Ces derniers jours, la presse a rendu compte de graves exactions qu'auraient subies des enseignants algériens en Egypte où ils étaient en mission pour le compte de l'université Ferhat Abbas de Sétif. Les services spéciaux de la police égyptienne les auraient séquestrés pendant 41 heures dans un centre de torture où ils durent subir le traitement adéquat pour « l'extraction de l'information » avant d'être embarqués dans l'avion qui les reconduira chez eux, en Algérie. Terroristes ces enseignants algériens ? Si c'était le cas, cela devrait remplir d'aise les dirigeants égyptiens qui nous avaient fourgués, du temps où l'Algérie pouvait leur suffire et nous suffire, sous couvert de douctours, tous les savetiers et autres vendeurs à la sauvette pour nous soustraire à l'influence de l'Occident et nous inculquer le virus de l'islamisme. Mission accomplie. La violence islamiste, subséquente aux enseignements égyptiens, a fait de nous des parias du monde civilisé. Notre pays est devenu infréquentable pour les étrangers qui ne viennent plus chez nous que le temps d'une mission éclair qui leur permet de nous soulager de quelques milliards de dollars en contrepartie de produits devenus obsolètes chez eux. Quand aux Algériens, là où ils se rendent à l'étranger, ils sont vécus comme des terroristes potentiels. Et cela ne date pas du 11 septembre 2001. Ce fut dans les années 90, au plus fort du terrorisme algérien que je fus moi-même soumis à la « question » au niveau de la frontière russo-ukrainienne pour me faire avouer le véritable dessein de mon déplacement à Kiev. Déplacement auquel les documents dont j'étais porteur attribuaient des raisons scientifiques. Un algérien allant contribuer à la compréhension d'un phénomène physique, au milieu d'un gotha de professeurs russes et occidentaux ! On ne la joue pas aux Soviétiques. Pour la police des frontières, qui dans un premier temps n'avait cherché qu'à me soutirer quelques dollars, je devais être traité comme le terroriste que j'étais censé être, et je fus traité comme tel. A mon retour en Algérie, je ne me suis pas contenté de me plaindre aux autorités, j'avais raconté dans un long article de presse comment je fus jeté sur la banquette arrière d'une voiture de tourisme, à côté d'un chien qui n'attendait que l'ordre qui lui aurait permis de me savourer. Peut-être fut-il le seul des occupants du véhicule à regretter qu'on me larguât au beau milieu de la nuit dans une immense forêt aux portes de Moscou avec comme seul renseignement : « En traversant la forêt, vous tomberez sur un abribus et dans une heure ou deux le premier bus passera. » Un lecteur de l'époque aurait, semble-t-il, entendu mes dents claquer à la lecture de mon récit. En repensant aujourd'hui encore à l'officier de police qui m'interrogeait, menottes pendantes dans une main et le pistolet tournoyant autour de l'index de l'autre main, j'ai des sueurs froides. L'objet de ce papier n'est bien sûr pas de parler de la roulette russe et des frissons qu'elle procure quand elle est essayée sur vous ; il ne s'agit pas non plus de rééditer le papier publié dans un hebdomadaire de l'époque, ni même d'accabler les Ukrainiens dont j'eus à apprécier le sens de l'hospitalité dans le bus Moscou-Kiev où l'on me fit goûter leur liqueur à toutes les sauces et de solidarité quand ils se mobilisèrent pour me libérer du poste de police où j'étais retenu... J'ai juste envie de parler, très brièvement, de l'université où l'on me verse ma part de la rente pétrolière. Ou plutôt non, le sujet est trop vaste, je me contenterai de parler de l'enseignant universitaire, sauf votre respect. Et même là je me limiterai à l'évocation du cas d'un enseignant universitaire lui aussi traité de terroriste en son temps par... les autorités algériennes. Cet universitaire qui défraya la chronique un certain été s'évapora pour ne réapparaître que comme un mirage que les autorités s'empressèrent de chasser du fin fond du Sahara algérien. Aujourd'hui, son spectre s'annonce carrément dans la capitale pour tenter d'expliquer au Algériens le sens du projet d'intégration de leur pays dans l'Europe. Projet conçu bien sûr de l'autre coté de la méditerranée. Cet universitaire fait partie de ces enseignants qui se sont crus, à un moment, investis de la mission suprême de faire rayonner l'université algérienne sur son environnement en y diffusant des idées de démocratie et de justice sociale tout en suggérant l'observation d'un minimum de moralité dans ce pays sue lequel les dirigeants en poste et ceux qui sont à l'affût pour les remplacer continuent de s'acharner comme des prédateurs. Beaucoup de ces enseignants auront appris à leur dépens qu'il faut assister impassible au dépeçage de ce pays, sinon... ...Et Bensaad, l'ex enseignant de l'université de Constantine, puisque c'est de lui qu'il s'agit, faillit passer par les armes. Â Au fait, qu'est devenu cet enseignant condamné à mort pour terrorisme, se demanderont beaucoup de ceux qui avaient suivi le feuilleton de cet été là ? Maître de conférences en France ! A se torturer l'esprit pour savoir s'il doit continuer d'exercer pour quelques milliers d'euros alors que la tasse de café est, selon notre ministre de l'enseignement supérieur, à 4 euros ou bien rentrer chez lui et boire du café à gogo, à même le broc, avec une paye qui, moyennant les augmentations