième année consécutive, une aide financière de 3.000 DA qui, cette année, sera allouée à 7.000 familles. La DAS (Direction de l'action sociale) a distribué 280 lots pour la seule ville de M'sila. A Sidi Aïssa, le retard et le manque d'informations ont par contre suscité la colère des démunis dans cette région où les conditions sociales sont plus dures. Le maire MSP de M'sila, Amar Boudjrioui, estime qu'il « faut parler davantage de nécessiteux car, explique-t-il, même avec un salaire d'enseignant à l'université, on ne satisfait pas tous les besoins de la famille, que faut-il dire d'un fonctionnaire, d'un ouvrier qui touche 20.000 DA ». Les travailleurs de la voirie ouvrent ainsi droit à cette aide de 3.000 DA après que l'APC eut poursuivi en justice la tutelle qui l'avait refusée. Le P/APC loue la participation des comités de quartier qui contribuent à l'élaboration des listes des nécessiteux et à la distribution des lots. La question fuse d'elle-même, à quoi servirait 3000 DA ' La réponse est celle d'un homme qui, au contact du terrain, sait qu'il faut gérer avec doigté. « Il vaut mieux donner moins à plus de gens que beaucoup à moins de gens car cela serait la vie ouverte aux spéculations. » Contrairement à une idée reçue, M'sila qui compte 200.000 habitants n'a pas bénéficié de grands projets d'investissements qui sont, comme la cimenterie Lafarge, implantés dans d'autres communes, fait remarquer l'édile.
Par contre, la ville a connu une expansion anarchique où il est impossible de repérer le centre-ville. Celle-ci avait été favorisée jusqu'à une certaine époque par les facilités d'accès à la propriété foncière. « Le mètre carré s'était vendu à 400 DA mais aujourd'hui la Sonelgaz n'a pas trouvé un espace de 25 m2 pour bâtir un poste », souligne M. Boudjrioui. La population souffre des pénuries d'eau qui n'est distribuée qu'un jour sur deux ou trois, voire plus dans des lotissements périphériques. Certes, 120 familles de deux bidonvilles ont été relogées cette année, mais les poches de précarité existent dans la ville. Le travail manque pour des centaines de jeunes qui assiègent la DAS afin d'obtenir un emploi. « Dans les douars, beaucoup de jeunes se rendent surtout en Kabylie ou dans la Mitidja pour trimer dans les chantiers », assure Ali qui travaille dans un garage de tôlerie.
Il serait pourtant erroné de croire que la ville et sa région ne sont peuplées que de pauvres. Il existe aussi des entrepreneurs, des chefs d'entreprises, des importateurs. L'un d'eux, Dilmi, propriétaire de la laiterie El Hodna, « nous fournit ce que nous voulons en produits laitiers », confie-t-on au CRA. D'autres personnes, en toute discrétion ou publiquement, comme pour l'association El Ihsan, tendent également la main aux démunis. Les scouts qui ont ouvert quelque cinq locaux pour fournir une aide, comptent sur l'implication des citoyens. « A Boukhmissa, sur la route qui mène vers Bordj, chaque jour une famille prépare ou la chorba, ou le plat de résistance destinés aux passagers. »
Un membre de l'association El Irchad oua El Islah, qui apporte aussi sa contribution, estime que nul pays au monde n'a éradiqué complètement la pauvreté. « L'Algérien ne connaît pas de famine mais nous devons nous entraider pour ne pas oublier nos frères. C'est une recommandation vive de notre religion », dit-il. Elle semble trouver sa pleine traduction en ce mois de Ramadhan. Mais après, qui se souviendra toujours de ceux qui ont peine à vivre '


Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)