Algérie

«Les coûts des stockages ne sont pas connus» Slimane Bedrani. Professeur à l'INA et directeur de recherches au Cread



- La facture des importations de blé s'élevait à 913,34 millions de dollars au cours des cinq premiers mois de cette année contre 841,88 millions de dollars à la même période en 2012, malgré une baisse de plus de 5,22% des quantités importées. L'OAIC, principal importateur public de céréales, évoque des achats en fonction de la conjoncture du marché international. Quelle analyse faites-vous '
Une hausse de 8,5% du coût quand il y a une baisse de 5,2% des quantités importées n'est pas, évidemment, une bonne chose pour l'Algérie, d'autant plus que le prix du blé connaît une tendance à la baisse en 2013 par rapport à 2012 d'après International Grains Council. Mais acheter des produits agricoles au meilleur prix sur le marché international requiert une solide formation de trader alliée à une non moins solide expérience du marché mondial des céréales. Même si l'OAIC emploie des traders ayant la formation désirée et l'expérience du marché des céréales (ce qu'il faut espérer), il n'est pas à l'abri d'erreurs d'appréciation qui se traduisent par des pertes pour lui et pour le pays. Si ce type de traders existe à l'OAIC, l'erreur sera sans doute compensée plus tard par des gains faits grâce leur flair dans l'évolution des cours.

- Ce sont particulièrement les importations de blé tendre qui alourdissent la facture. Cette tendance semble s'inscrire dans la durée'

Il est normal que le blé tendre connaisse une tendance lourde à l'augmentation de sa consommation et donc à l'augmentation de son importation puisqu'il sert à fabriquer le principal aliment consommé par les Algériens, le pain. Tant que le prix de la farine et du pain sera maintenu au niveau très bas où il est pour tous les consommateurs (riches et pauvres), la tendance à la hausse se maintiendra. Ce qu'il faut donner aux citoyens, ce que demandent ces derniers, c'est du travail producteur de richesses, pas du pain quasiment gratuit ! Par ailleurs, il est possible de faire fléchir la tendance à la hausse en menant une politique plus conséquente d'encouragement à l'augmentation des rendements, rendements qui restent encore faibles par rapport à ceux obtenus dans d'autres pays méditerranéens (calculé sur les données de la FAO, sur les cinq années 2007-2011, le rendement moyen du blé en Italie est 2,6 fois celui de l'Algérie, en Espagne 2,2 et en Tunisie 1,3).

- Le choix de disposer d'une marge de sécurité de six mois de stocks tel qu'il est adopté par le gouvernement est-il judicieux, selon vous '

Ne disposant pas des éléments nécessaires pour calculer la marge optimale, il est difficile de répondre à cette question. Une marge importante permet, en théorie, de mieux moduler les achats sur le marché mondial pour profiter au mieux des variations des cours. Mais cela a un coût qui est celui du stockage (construction d'infrastructures de stockage et frais de fonctionnement de ces infrastructures) et du risque de détérioration des produits. Voilà un sujet de recherche (calcul de la marge optimale de sécurité) que pourrait proposer l'OAIC aux chercheurs en économie dans le cadre de la recherche «utile» prônée par la direction générale de la recherche scientifique et développement technologique.

- Le stockage des volumes importés a pour objectif d'éviter toute grogne sociale. Ne pensez-vous pas que l'Algérie est à la merci d'un retournement du marché boursier des céréales '

L'offre à l'exportation de produits agricoles alimentaires ne représente qu'une très faible part des quantités produites, essentiellement destinées aux marchés intérieurs des différents pays producteurs ; par exemple, seulement 10% de la production mondiale de blé fait l'objet d'exportation.
Par ailleurs, au niveau mondial, offre et demande de produits agricoles alimentaires sont peu élastiques (elles varient peu par rapport à la variation des prix). De ce fait, une variation, même faible, de l'offre ou de la demande, peut entraîner une très forte variation des prix. C'est pour cela que la constitution de stocks judicieusement dimensionnés est utile. Avec les moyens actuels de prévision des récoltes, les «retournements» brusques des marchés sont, et seront, de plus en plus rares.


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