annoncées atteindra peut-être un jour la retraite d'un sergent ! Et que sont devenus ceux qui ont failli l'envoyer au bûcher ? Motus et bouche cousue ! Parlons plutôt de l'actualité et de sa banalité. Le prix du pétrole flambe, les appétits s'aiguisent et les clans redoublent de férocité. Normal. D'Europe on nous renvoie nos jeunes, morts ou vifs. Les fonctionnaires crient famine. De l'Orient on nous renvoie nos enseignants, humiliés et offensés. Stoïques, les autorités ne réagissent pas. Normal. Puis il y eut ce Ban Ki-Moon et sa proposition de regarder d'un peu plus près la marmite algérienne. Et là, les autorités qu'on aurait crues inexistantes donnèrent de la voix : « Qu'est ce que ce machin là qu'on veut introduire dans notre maison en verre ?! » Au nom de ces jeunes harragas repêchés pour être emprisonnés, au nom de ces fonctionnaires qui auront leur minable augmentation de salaire concomitamment au vote massif qu'ils ne manqueront pas d'accorder à la proposition de révision de la constitution, au nom de tous ces abstentionnistes que les conditions climatiques empêchèrent de prendre part au simulacre de vote devant couvrir la répartition de quotas, les gardiens des puits de pétrole crient à l'ingérence et invoquent la souveraineté. Effrayé, Ban Ki-Moon cacha le machin qu'il agita à un moment. De ce Ben Brik aussi il faut se méfier comme de la peste. Qu'a-t-il à venir présenter son livre à Alger. C'est fini la culture arabe à Alger. Qu'il aille à Damas ! Non, il ne veut pas partir à Damas. Ben Brik n'est pas Arabe et il veut rester Berbère en Tunisie. Soit ! Mais qu'il ne vienne pas nous chanter à Alger même que l'Algérie risque de devenir un duplicata de la Tunisie. Eh ben justement§ Beaucoup comme lui pensent que cela risque de survenir et même que c'est déjà en voie, avec la bénédiction de Politiques intéressés. Mais les gens qui pensent sont méprisables par les régimes totalitaires. Le mépris affiché par le système politique algérien à l'égard de tout ce qui peut réfléchir n'a d'égal que sa voracité. Le seul critère d'appréciation qu'il admet est la servilité. Les tenants des rênes n'ont de respect que pour ceux qui les servent, directement ou indirectement, en « encadrant » la société ou en intervenant comme pompiers là où ça se met à bouillir. Les lycéens sont dans la rue, des doigts se lèvent promptement pour proposer leurs services : souffler sur la colère juvénile et ramener les adolescents à la raison en menaçant leurs parents. Car il est dit, parole de démiurge, que la politique, la protestation, la contestation, la répartition ne se feront plus qu'au sein des institutions. Alors nous les entendons résonner ces institutions. Chambre basse et chambre haute crient à l'unisson: « Non à l'alternance, qui ne serait qu'un concept néo-colonialiste ! » Naame, amen ! Nous les écoutons lâchement. Nous les attendons qu'ils nous votent des lois répressives pourvu qu'elles soient accompagnées d'une petite augmentation Mais les lycéens n'en ont cure de notre veulerie et de nos calculs. Loin de la mesquinerie des arrangements obscurs, ils sèchent les cours et marchent en répétant à qui veut les entendre parmi ceux qui guident de l'ombre : - vous avez de l'argent, vous importez tout. Mais un programme scolaire n'est pas un pantalon « made in ». et une réforme universitaire se discute à l'université et non pas dans des chambres où l'on vote des pieds et des mains pour acquiescer. Les réformes universitaires et les programmes scolaires se conçoivent et s'appliquent par des enseignants et non par des serviteurs zélés du prince même si ce dernier, à loisir, peut décréter bon ou mauvais un résultat d'examen et comble d'ironie demander, en prenant à témoin l'opinion, à des pédagogues de le rectifier selon ses v?"ux. Et les pédagogues s'exécutent sans rechigner, et les ministres continuent d'inaugurer, et les chambres de résonner de plus en plus fort et mon fils d'espérer que quand il passera son bac et que le fort coefficient de l'arabe fera inévitablement chuter sa moyenne, il pourra compter sur cet appel au relèvement du score que Zorro ne manquera pas de lancer. Alors je dois dire que mon lycéen de fils fut un moment contrarié d'entendre ce zigoto qui donna la frousse à beaucoup d'autre par ce suspense introduit dans son laïus à la télévision. Je crus moi-même, l'espace d'une fraction de seconde que l'Algérie avait fait un bond vers la liberté. « Ils parlent d'un troisième mandat...» Le citoyen « lambda » interviewé par la télévision algérienne trina un moment avant d'enchaîner : « Ce n'est pas d'un troisième mandat qu'il faut parler mais... d'un quatrième, un cinquième... d'un mandat illimité ! » Ouf ! Le bon est fait, mais en arrière. Plus loin que la Tunisie. Jusqu'en Arabie. Faut-il désespérer définitivement de ce pays ? peut être pas puisqu'il y a cette lueur d'espoir provenant de ces utopistes de lycéens qui se mêlent de leur avenir. Ces lycéens seraient-ils les seuls entêtés de l'histoire ? Ils s'impliquèrent dans le combat pour l'indépendance du pays, ils libérèrent Tamazight et maintenant ils s'intéressent au système éducatif, chasse gardée du système.
* Enseignant-chercheur-écrivain.
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Posté Le : 03/02/2008
Posté par : sofiane
Ecrit par : Aomar Ait Aider
Source : www.lequotidien-oran.com