Algérie

Les consortiums pour débloquer la panne



Photo : S. Zoheir
Par Bahia Aliouche
La diversification de l'économie nationale et le développement des exportations hors hydrocarbures en Algérie sont, depuis plus d'une décennie, au centre des préoccupations des pouvoirs publics qui ont pris des mesures destinées à promouvoir la production algérienne sur les marchés extérieurs. Actuellement, le programme du gouvernement vise, de surcroît, la diversification de la production nationale par la valorisation des ressources naturelles du pays, la substitution à l'importation ainsi que la promotion des exportations hors hydrocarbures. La dernière tripartite, à titre d'exemple, a permis au gouvernement de prendre de nombreuses mesures visant l'assainissement de l'environnement de l'entreprise et la promotion des exportations.Néanmoins, en dépit des efforts consentis par l'Etat et les facilitations mises en place pour encourager les exportations, le constat, selon le ministre de l'Industrie, de la PME et de
la Promotion de l'Investissement, Mohamed Benmeradi, reste «amer» et continu d'interpeller les pouvoirs publics sur la part des hydrocarbures qui représentent 77% des recettes fiscales et 97% des exportations. Malgré une bonne performance enregistrée en 2011 avec 2,15 milliards de dollars américains et une progression de 41% par rapport à 2010, les exportations hors hydrocarbures demeurent toujours très faibles et sont très loin des potentialités nationales et des besoins du pays. Elles représentent moins de 3% du volume global des exportations de l'Algérie. Les opérateurs économiques et experts imputent cette situation à différents facteurs qui se résument essentiellement en entraves bureaucratiques ainsi que les lenteurs et complexité des procédures douanières. Les exportateurs se plaignent également de «l'environnement bancaire qui n'est pas à la hauteur», «du manque de logistique et d'infrastructures portuaires», et de «l'insuffisance des mécanismes d'aide à l'exportation». Selon certains experts, «l'administration s'est organisée autour de l'acte d'importer et non pas celui d'exporter». De l'avis de M. Benmeradi, la promotion des exportations ne peut être conçue uniquement comme une grappe de mesures d'incitation à caractère commercial ou financier. Les enjeux sont d'abord d'ordre industriel, ce qui inclut la nécessité de mettre à niveau les entreprises nationales sur le plan technologique et la nécessité d'améliorer concrètement leur accès aux marchés internationaux. Les consortiums d'exportation peuvent donc constituer la première étape d'une
stratégie de renforcement de la compétitivité des PME.

Des consortiums pour pénétrer les marchés étrangers
Le consortium d'exportation est l'alliance volontaire d'entreprises dont l'objectif est de promouvoir les biens et services de ses membres à l'étranger et de faciliter l'exportation de leurs produits grâce à des actions communes. Cette plate-forme de mutualisation permet la réduction des frais de promotion et des frais généraux pour l'exportation, un pouvoir de négociation accru, une meilleure connaissance des marchés et des risques commerciaux partagés. Les consortiums ont permis, partout où l'expérience a été menée, d'enregistrer des résultats remarquables. Ils ont fait leur preuve dans plusieurs domaines. A titre d'exemple en 2004, six moyennes entreprises marocaines du textile-habillement ont décidé de créer le consortium d'exportation Mosaic. Grâce au pouvoir de négociations plus élevé acquis à travers ce consortium, les entreprises membres ont pu réduire considérablement leurs coûts. Elles ont amélioré les conditions d'achat avec les fournisseurs communs, ont négocié des tarifs préférentiels avec les transitaires pour l'assurance à l'exportation et ont créé une base de données commune de clients et fournisseurs.

