Algérie

Les crimes et les mots



Dans le débat sur l?« amnistie générale » s?est subrepticement glissée l?expression douteuse de « tragédie nationale ». Si elle signifie violence et horreur, celle-ci n?identifie pas les auteurs de la crise des années 1990 et place les protagonistes sur un même niveau, comme si les dix années de meurtres et de destructions étaient l??uvre de martiens et comme s?il n?y avait eu ni bourreaux ni victimes. En réalité, ce terme n?est pas innocent ; il participe d?une démarche politique visant à brouiller les cartes de la crise de la dernière décennie dans le but de gommer l?existence d?une insurrection armée à visage religieux à l?assaut de la société et de l?Etat républicain. La « tragédie nationale » suggère qu?il n?y avait eu aucune motivation politico-idéologique durant la crise et que les meurtres et les destructions ne pouvaient être l??uvre que d?« égarés » ou, comme les avait un moment prudemment qualifiés un ex-chef d?Etat, de « mercenaires » et de « bandits ». Déjà au c?ur de la violence, les groupes terroristes étaient qualifiés par divers milieux, à l?intérieur et à l?extérieur du pays, de « groupes armés d?opposition » avant que ne soit introduit le fameux « qui tue qui ? », doigt accusateur pointé sur les services de sécurité, notamment lors des grands massacres de Raïs et Bentalha. La « tragédie nationale » s?inscrit dans un objectif : obtenir de l?« amnistie générale » le blanchiment des actes de violence et arriver au « grand pardon » sans que les auteurs des cent mille morts, des traumatismes sans fin et des milliards de destructions soient connus, jugés et condamnés. C?est la négation de la réalité, de la justice et de la vérité et c?est l?histoire mystifiée, y compris la plus proche de nous, pourtant façonnée par le terrible attentat de New York : au-delà du drame humain, ce dernier a eu pourtant la particularité de dévoiler à l?échelle mondiale l?existence et la barbarie du terrorisme à couverture et à justification religieuses. Chez nous, il a puissamment aidé à l?éradication du phénomène en même temps qu?il a contribué à la mise à nu politique de l?intégrisme islamiste. Certes, sur l?« amnistie générale », c?est à la société de dire son dernier mot, mais encore faut-il qu?elle échappe à l?emprise des mystificateurs et des directeurs de conscience bien actifs au sein de la sphère politique.


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