Le siège du groupe Saipem«Nous avons entendu beaucoup de témoins, mais il semble qu'ils n'ont rien vu ni entendu, c'est grave que les membres de la commission d'ouverture des plis ne savent rien.»Le juge Reggad aborde cette seizième journée du procès Sonatrach1, par l'audition des témoins en relation avec le projet de réalisation du projet GK3, du gazoduc reliant l'Algérie à la Sardaigne, pour un coût de 4300 milliards de centimes, et géré par la directive Sonatrach R15. Le premier témoin à se présenter à la barre, Lamoudi Fadila, présidente de la commission commerciale, à l'ouverture des plis, qui renseigne la cour que la commission avait enregistré une surévaluation des prix et qu'elle l'avait signalée à la direction. Elle précise que la P-DG avait autorisé de poursuivre la consultation en raison de l'aspect urgent du projet. Ceci, en plus du fait que des rapports réguliers étaient adressés au ministre pour l'informer de la situation.Suite à quoi, le témoin Chekirat Hocine, responsable du transport explique que le P-DG est le seul garant de cette directive, et qu'à ce titre, il est chargé de l'exécution et du contrôle, et d'un autre côté, il a le pouvoir d'y déroger. Le témoin revient sur les circonstances de l'appel d'offres et précise que l'offre technique avait donné lieu à deux soumissions seulement, ce qui a obligé la commission technique à demander l'accord du P-DG pour poursuivre les consultations. Ce qu'elle a obtenu.Le juge revient sur les prix annoncés et précise que la commission d'ouverture des plis avait signalé une surévaluation de l'ordre de 68% par rapport au marché, et 118% par rapport au budget. A ce moment, l'avocat de Zenasni demande une confrontation et indique que ce dernier est arrivé au projet à la phase de la consultation commerciale. Le témoin, Zenasni, explique qu'il ne pouvait annuler la consultation à ce stade car cela aurait engendré des répercussions financières négatives pour Sonatrach, d'autant plus qu'il avait l'aval du P-DG pour poursuivre.Pour les observateurs, il est clair que chacun des deux témoins essaie de rejeter la responsabilité sur l'autre. Et pour cause, le contrat fut signé de gré à gré avec Saipem, au moment où le fils du P-DG, Mohamed Réda, était consultant dans la même société.Mais en réalité, la consultation arrivée à deux soumissions seulement, devait être annulée en phase technique ou en phase commerciale, du fait que c'est un constat d'infructuosité.A ce stade du procès, le juge Reggad annonce la fin des auditions des témoins dans l'affaire Saipem et l'ouverture de celle concernant les témoins dans l'affaire de rénovation du siège de Ghermoul. A cet effet, Lourari Abdelmajid, président de la commission d'ouverture des plis, se présente à la barre. D'emblée le juge Reggad l'interroge sur sa connaissance du dossier, le passage de l'appel d'offres à la signature de gré à gré, et la comparaison avec les autres sociétés, en l'occurrence espagnoles qui ont soumissionné. Le témoin avance qu'en tant que directeur financier, il était au courant de ces étapes, mais qu'il n'avait pas la capacité de comparer les offres. Intervient alors la question de l'avocat de la défense, qui demande au témoin de préciser qui avait la responsabilité de l'opération de l'ouverture des plis et le pouvoir d'annulation de la soumission. Le témoin précise que M.Benabbès avait la responsabilité de l'opération et que l'annulation devait provenir de Zenasni Bousadja Noureddine, Bechari Mehdi, Touahria Ennoui, Benamar Sidi Mohamed, et Benmelouk Abdelatif, membres de la commission d'ouverture des plis, pour les offres des bureaux d'études pour la rénovation du siège de Ghermoul, se succèdent à la barre, et attestent que leur tâche ne consista qu'à la vérification et à la bonne tenue des dossiers d'offres présentés.Dans une déclaration à L'Expression, Me Chaïb Sadek, revenant sur les déclarations des témoins, souligne que «nous avons entendu beaucoup de témoins, mais il semble qu'ils n'ont rien vu ni entendu, c'est grave que les membres de la commission d'ouverture des plis ne savent rien. D'autant plus que nous cherchions à déterminer les responsabilités de chacun dans le passage des offres d'une direction à une autre pour finalement se transformer en un contrat de gré à gré. C'est précisément ce qui nous amène à nous interroger sur le fondement de la directive R15, et son ancrage dans le Code des marchés et des appels d'offres internationaux», nous confie-t-il.Par ailleurs, d'autres avis parmi les avocats de la défense, expliquent que Sonatrach ne puisait pas ces financements du Trésor public, mais s'autofinançait et qu'à ce titre, elle n'obéissait pas au Code des marchés publics, une hypothèse très peu partagée.Le juge Reggad reprend les auditions en accueillant Benabbès Mohamed, président de la commission d'ouverture des plis, qui indique que pour le choix du bureau d'études, il y a bien eu ouverture d'un appel d'offres international qui a été interrompu et le dossier récupéré par la direction centrale, sous prétexte que notre commission n'avait pas les compétences pour évaluer techniquement les offres. Suite à quoi, M.Rahal directeur exécutif de la commercialisation, retourne le dossier à la commission avec l'orientation de procéder au gré à gré pour la signature. En ce qui concerne la réalisation de la rénovation du siège de Ghermoul, le témoin précise qu'il a eu l'établissement d'une «short- list» qui est passée à la commission pour évaluation, ce qui a réduit le nombre des entreprises à deux seulement.Or, à ce sujet, la R15 à travers son article 4 stipule que lorsque la consultation ne comprend que deux entreprises, cela est considéré comme un constat d'infructuosité, et nécessite l'accord de la direction générale pour poursuivre. Sur cette déclaration, l'avocat de la défense demande qui a ordonné l'annulation de l'appel d'offres, et comment explique-t-il que le lendemain de la l'annulation, cette direction avait effectué une réunion avec le bureau CAD. Le témoin précise qu'il n'était pas tenu d'informer le bureau CAD de l'annulation, puisque ce dernier avait signé ce contrat de gré à gré avec la direction centrale.L'avocat revient à la charge et indique que le témoin était présent à la réunion qui a suivi l'annulation, et qu'à ce titre, il fait référence à l'arrêté interministériel pour fixer les honoraires du bureau d'études CAD. Ce dernier stipule que la rémunération du bureau d'études devait se situer entre 4,8%et 5,4% du coût du projet. Chose que le témoin confirme, et précise que finalement les honoraires ont été fixés à 3%.A ce stade de l'audition, l'avocat de la défense revient sur le point nodal de ce dossier, en l'occurrence la responsabilité de poursuivre la consultation avec uniquement deux entreprises. Tenant compte du fait que M.Benabbès en tant que directeur administratif, était hiérarchiquement le supérieur de M.Aït El Hocine, et pouvait ignorer cette situation.Le témoin répond que son chef de département, Aït El Hocine, chargé de la notation technique devait se munir d'un mode opératoire avant de rencontrer les membres de la commission. Il précise, par ailleurs, que sur ce point il faut rappeler que la commission avait reçu l'accord de la direction pour poursuivre la soumission.La séance de l'après-midi, s'est avérée très laborieuse, et pour cause, la lumière n'a pas été faite sur les deux points les plus importants dans l'affaire de rénovation du siège de Ghermoul et ce malgré l'audition importante du témoin Benabbès, qui devait en principe renseigner sur les circonstances du choix du gré à gré, et surtout, sur l'explication sur le maintien de la soumission alors que les résultats contredisaient la directive R15.
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 18/01/2016
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Ali AMZAL
Source : www.lexpressiondz.com