Trois consortiums d'exportation dans l'industrie agroalimentaire
Dans le cadre du programme de modernisation et de diversification du secteur agroalimentaire, l'Algérie, à l'instar du Maroc et de la Tunisie, s'est fixée l'objectif de se doter de cinq consortiums d'exportation dans l'Industrie agroalimentaire (IAA). Il s'agit d'un projet mené par le ministère de l'Industrie, de la PME et de la promotion de l'investissement en collaboration avec l'Organisation des nations unies pour le développement industriel (Onudi) et la coopération française. La première phase de ce projet consiste à mettre en place, à l'horizon 2013, trois consortiums d'exportation dédiés à l'agroalimentaire. Et ce, afin de permettre aux entreprises exportatrices de cette filière d'accéder aux marchés extérieurs.

Pourquoi le secteur de l'IAA '
Cette branche est dominante dans le secteur industriel national dans lequel elle contribue de 50 à 55% dans le PIB industriel et représente 33% de la valeur ajoutée (plus de 197 milliards de dinars) et à hauteur de 45% du chiffre d'affaires (plus de 700 milliards de dinars).Elle recélait à fin 2011 plus de 22 000 entreprises et plus de 145 000 emplois et employait 40% de la population active industrielle. La plupart des grandes entreprises relèvent de ce secteur et détiennent, aujourd'hui, selon M. Benmeradi, un savoir-faire commercial et technologique, «incontestable».Certaines de ces entreprises sont aujourd'hui présentes sur le marché international et d'autres, notamment des PME, possèdent un potentiel qu'il faut valoriser.

Lancement d'un programme algéro-onusien
Dans le but d'encourager la création des consortiums dans ce secteur, un programme algéro-onusien vient d'être lancé par le département de M. Benmeradi avec l'appui de l'Onudi. Ce programme de 3 ans s'inscrit dans la continuité d'un projet déjà réalisé dans le cadre de la coopération avec l'Onudiet mené entre mars 2003 et décembre 2009. Ce dernier portait sur le renforcement des capacités des structures d'appui et d'assistance à la mise à niveau des PME de l'industrie agroalimentaire. Financé par l'ambassade de France en Algérie à 450 000 euros, le programme cible en premier lieu les entreprises moyennes disposant d'un potentiel et de parts de marché.
La première année de ce programme sera consacrée à la sensibilisation des entreprises nationales publiques et privées sur les avantages offerts par l'adhésion aux consortiums, notamment en matière de conquête des marchés étrangers et d'exportation des produits et services. Des rencontres seront ainsi animées par des experts de l'Onudi pour inciter les opérateurs économiques à adhérer à un réseau en vue d'augmenter leurs chances d'exporter leurs produits et de les faire connaître à l'étranger. Des visites à des pays maghrébins et européens seront, par ailleurs, organisées au profit des chefs d'entreprises et hommes d'affaires algériens désirant s'enquérir du fonctionnement des consortiums dans ces pays.Selon le directeur général de la Veille stratégique des études économiques et des statistiques au MIPI, Mohamed Bacha, «ces consortiums d'exportation, qui devraient s'élargir progressivement aux autres secteurs, en particulier à celui de l'industrie pharmaceutique, du médicament et des services, permettront aux entreprises algériennes d'accéder aux marchés extérieurs à travers une mutualisation des moyens du marketing international».

Des obstacles à la création de consortiums d'exportation
La création d'une structure collective regroupant plusieurs PME n'est pas une tâche facile. Les consortiums peuvent rencontrer tout au long de leur existence des obstacles internes en raison de l'organisation ou de la gestion du consortium mais en raison, aussi, des conflits potentiels entre les membres.Des obstacles externes, liés à l'environnement, peuvent, aussi, apparaître en raison d'un manque d'institutions et de mesures de soutien pour les consortiums et autres alliances stratégiques d'entreprises. L'autre obstacle est le contexte économique international défavorable qui peut limiter l'impact, sur les entreprises membres, des investissements promotionnels du consortium.De l'avis de M. Benmeradi, la création des consortiums à l'exportation et leur succès reposent fondamentalement sur «la volonté réelle de nos entreprises de se transformer, aidées certes par l'Etat et une expertise appropriée, mais aussi par leurs associations et les fédérations professionnelles qui doivent se mobiliser à cet effet».


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